proclamait encore, six années plus tard, à Khorogo :
« … Les dirigeants de ce pays auront à cœur de ne pas faire de leurs frères paysans des citoyens de seconde zone, mais s’attacheront, au contraire, à leur assurer des conditions de vie comparables à celle des citadins » [15].
M. Philippe Yacé, président de l’Assemblée nationale, renchérissait. « Notre développement économique, affirmait-il, repose sur le paysan, l’amélioration de son sort. Toutes les actions engagées tendent à lui donner la primauté que sa prépondérance dans la composition démographique du pays lui confère » [16]. Il devait reparler, en 1968, de notre « souci de procurer à nos populations rurales un niveau de vie décent… » [17]. Puis en 1975 et encore en 1978.
Pourtant, aucune des mesures édictées apparemment en faveur des paysans n’a participé - et ne pouvait participer - à la matérialisation de ces promesses. Il y eu trois tentatives, vouées à l’échec dès le départ et qui ont effectivement avorté.
La première fut la création, par une loi du 24 août 1959, d’une Caisse Nationale de Crédit Agricole (C.N.C.A.) qualifiée de « véritable banque des paysans ». Elle succédait au Crédit de Côte d’Ivoire fondé en 1946.
Le caractère “paysan” de cette banque paraît, dès le départ, peu convaincant. En effet, le 24 juin 1960, lors de l’inauguration du siège du nouvel organisme, son président, M. Konian Kodjo, déclarait disposer déjà de « 232 dépôts pour un montant de 140 millions de francs environ… ». Cela fait une épargne moyenne individuelle de 600 000 francs C.F.A., somme énorme, surtout à l’époque. De toute évidence cette épargne ne pouvait provenir des petits paysans, puisqu’elle représentait l’équivalent du prix de vente de 5 700 kilos de café (à 105 francs C.F.A. le kilogramme), c’est-à-dire la production annuelle d’une vingtaine d’hectares de caféiers en moyenne. Or la petite propriété paysanne de type familial, sans main-d’oeuvre extérieure, couvre à peine trois hectares [<a href=’#nb18’ class=’spip_note’ rel=’appendix’ title=’Le producteur de café - ou de cacao - est en fait un privilégié comparé à son (...)’