régime de Conakry et moi-même.
Dans un court exposé, le président Houphouët-Boigny précise le but de notre réunion : il s’agit de démasquer le régime du président Sékou Touré devant l’opinion publique africaine et mondiale, de faire la preuve de sa nocivité pour le peuple guinéen en particulier et pour l’Afrique en général, de l’isoler sur le plan international, et enfin d’entreprendre diverses actions en Guinée même, pour « affaiblir » le gouvernement guinéen.
Cette action sera menée de Paris. En tant que directeur du « Centre d’Information et de Documentation Ivoirien », je suis chargé de la supervision et du financement de l’opération. Le président Houphouët-Boigny me donne des instructions précises.
Certes, sa décision de participer directement à une entreprise aussi compromettante et dangereuse étonne de prime abord. En fait, il n’a jamais fait preuve d’un vain sentimentalisme. Pour lui, la raison d’État prime toute autre considération : les moyens à employer pour la faire prévaloir sont donc simplement fonction des circonstances, des conditions du moment. Sa tactique reste constamment serve de sa stratégie.
Le 27 mars 1966, quelque 10 000 Guinéens de Côte d’Ivoire tiennent un grand meeting au Central boxing club d’Abidjan. M. Chapman, secrétaire général de la sous-section du P.D.C.I./R.D.A. des Guinéens en Côte d’Ivoire, accuse le président Sékou Touré de « s’immiscer dans les affaires intérieures des autres États ». De plus, au cours de cette réunion, les Guinéens de Côte d’Ivoire lancent un appel pressant à tous les patriotes
guinéens et les invitent à s’organiser « en vue de sauver la Guinée de son malheureux sort actuel ».
Les dés sont jetés. La Côte d’Ivoire se trouve compromise. Dans une note datée du 31 mars 1966, j’attire l’attention du président Houphouët-Boigny sur ce point délicat. Le leader ivoirien ne disait-il pas en 1961 :
« La Côte d’Ivoire compte plus de 600 000 non-autochtones. Jamais elle n’admettra que ceux-ci tentent de nuire par quelque moyen que ce soit au régime installé dans leur pays d’origine. »
Donc, dès le départ, le président Houphouët-Boigny semble prêt à s’engager à fond. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il a cru déceler des signes de panique chez M. Sékou Touré. De fait, seul un tel état d’esprit peut expliquer la déclaration ahurissante du président Sékou Touré, appelant, fin mars, ses compatriotes à prendre immédiatement, en cas de coup d’État, leurs coupe-coupe, leurs