planteurs africains, les colons se devaient de réagir. Ils le feront sur leur propre terrain, le terrain politique. Là où ils disposent, même au temps de la toute puissance de Latrille, de nombreux soutiens au double niveau de l’appareil colonial en place et de leur puissant lobby en métropole. Donc, volens nolens, la lutte débordera sur le plan politique. Les planteurs autochtones eux aussi se rendent compte de la nécessité d’entrer dans l’arène politique pour avoir une chance de neutraliser, d’affaiblir et d’éliminer les planteurs européens. Mieux, ils s’empresseront d’élargir le front de la lutte, d’étendre le face à face de l’échelon territorial à l’ensemble de la fédération quand les colons commettront l’erreur d’en prendre l’initiative.
Dès août 1945, l’élection de la Commission Municipale d’Abidjan fournit au S.A.A. l’occasion d’engager une première épreuve de force. Cette commission devait être composée de neuf « citoyens français » et de neuf « sujets français » élus au scrutin de liste par un collège unique. Le 11 août, au cours d’une réunion au siège de l’Union fraternelle des originaires de la Côte d’Ivoire (U.F.O.C.I.), Félix Houphouët rejette la présence d’Européens sur cette liste. Il l’explique par l’opposition des aspirations des populations autochtones avec celle de beaucoup d’Européens, des colons notamment.
« L’élite intellectuelle largement représentée à ce meeting » La Côte d’Ivoire dans la Cité africaine, [42] le suit. Parce que, à ce stade, elle ne peut, sans doute, s’y opposer. La direction du mouvement politique paraît bien tenue en mains par les représentants des gros - et petits - planteurs autochtones.
Les Européens, conscients de l’impossibilité de trouver des « sujets » africains prêts à s’associer à eux, donneront la consigne d’abstention. Le Bloc Africain patronné par le S.A.A. - huit Ivoiriens, six Sénégalais, deux Guinéens et deux Dahoméens - obtiendra 1 495 voix sur 1 523 votants et 4 132 inscrits.
Deuxième épreuve de force politique, la préparation des élections à l’Assemblée nationale constituante. Une ordonnance du gouvernement provisoire, datée du 22 août 1945, accordait aux « sujets » français - et non plus au seuls « citoyens » - le droit de désigner leur représentants à l’Assemblée nationale constituante. La Côte d’Ivoire aurait droit à deux députés, un pour les citoyens et un
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