l’audience particulièrement réceptive de l’Association de la presse étrangère en France pour admettre, publiquement, l’utilisation par les Biafrais d’armes de fabrication française [55]. Est-ce une « gaffe » ? Ce ne peut en être une, car elle serait monumentale, vu les fonctions de l’orateur et l’objet de la déclaration : pour un ministre des Armées, les problèmes d’armements constituent un sujet tabou. Il s’agit donc d’une indiscrétion voulue ayant pour but de gêner au moins le lobby pro-biafrais. Force est de le constater, si l’attitude du général de Gaulle était réellement ferme, M. Messmer - qui avait administré la preuve de son obéissance inconditionnelle au chef de l’État, face aux chefs de l’Armée française en Algérie - n’aurait pas osé adopter une telle attitude.
Y a-t-il revirement d’attitude du général de Gaulle ? Très probablement oui. Il y est poussé, semble t-il, par le triple contexte français, africain et international.
Sur le plan français, le président Charles de Gaulle est occupé par la préparation - et préoccupé à propos des résultats - du référendum du 27 avril qui lui sera d’ailleurs fatal. D’autre part, au moment même où s’ouvre la conférence préliminaire de la « Francophonie » [56], « les progrès de la francophobie dans les masses populaires nigérianes » [57] ne peuvent que lui paraître préoccupants dans le cadre du grand dessein de « Commonwealth francophone. »
Sur le plan africain surtout, l’évolution des événements ne correspond absolument pas aux prévisions par trop optimistes de certains. Aucun nouvel État d’Afrique n’a pu être amené à reconnaître le Biafra. L’O.U.A., dont le dernier conseil des ministres a achevé ses travaux le 23 février 1969, reste inébranlable sur la question de la défense de l’intégrité territoriale de ses États-membres [58]. La volonté de Lagos non plus, n’a pu être fléchie. Ces faits amènent-ils le général de Gaulle à se rendre définitivement compte de l’inanité