la suppression du travail forcé, s’ajoutait une raison spéciale pour les planteurs africains, c’est que la suppression du travail forcé permettait… de se procurer la main-d’œuvre réservée par le système du travail forcé aux plantations européennes. La suppression du travail forcé, précise-t-il encore signifiait donc la liberté du marché du travail qui constituait incontestablement un progrès considérable pour les populations africaines et un avantage certain pour les planteurs africains ».
« Or, dans le rapport fort documenté que vous avez présenté, et dû, vous vous en souvenez, à un travail collectif, j’eus l’occasion de relever une phrase à mon sens démagogique… ».
« Certes, Houphouët, bien que vos raisons ne fussent pas toute altruistes, ajoute-il, vous avez déployé une énergie à laquelle j’ai toujours rendu hommage pour obtenir le vote de la loi supprimant le travail forcé ».
N’empêche. Le leader ivoirien [48] y attachera son nom.
Le triomphe d’Houphouët-Boigny est total : par-delà le renforcement des assises des planteurs ivoiriens en mettant à leur disposition une main-d’oeuvre abondante déviée auparavant, dans le meilleur des cas, vers la Gold Coast, et dans le pire vers les plantations européennes, il apparaît comme le libérateur des Africains de la servitude. Du jour au lendemain, il devient un héros mythique. Cinq ans plus tard, intervenant à l’Assemblée nationale française, M. Sékou Sanogo, leader du Parti progressiste de la Côte d’Ivoire, et adversaire du leader ivoirien, affirme que « M. Houphouët-Boigny est suivi… [parce que] on croit aujourd’hui en Afrique que M. Houphouët-Boigny battu, le travail forcé reparaîtra demain. Voilà la réalité » [49].
Ouezzin Coulibaly, resté jusqu’au bout le fidèle lieutenant de Félix Houphouët, décrivant l’impact de cette loi sur les masses, dira en 1950 qu’« une vague de propagande… a eu pour objet de considérer Houphouët-Boigny comme le principal artisan de la suppression du travail forcé ».
Mais par-delà ces exégèses qui ne viendront d’ailleurs que bien plus tard, dans l’immédiat, la nécessité d’une organisation proprement politique se faisait sentir.
Et de fait, le 26 avril