« Il ressemble à un Bété ; on va mettre Gagnoa comme lieu de naissance. Il ne faut pas le dater d’aujourd’hui », ajoute-t-il. Il établit de sa main le passeport désiré.
Les Guinéens de Côte d’Ivoire, eux, sont au bord de la démoralisation. Du moins ceux qui croient sincèrement en la possibilité d’entreprendre quelque chose de positif. Les autres, plus intéressés à connaître le mode de distribution des cotisations obligatoires collectées, à se faire envoyer en mission à Paris, et à assurer leur situation en Côte d’Ivoire même, font preuve d’un très grand sang-froid.
Sur le plan de l’action psychologique, le F.L.N.G. réussit, certes, à se faire prendre au sérieux, et à obtenir de nombreux articles dans la
presse écrite africaine, européenne et même américaine. Par contre, la guerre des ondes entre Abidjan et Conakry semble tourner à l’avantage de la Guinée, car le leader guinéen connaît le défaut de la cuirasse de son adversaire, à savoir son image de marque. Le président de la Côte d’Ivoire, Sékou Touré le sait, veut paraître comme « le sage de l’Afrique », l’homme généreux, celui qui a horreur de la violence, l’homme désintéressé, celui qui gère son pays en pater familias, qui jouit du soutien de son peuple, etc. La radio guinéenne fait feu de tout bois, alliant le mensonge aux demi-vérités et à des faits de notoriété publique susceptibles de rendre crédible l’ensemble d’une émission radiophonique donnée.
Or, nous l’avons déjà relevé, le président ivoirien considère le respect traditionnel dû à l’âge comme un principe intangible. En conséquence, les insultes de son cadet le vexent. Elles sont dures à admettre.
Cette sensibilité du président Houphouët-Boigny aux attaques lancées contre sa personne, on en a la preuve dans les deux « déclarations du bureau politique du P.D.C.I./R.D.A. » du 24 mars et du 30 avril, lues à la radio par M. Philippe Yacé, secrétaire général du Parti. Une analyse de ces deux documents met en relief un certain nombre d’éléments.
Ainsi la déclaration du 24 mars, longue de 3 500 mots, est entièrement consacrée à la défense de l’image de marque du chef de l’État ivoirien présentée sous un jour on ne peut plus sinistre par Radio-Conakry en particulier et la presse guinéenne en général :
- Non, le président Houphouët n’est nullement responsable de la mort de Ouezzin Coulibaly. Il est mort d’épuisement, emporté par la maladie, le 7 septembre 1958, à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Et Sékou Touré « ose, à tue-tête, crier la question de savoir qui a tué