plus dangereux pour l’indépendance nationale du Niger que Kadhafi utilisait l’Islam et le socialisme comme véhicules idéologiques. En ce réclamant de ces deux mots d’ordre, il menait « la lutte contre l’impérialisme » avec comme conséquences l’occupation d’une parcelle du territoire nigérien, et une immixtion à peine voilée au Tchad, deux pays considérés par lui comme des dépendances françaises. Est-il nécessaire de préciser aussi que les activités brouillonnes du leader libyen se trouvaient grandement facilitées par l’opulence des finances de son pays ?

Le Président, pleinement conscient du contenu dangereux pour le Niger de ce faisceau de données nouvelles ou redevenues d’actualité, sent la nécessité de repenser, de redéfinir la stratégie de son pays. Il m’invite donc, comme d’autres de ses collaborateurs, à lui soumettre mon point de vue. Je le ferai, dans un rapport daté du 18 janvier 1971.

Bien entendu, l’analyse doit prendre comme base de départ une définition géopolitique du Niger. Celui-ci se présentait _et se présente toujours_ comme un cas très particulier en Afrique francophone. Il est en effet le seul état musulman de l’Entente ; le seul, dont cinq des sept voisins sont musulmans ; le seul frontalier de deux des trois plus grands États africains ; le seul à constituer le lieu de rencontre privilégié de l’Afrique noire et de l’Afrique blanche ; le seul à avoir un groupe ethnico-linguistique constituant, au sud de la frontière du Niger, la majorité de la population du Nigéria ; enfin, il est le seul à avoir sur sa frontière septentrionale deux États arabes qui se veulent progressistes.

Cette différenciation, elle-même cause directe de la prise de position originale du Niger dans l’affaire du Biafra, signifiait _et signifie_ ipso facto un rôle amoindri de l’ensemble francophone. Or, « cet affaiblissement de l’Entente est incontestablement regrettable... En effet, dans le contexte de la réalité géopolitique décrite ci-dessus, l’Entente et la mouvance française constituent des contrepoids d’une extrême importance _face aux États arabes du Nord et au Nigéria dans le Sud_ pour préserver et accroître la liberté de mouvements du Niger. Nous n’avons aucun intérêt, au contraire, à l’affaiblissement de l’Entente. Cela doit constituer, à mon avis, l’une des données de base de la politique nigérienne. »

Dans ce contexte, le leader libyen demeure la grande inconnue. Quelle attitude adopter envers lui ? Comment le rendre réceptif à l’inéluctable modération de la politique du Niger avec ses voisins ? Le mieux serait, me semble-t-il, de jouer franc jeu. De mettre en relief, clairement, l’appartenance du Niger à l’ensemble francophone ; son appartenance à l’Entente ; la pauvreté extrême du pays qui

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