volumineux sur "l’inévitabilité des coups d’Etat en Afrique" et aurait eu le courage de le présenter au président Houphouët-Boigny sans provoquer le moindre écho.. En fait, leur crainte n’était absolument pas simulée et ils ne cachaient guère leur désir de se trouver loin de Côte-d’Ivoire lors d’une éventuelle succession quelque peu
mouvementée. Mais à ma connaissance, et c’est paradoxal, aucune des hypothèses murmurées ou avancées, aucun des scénarios, ne retenaient la possibilité d’un putsch. Le vote, par l’Assemblée nationale, dans un atmosphère de panique, d’une loi portant création d’un tribunal militaire spécial chargé de juger les comploteurs en uniforme n’ébranlera guère le scepticisme général quant à un possible coup d’Etat militaire. Personne, à part le Président - qui n’a jamais fait mystère de sa défiance envers la principale force organisée du pays - ne prenait alors au sérieux cette conjuration.
Pour en revenir au monde civil, il nous faut nous intéresser d’abord à "Radio-Treichville", cette usine de rumeurs plus ou moins fondées
et dont capacité de diffusion - de bouche à oreille - reste prodigieuse. A l’époque, l’exploitation intensive de l’atmosphère de catastrophisme prévalant avait amené "Radio-Treichville" à fabriquer les échafaudages les plus audacieux ou les plus saugrenus.
Parmi les nombreux schémas de coup d’Etat, le plus logique envisageait des émeutes, conséquence d’une quelconque manifestation estudiantine, troubles qui déboucheraient sur une invasion des beaux quartiers "par les ventres creux, les chômeurs
et les émigrés d’Abobo-ville et d’Adjamé"...
Et Paris ? Quel est, à ce moment, l’état d’esprit des différents milieux de la capitale française intéressés, à des titres divers, aux affaires africaines ? Conscients de la fragilité du régime, le problème de la mise en place d’un plan pour la succession prend une tournure quasi obsessionnelle chez certains. Ils ne cachent guère leur inquiétude, je l’ai déjà relevé, quant aux conséquences d’une éventuelle disparition du président Houphouët-Boigny et l’ouverture d’une succession que l’on considère de toute façon difficile...
Le tableau de la situation en Côte-d’Ivoire au début de cette décennie nouvelle serait inachevé si on ne relevait, parallèlement au malaise intérieur, l’isolement d’Abidjan au sein du concert des Etats africains. La guerre du Biafra