sa guérilla diplomatique a joué indubitablement un grand rôle dans l’isolement et l’affaiblissement politique du régime ghanéen. Le reflux “révolutionnaire” généralisé en Afrique aidant, les officiers ont sans doute été encouragés à se lancer dans leur entreprise.
Mais au lendemain de l’élimination du Dr N’Krumah, la Côte d’Ivoire se gardera bien de pavoiser. Au contraire, Fraternité Matin reproduit les dépêches d’agences et affirme le 26 février : « Nous n’avons ni à juger, ni à condamner ceux qui sont responsables (du coup d’État). »
La prudence et la retenue de la Côte d’Ivoire s’expliquent.
Tout d’abord, l’asile accordé par la Guinée à l’Osagyefo relance, à un niveau supérieur, le violent conflit qui oppose M. Sékou Touré à M. Houphouët-Boigny. Ensuite, la situation est quelque peu gênante pour Abidjan, car ceux qui se réjouissent le plus de la chute du Dr N’Krumah sont des gens peu recommandables. Radio-Salisbury en particulier pavoise. Le Monde du 26 février ne se contente pas de rapporter une dépêche d’agence qui dit :
« En Rhodésie, la nouvelle a été accueillie avec joie par la minorité blanche... C’est un des événements les plus favorables à la cause rhodésienne... »
Dans la première édition du quotidien, la rédaction avait tenu à préciser, de plus, dans le “chapeau” : « Satisfaction en Rhodésie et vraisemblablement en Côte d’Ivoire... »
La seconde partie de cette phrase sera supprimée dans la dernière édition.
Autre cause de la retenue ivoirienne, la chute du Dr N’Krumah soulève une émotion considérable en Afrique. Selon le président de la Tanzanie, elle « ne peut réjouir que les ennemis de l’unité africaine et du socialisme ». M. Modibo Keita ne voit pas dans le putsch « un signe de force pour ceux qui complotent d’une façon continue contre notre liberté ». À Brazzaville, le bureau politique dénonce « les menées impérialistes qui ont abouti à la destruction du Dr N’Krumah ». « Je suis contre tout coup d’État militaire... Je déplore ce qui vient de se passer au Ghana », déclare le président Tsiranana. Au Caire, un communiqué du secrétariat général de l’Union socialiste arabe « dénonce » le coup d’État et le considère comme une « conspiration impérialiste contre l’indépendance du continent africain ». À Dakar, plusieurs centaines d’étudiants manifestent en faveur du Dr N’Krumah, les