corvées administratives ». L’expansion de l’économie au lendemain de la première guerre mondiale exige, par ailleurs, une main-d’œuvre de plus en plus abondante au service du secteur privé. Mais l’état d’esprit ayant évolué, les habitants de la zone côtière font preuve de réticence. Pour éviter des remous, sans forcément porter atteinte aux intérêts des forestiers et planteurs européens - et aussi africains - les autorités coloniales encouragent ouvertement les utilisateurs de main-d’œuvre à se retourner vers les régions forestières et sahéliennes du pays. Bientôt, les cantons proprement ivoiriens ne suffiront plus comme réservoirs de main-d’œuvre. L’Administration coloniale démembrera alors le territoire de Haute-Volta et rattachera, en 1932, le pays mossi à la Côte d’Ivoire.
Ces faits illustrent bien la dépendance chronique - jusqu’à ce jour - de la Côte d’Ivoire sur le plan de la main-d’œuvre immigrée.
On trouve des détails particulièrement intéressants quoique pénibles sur les modalités et les implications de ce recrutement dans la remarquable thèse de Doctorat de 3e cycle de M. Raymond Guillaneuf intitulée La Presse en Côte d’Ivoire - La colonisation - L’aube de la décolonisation, 1906-1952.
Quand le Bureau International du Travail et le gouvernement de Front Populaire en France prendront des mesures pour mettre fin au scandale du travail forcé, les colons prédiront « la ruine de la colonie ».
Donc, de façon générale, on se trouve devant un amoncellement de facteurs négatifs lourds de conséquences pour l’avenir : la destruction de la chefferie pour les besoins de l’heure sans perspectives ou solution de rechange, l’administration directe mise à part ; la substitution d’une économie capitaliste et par conséquent unificatrice dans une grande mesure, à des groupements à économie quasi-autarcique ; la prolétarisation forcée et à grande échelle.
Le tout couronné par une ambiance raciste, poussée jusqu’à l’aberration, et qui ne pouvait pas ne pas marquer les élites d’alors.
La lecture des extraits de la presse de l’époque publiés dans la thèse de M. Raymond Guillaneuf provoque un traumatisme douloureux dans la mesure où elle met en relief un mépris abyssal de l’indigène [5]. Ainsi, le Courrier de l’ouest Africain du 4 janvier 1930 ne cache pas sa crainte de voir interdit le port de la chicotte, « car en ce moment, on fait assaut de