stagnation, voire la régression, de leur pouvoir d’achat. Les étudiants, traumatisés par le chômage de leurs aînés, sentent que l’avenir est bouché. Les grèves sauvages des ouvriers se multiplient. La grogne des petites gens devant le superbe des quartiers voisins devient grondement, voire hargne. Le lumpen prolétariat, formé en grande partie d’immigrés entassés dans les bidonvilles des faubourgs, constitue une masse de manœuvre disponible et réceptive…
Circonstance aggravante pour la Côte d’Ivoire, cette crise de régime se manifeste au moment même où l’économie et les finances ivoiriennes traversent, elles aussi, une crise extrêmement grave.
Par exemple, l’industrie en principe génératrice de plus-value, de profits, constitue un véritable boulet pour la Côte d’Ivoire. En effet, selon le rapport confidentiel de la Banque Mondiale daté de février 1977, et déjà cité, « l’industrie, dans son ensemble, est subventionnée, et la forêt et l’agriculture fournissent les moyens pour ce faire ». Si les mots ont une valeur, cela signifie que le secteur primaire sert, entre autres, à financer le rapatriement des bénéfices des entreprises à capitaux étrangers aussi bien que les malversations et l’incurie des dirigeants, en particulier ceux des Sociétés d’État. Celles-ci s’étaient transformées en gouffres financiers et le scandale de leur gestion avait pris une telle ampleur que le gouvernement avait décidé, en juin 1980, d’en conserver seulement sept dans leur forme juridique d’origine et de liquider ou de reconvertir les 29 autres.
Sur le plan des finances publiques, la situation n’apparaît guère plus brillante si l’on s’en tient aux publications des organismes internationaux. Dans ce domaine, le problème de la dette extérieure et celui de son
remboursement constituent l’étalon fondamental. Qu’en est-il en Côte d’Ivoire ?
En 1960, lors du débat budgétaire, M. Raphaël Saller, alors ministre des Finances, soulignait la nécessité d’en « finir une fois pour toutes, cette année, avec les dettes de la Côte d’Ivoire » [4].
Cette politique de rigueur prônée au départ devait être abandonnée par M. Konan Bédié, encouragé en cela, il faut le reconnaître, par le Président toujours axé, répétons-le, sur le court terme. Le gouvernement s’engageait en effet dans la voie de la facilité - parallèlement à celle qui caractérisait son attitude vis-à-vis de l’agriculture itinérante ou de la déforestation - en ayant recours aux emprunts