modestie.
Je fus le conseiller de deux chefs d’État africains. De deux pays différents. Phénomène plus anormal encore, et à ma connaissance sans précédent, je fus le conseiller, entre 1965 et 1969, et d’Houphouët-Boigny et de Diori Hamani. Mais le caractère atypique de mon expérience, ô combien enrichissante ne s’arrête pas là. A l’aube des indépendances, je n’étais ni un survivant de l’administration coloniale, ni fraîchement diplômé des écoles de la France d’Outre-mer. Je n’étais pas non plus un fonctionnaire détaché avec plein salaire et promotions normales à la clé d’une quelconque R.T.F.. De plus, contrairement à tous les autres conseillers, j’émargeais directement et totalement aux budgets de la présidence, en Côte d’Ivoire et au Niger.
En d’autres termes, l’équipe de M. Foccart dont l’activité en Afrique est si bien décrite - et pour cause - par M. R. Bourgi, n’avait aucune prise directe ou indirecte, forte ou atténuée sur moi. Ce qui n’était bien entendu pas le cas de nombre de fonctionnaires français qui tenaient assez au développement harmonieux et accéléré de leur carrière pour accepter des compromis, voire s’engager parfois sur la voie de la compromission.
Autre caractéristique tout à fait inhabituelle à l’époque, je n’étais même pas français.
Enfin, pour compléter le tableau, il convient d’ajouter une dernière touche : ayant participé au mouvement de libération national dans mon pays d’origine, et en ayant payé le prix fort, je pense avoir pu accéder à une vue interne des problèmes des deux pays que j’ai eu l’honneur de servir.
Mes activités, mon action comme conseiller du président Houphouët-Boigny entre 1963 et 1969, et du président Diori entre 1965 et 1974 ne peuvent s’expliquer que dans le contexte résumé ci-dessus. Mon devoir - terme déjà désuet à l’époque et "débile" aujourd’hui - découlait de ces prémisses.
Et pourtant, c’est une suite de circonstances fortuites qui m’ont amené à entrer en contact avec le président Houphouët-Boigny, et à devenir ultérieurement son conseiller. L’histoire vaut d’être contée.
En 1956, j’avais connu un homme exceptionnel, Thaddée Diffre. Officier de la France libre, Compagnon de la Libération à titre militaire, il avait combattu au côté des Israéliens en 1948 - tout autant par désœuvrement sans doute que par sympathie pour la cause juive - jusqu’à devenir le seul officier supérieur chrétien de l’armée israélienne.
Dans le cadre de nos relations amicales, je lui avais rendu un service banal entre hommes. Il m’avait