sujet d’étonnement pour lui. Il ne s’y attendait certainement pas.
L’idée en avait été lancée, pour la première fois, durant le séjour en Haute-Volta, en décembre 1964, du président Houphouët-Boigny. « Nous allons, au plus tard en 1965, avait-il déclaré publiquement, proclamer la double nationalité pour la Côte d’Ivoire et la Haute-Volta » [38].
L’information avait paru invraisemblable aux dirigeants ivoiriens restés à Abidjan. C’est pourquoi le rédacteur en chef de Fraternité
Matin avait jugé nécessaire de l’annoncer à ses lecteurs, sans toutefois en assumer la responsabilité :
« Par ailleurs, une dépêche de l’Agence France-Presse nous apprend que le président Houphouët-Boigny... »
Le lendemain, la confirmation étant arrivée de Ouagadougou, Fraternité-Matin titrait :
« La double nationalité dans le premier trimestre 1965. »
A Bobo-Dioulasso, le président Houphouët-Boigny précise davantage les contours de son projet et l’étend au Niger : « Il existe, dit-il, un axe solide qui part d’Abidjan par Ouagadougou et aboutit à Niamey. Les nationaux de ces trois pays se considèrent comme des citoyens d’un ensemble solidaire et fraternel. Ils auront les mêmes droits et aussi les mêmes devoirs, à savoir ils bénéficieront d’un accès égal à la fonction publique dans les trois États, d’un accès égal à la propriété privée, ils seront électeurs et éligibles et on verra un Ivoirien ministre à Ouagadougou ou à Niamey, un Voltaïque ministre à Abidjan, et ainsi de suite. »
L’idée paraît généreuse aux non-Ivoiriens. La Côte d’Ivoire est le pays le plus riche des trois, et elle seule accueille des émigrés des deux autres pays. Le projet apparaît, d’autre part, comme une riposte à ceux qui accusent la Côte d’Ivoire de s’opposer à l’unité africaine, par égoïsme.
Mais la date limite primitive du premier trimestre passe et on parle de moins en moins de double nationalité. En effet, la coopération nouvelle - au sein ou aux côtés du Conseil de l’Entente - du Togo et surtout du Dahomey, réservoirs traditionnels de cadres, fausse le problème.
La classe ivoirienne politiquement utile - les planteurs mis à part -, c’est-à-dire le groupe social des intellectuels ou, si l’on préfère, les quelque 15 ou 20 000 cadres - allant de l’instituteur