francophones, anglophones et arabophones - ou plutôt arabisés - entre bourgeoisies africaines progressistes et conservatrices ? Que peut-il y avoir de commun entre la Libye et la Guinée, la Mauritanie et le Kenya, l’Algérie et l’Ouganda, la Somalie et le Dahomey ? Disparités accentuées davantage par une méfiance maladive, un égalitarisme poussé jusqu’à l’absurde.
Disparités, contradictions, méfiances, jalousies. « On pourrait multiplier à l’infini les raisons qui font paraître chimériques les perspectives d’unité africaine » [7]. Donc, la mise au point d’une plate-forme commune paraît exclue. Pour le rédacteur du journal Le Monde, on peut espérer, tout au plus, « une esquisse de charte africaine » [8]. D’Addis-Abeba, l’envoyé spécial du même quotidien rapporte une opinion similaire, mais plus autorisée puisqu’émise par M. Mongi Slim
[9], ministre tunisien des Affaires étrangères. M. André Blanchet, autre envoyé spécial du Monde, écrit de son côté :
« Qu’une charte définitive ne puisse être élaborée au cours des travaux des chefs d’État, on ne saurait s’en étonner. »
Et telle est, effectivement, l’atmosphère dans les heures qui précèdent l’ouverture de la Conférence. Paradoxalement cela inquiète le président Houphouët-Boigny, pourtant hostile - nous l’avons déjà relevé - aux accords et autres traités ou conventions. Mais dans le cas d’espèce, un texte doit lier les participants pour les empêcher de retomber dans les ornières - dangereuses pour l’évolution harmonieuse des États modérés - du fédéralisme.
L’empereur partage ses alarmes. D’où son discours militant affirmant « avec une vigueur inattendue que les congressistes “trahiraient” leur mission et l’Afrique s’ils quittaient l’Éthiopie sans avoir adopté une charte ». D’où également, l’appel pathétique de M. Maurice Yaméogo, proclamant :
« Mon pays attend de moi que je rapporte, non paraphée, mais bel et bien signée, la charte de l’unité africaine. »
D’où, enfin, la péroraison encore plus pathétique du président Houphouët-Boigny :
« ...