coutumiers ou administratifs avaient gardé leurs “captifs” bien après le début - ou la fin - de la seconde guerre mondiale…
Mais déjà, « dès les années 30, en Côte d’Ivoire, quelques gros planteurs indigènes, notamment chez les chefs baoulés et agnis… se constituent des fortunes considérables… [Ils] disposaient de revenus annuels de plusieurs dizaines de milliers de francs ce qui, à l’époque, même en métropole, dénotait une aisance certaine » [10].
La bourgeoisie terrienne, nous l’avons déjà relevé, élargit ses bases au-delà de la chefferie : des citadins éduqués se lancent dans la production de café et de cacao dans lesquels ils voient un moyen de « se libérer de leur dépendance totale des autorités françaises » [11]. Parmi eux, Bernard Dadié. Dès 1924, il démissionne de l’administration coloniale pour se consacrer à l’exploitation forestière avant de devenir planteur. Beaucoup de roturiers non éduqués feront de même dans les régions propices à la culture de ces deux produits d’exportation. Ainsi, Samba Ambroise, un fils de captif, de plus non baoulé, et installé au cœur d’une région baoulé se trouvait déjà, en 1950, à la tête d’une fortune confortable [12].
Au moment où cette bourgeoisie terrienne apparaît sur la scène de l’économie ivoirienne, elle ne semble pas encore constituer une cible en soi, une cible privilégiée pour les métropolitains, devenus, chose assez rare en Afrique occidentale, planteurs. Ce sont des « nègres » comme les autres, et non des concurrents ou des adversaires.
En 1932, la situation paraît bouleversée. La grande crise économique se fait sentir en Côte d’Ivoire. La chute générale des denrées amène les maisons de commerce à profiter de la conjoncture pour offrir des prix dérisoires. Le « Trait d’union », faisant face à ses devoirs d’organe de la S.F.I.O., incite les producteurs au refus de vente. Dans le cadre de cette campagne, la bourgeoisie terrienne de Côte d’Ivoire se manifeste pour la première fois, du moins à notre connaissance, comme couche sociale, comme classe en formation. Elle affirme son droit à l’existence dans une lettre ouverte