provoqué de remous. En somme, les intellectuels se trouvaient frustrés au double plan politique et économique, en dépit de l’accession à des postes ministériels de quelques-uns d’entre eux.
Certes, ministres, fonctionnaires et étudiants, tous plus ou moins camarades d’études, continuent à se réunir chez l’un ou l’autre. Ils continuent, les bonnes habitudes du Quartier Latin ne se perdant pas facilement, à discuter et aussi à critiquer, comme jadis, le Président et ses ministres. Aux dires d’un témoin devenu ministre bien plus tard, tout cela se passait à l’africaine, en rigolant, les uns dépourvus de responsabilités se montrant plus caustiques, tandis que les autres, censés se cantonner dans « une attitude de réserve », étant amenés à prendre peu ou prou position. En tous cas, rien de bien méchant. Au contraire. La presse du P.D.C.I. donnait alors aux étudiants chahuteurs de Paris, l’exemple d’Amadou Koné et de Charles Donwahi, qui avaient présidé de longues années durant l’Association des Étudiants et Élèves de Côte d’Ivoire en France, aux tendances gauchistes évidentes.
En dépit de la sérénité mentionnée ci-dessus, le Président prend les devants et cherche à obtenir de l’Assemblée nationale les instruments légaux nécessaires pour empêcher l’apparition de toute force concurrente à même de porter atteinte au monopole du pouvoir. Dans le cadre de la campagne contre l’exode rural et l’afflux d’oisifs vers les centres urbains, les députés, convoqués en session extraordinaire le 5 avril 1962, sont priés d’approuver un projet de loi relatif « à l’utilisation des personnes en vue d’assurer la promotion économique et sociale de la nation » [19].
Mais l’exposé des motifs de ce projet de loi au titre anodin contient des paragraphes bien sinistres. « Ainsi, le projet tend à permettre, dans certaines conditions et circonstances, la réquisition de certains citoyens et citoyennes pour accomplir une tâche déterminée, soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé... ». Or, « il arrive que parmi ceux qui, grâce à l’aide de la nation ont pu accéder aux compétences supérieures, il en est dont l’ingratitude n’est pas qualifiable ; ils fuient le service public, moins rémunérateur, pour chercher égoïstement dans une activité privée une fortune qu’ils ne doivent pas à eux seuls... » [20].
Donc n’importe qui peut être