jusqu’aux derniers jours de mars 1968. D’où la parade habile consistant à considérer l’affaire du Biafra comme un problème humain et non politique. Donc si le président Houphouët-Boigny intervient dans les Affaires intérieures du Nigeria, s’il passe outre à l’intangibilité des frontières et à la charte de l’O.U.A., c’est uniquement pour arrêter l’effusion de sang.
Le 9 mai, de retour de Suisse, le président Houphouët-Boigny donne une conférence de presse dans les salons de l’ambassade de Côte d’Ivoire. Il y crie son indignation devant « l’indifférence inexplicable, l’indifférence coupable du monde entier à l’égard des massacres dont le Biafra est le théâtre depuis plus de dix mois... ». Il se dit enfin convaincu - c’est le fond de sa pensée - que « même si ... le Nigeria venait à occuper la totalité du Biafra, le problème de la sécession ne serait pas résolu pour autant ».
Quant à la question de la reconnaissance, elle sera soumise, dit-il, à l’appréciation des instances politiques de son pays. A propos des mercenaires du Biafra, « il n’y a aucune commune mesure, affirme-t-il, entre les quelques centaines d’individus qui combattent au Biafra et l’aide massive apportée par deux grands gouvernements au gouvernement de Lagos ».
Que son argumentation, basée sur le facteur humanitaire, soit crédible ou non, le président Houphouët-Boigny, avec son esprit de suite caractéristique, veut atteindre son but. Dans une première phase, il lui faudra donner un caractère nettement démocratique à la décision de reconnaissance du Biafra.
Le soir même de sa conférence de presse à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, il arrive à Abidjan où il déclare :
« À titre personnel, j’ai non seulement dénoncé, mais condamné ce génocide... J’ai fait mon devoir... la parole maintenant est au pays. »
Effectivement, le 11 mai 1968, Fraternité-Matin publie un communiqué du secrétariat général du P.D.C.I. convoquant pour le 14, à 16 heures, le Conseil national, élargi à la quasi-totalité des cadres supérieurs du pays.
Plusieurs ministres amis auxquels moi-même - arrivé à Abidjan 12 heures après le président Houphouët-Boigny - rends visite, ne cachent pas leurs réticences, voire leur hostilité.
M. Usher Assouan, lui, réunit le 12 mai ses directeurs de service et les ambassadeurs à l’étranger convoqués, à cette occasion, en Côte
d’Ivoire. Il leur demande d’exprimer ouvertement leur opinion sur le sujet qui sera débattu au Conseil national. « La plupart,