réunis en Congrès insistent longuement sur la nécessité de l’africanisation.
Ce néologisme constituera effectivement l’axe central de la bataille entre intellectuels voulant accéder aux plus hauts postes de l’administration occupés par des conseillers étrangers [42], et la bourgeoisie terrienne. Celle-ci s’oppose farouchement au nom du refus de « l’africanisation au rabais » [43]. En fait, elle préfère, semble-t-il, les cadres étrangers pour ne pas avoir à dépendre de la « néo-bourgeoisie des lettres », celle-ci risquant de lui contester le monopole du pouvoir.
Et pourtant, en 1956 [44], quand M. Houphouët-Boigny, alors tout nouveau membre du Cabinet Guy Mollet, essayait de mobiliser les fonctionnaires ivoiriens en faveur de la Loi-Cadre, il avait fait miroiter devant leurs yeux « l’africanisation des cadres par la refonte de la Fonction Publique ». Et il avait ajouté :
« Nous voulons associer l’élite africaine à la gestion des affaires sans exclure la coopération fructueuse de nos frères métropolitains. »
Cet appât restera très longtemps - et reste encore dans certains secteurs - hors de portée des intellectuels ivoiriens des secteurs public et privé en dépit de leurs efforts pour se hisser jusqu’aux postes convoités, en dépit de leur hâte bien compréhensible, à occuper la portion la plus large possible du lebensraum administratif de “leur” territoire, ou du moins à augmenter leurs revenus parallèlement à ceux des planteurs au pouvoir.
Dans l’immédiat, la création de la J.R.D.A.C.I. paraît d’autant plus inopportune - pour ne pas dire dangereuse - aux autorités politiques qu’elle suit de très près des troubles provoqués par de jeunes “lettrés”. D’apparence tribale, mais de caractère social, ils avaient éclaté à Abidjan en octobre 1958. « La Ligue des originaires de Côte d’Ivoire » créée par de jeunes Ivoiriens issus du cycle primaire de l’enseignement et réduits au chômage, en porte la responsabilité. Ses adhérents ressentaient « plus vivement que d’autres la présence des étrangers… [et] accusaient Togolais et Dahoméens d’accaparer les bonnes