class=’manualbr’ />On ne peut méconnaître l’impact de l’ensemble des causes et facteurs précités. Mais de toute évidence leur rôle paraît comparativement secondaire face à la nécessité de préserver la prépondérance des positions acquises par la bourgeoisie terrienne. Celle-ci mènera donc une lutte conséquente contre ses intellectuels, pour les empêcher de se constituer en classe, en une « néo-bourgeoisie des lettres » suivant l’expression quelque peu médisante de M. Houphouët-Boigny [29]. Elle représente en effet un concurrent potentiel, dangereux, pour le leadership des gros planteurs en Côte d’Ivoire. Concurrence potentielle, mais danger actuel, imminent, dans la mesure où cette même « néo-bourgeoisie des lettres » accède précisément au pouvoir dans les autres territoires de l’A.O.F., constituant autant de mauvais exemples et d’alliés éventuels des intellectuels ivoiriens.
M. Houphouët-Boigny sera amené à lutter avec détermination contre toutes les composantes de son intelligentsia.
Les étudiants, parce que remuants et résidant souvent à l’étranger, et à ce double titre capables de provoquer des échos hors de proportions avec leur impact réel sur le pays, retiendront en particulier son attention. Ils sont certes les moins dangereux pour le pouvoir. Mais ils font trop parler d’eux. Ils le contrent, ils le défient. Ils proclament leur opposition à la Communauté franco-africaine défendue ou plutôt portée à bout de bras par M. Houphouët-Boigny. Ils expliquent cette attitude du leader ivoirien par le fait que « ses intérêts sont considérables en Côte d’Ivoire [donc] il lui faut le soutien des capitalistes et des colonialistes français pour les sauvegarder et les faire fructifier » [30].
M. Félix Houphouët-Boigny ordonne l’arrestation, en mai 1959, à l’escale d’Abidjan, d’un jeune Ivoirien, M. Mémel Fote Harris, alors président de l’Association des Étudiants de Côte d’Ivoire en France (A.E.C.I.F.). Il l’accuse publiquement d’avoir mis sur pied, avec de jeunes étudiants, un plan d’assassinats. Trois autres responsables étudiants sont mis également en état d’arrestation.
Mais il ne peut tout de même pas faire arrêter les 711 boursiers - dont 356 dans diverses universités - et les quelque 500 non boursiers de France groupés au sein de