« Manifeste de l’E.D.I.C.I. », on compte en effet une dizaine de commis des services administratifs ou des transmissions, un ancien instituteur, un géomètre des travaux publics… Quelques médecins africains, M. Blaise N’Dia Koffi, par exemple, adhèreront rapidement à la nouvelle formation. On trouvera aussi des commerçants, mais peu de planteurs, sinon quelques chefs de village. Chose importante, l’E.D.I.C.I. reçoit l’adhésion de plusieurs conseillers généraux, élus pourtant comme R.D.A. : MM. Étienne Lattier, Goffri Kouassi, Egenon Niangoran, Capri Djedje, Sekou Sanogo…
Cette désertion en masse amènera, 15 ans plus tard, M. Philippe Yacé, secrétaire général du P.D.C.I., à déclarer au IVe Congrès du Parti :
« Au premier rendez-vous entre Félix Houphouët-Boigny et les patriotes de la première heure, les fonctionnaires figuraient en nombre bien modeste… » [8].
Le président Denise, pour justifier à son tour et a posteriori, les condamnations à mort et les longues peines de prison qui seront infligées aux « comploteurs » de 1963, attaquera lui aussi « nos intellectuels d’alors [qui] avaient pris peur, avaient fui la lutte et passé le pont pour se ranger du coté de ceux-là même qui justement nous opprimaient » [9].
Certes, de très nombreux intellectuels appartenant surtout à la fonction publique avaient alors viré de bord. Mais ce faisant, ils apparaissaient comme de simples précurseurs, puisque le R.D.A., dans son ensemble, devait déserter la lutte anti-coloniale quelques mois plus tard. Au demeurant, l’équité la plus élémentaire exigerait le rappel de certains faits historiques à la décharge des intellectuels. Par exemple, 180 fonctionnaires préfèreront la révocation - Ouezzin Coulibaly leur rendra hommage lors de sa déposition devant la Commission d’enquête [10] - c’est-à-dire le sacrifice de leur gagne-pain, à la trahison. On peut citer encore le lourd tribut, payé en années de prison, par les fonctionnaires : ainsi, Zoro-bi-Tra, moniteur de l’enseignement condamné à huit ans de prison, Jean-Baptiste Mockey, pharmacien, Albert Paraiso, greffier, Mathieu Ekra, fonctionnaire du chemin de fer, condamné alors à cinq ans. Il y eut en tout 26 condamnés et 16 relaxés après une année de prison préventive : très peu