de brousse à certains ministres - n’a d’yeux et d’oreilles que pour l’article premier de la Convention donnant aux ressortissants des quatre autres États des droits similaires à ceux des nationaux ivoiriens. Cela l’améne à conclure à la nocivité de tout le projet. Pour elle, accepter ce projet signifie perdre le monopole du marché national du travail intellectuel. Or, comme tous les groupes sociaux similaires de par le monde, elle répugne à la compétition.
On comprend donc l’ampleur de l’émotion soulevée à Abidjan quand l’accord est finalement signé dans la capitale ivoirienne, le 31 décembre 1965.
Après plusieurs reports, le Conseil national, groupant les secrétaires généraux du Parti, les membres du comité directeur et du bureau politique, se réunit le 10 janvier 1966. « En l’absence du chef de l’État, alité », il est présidé par M. Philippe Yacé. Le 12, nouvelle réunion. Selon un témoin, « hors de la présence du président Houphouët, les langues se sont déliées ; il n’y a pas eu une seule prise de position favorable à la double nationalité ; et pour une fois, Yacé a laissé jouer la démocratie ».
Le président Houphouët-Boigny veut gagner du temps et calmer les esprits ; il reporte à plus tard la matérialisation de son projet qui sera précédé d’une campagne d’explications sur le sujet. Même cette concession ne suffit pas à calmer l’émoi général.
Le président ivoirien étant toujours malade, le bureau politique se réunit par conséquent à la villa présidentielle le 19, puis à nouveau le 20 janvier 1966. Selon le communiqué publié à l’issue de cette dernière réunion, « le président de la République... a pris acte des inquiétudes qui se sont fait jour même chez les meilleurs de nos militants quant au problème de la double nationalité... ».
La réunion du Conseil national du jeudi 21 janvier, sous la présidence M. Houphouët-Boigny, sera édifiante. Selon un témoin, « l’un des participants a résumé l’opinion de tous en s’adressant en pleine séance, au chef de l’État, pour lui dire : “Président, si tu veux faire la double nationalité, tu dois, d’abord, nous mettre tous en prison” ». Le président Houphouët-Boigny admet sa défaite, la première - et la dernière - à notre connaissance, infligée par un organisme ivoirien.
La volonté de M. Houphouët-Boigny de ménager le front intérieur au détriment du Conseil de l’Entente se trouve de façon très explicite dans sa déclaration devant cette assemblée de cadres. Elle est très peu fraternelle. Il exclut « le retour éventuel en Côte