Gold Coast. Pour faire face à cette pénurie, les planteurs et les exploitants forestiers français avaient demandé aux autorités d’interdire l’accès de leur collègues africains au recrutement administratif. Leurs vœux devaient être exaucés.
L’objectif des planteurs européens et de l’administration visait durant ces années de guerre, « à réduire les plantations africaines à une échelle ne nécessitant plus du travail rémunéré » [25]. Bien entendu, un tel but ne pouvait que paraître insensé à la cinquantaine de gros planteurs ivoiriens et aux centaines d’autres disposant de superficies importantes quoique morcelées.
Comment M. Houphouët par exemple pouvait-il exploiter, dans ces conditions, ses centaines d’hectares de plantations ? N’était-il pas au demeurant obligé, lui aussi, en sa qualité de chef de canton, de « fournir son contingent de travailleurs forcés » ?
Résultat ? En 1944 la production de cacao était tombée de 50 000 à 9 000 tonnes. Mais si les métropolitains avaient sauvé leurs 5 000 tonnes, les planteurs ivoiriens avaient vu leur production chuter de 45 000 à 4 000 tonnes.
Pour compléter le tableau, il faudrait citer le renouveau des discriminations raciales durant la période vichyste, et d’autres griefs, bien spécifiques, bien bourgeois, mais aussi humains :
« … Des diplômés de William Ponty et quelques planteurs riches, écrit M. Zolberg, avaient réussi à s’élever dans la nouvelle hiérarchie sociale. La pénurie du temps de guerre affectait plus sérieusement l’élite que toute autre, y compris les étrangers. Parmi les souvenirs les plus mémorables de cette époque, les membres de l’élite citent… l’obligation dans laquelle ils se trouvaient de retourner au mode vie africain… Durant la guerre, les étudiants autochtones pensionnaires de l’École Primaire Supérieure firent grève pour obtenir à nouveau des plats cuisinés français. Les quelques femmes africaines éduquées s’irritaient d’avoir à allaiter leur bébés… » [26].
En somme, jusqu’à la seconde guerre mondiale, en dépit des atteintes à leur dignité et de quelques escarmouches avec les autorités coloniales et le grand commerce, les planteurs ivoiriens acceptaient en fait l’ordre établi. N’avaient-ils pas accès, comme leurs collègues métropolitains