qui pouvait rencontrer le Chef de l’État sans préavis.
— « Nous craignions un bain de sang, dit-il : le Président avait recruté une nouvelle milice de 200 nomades, et avait divisé Niamey en 17 arrondissements. Dans chacun d’eux il avait placé, parallèlement à la police, dix miliciens avec un chef. Je suis allé lui faire des représentations en lui disant que cela devenait dangereux. Il m’a répondu que les nomades, il les avait engagés parce que c’était sa façon de les aider.
« À l’occasion du Congrès et à cause des divergences majeures entre le Président et Boubou Hama, poursuit Sani, nous craignions un clash entre les deux clans, et l’effusion de sang. »
— « Écoute, Sani, je connais les divergences profondes entre Boubou et le Président. Cela ne date pas d’hier et tu en connais les raisons. De là à parler d’effusion de sang... Et après tout, si tes prévisions pessimistes s’étaient réalisées, vous auriez pu intervenir à ce moment-là et alors tout le monde aurait applaudi... »
— « Est-ce que tu sais que le pays allait à vau-l’eau ? Qu’il donnait des ordres que personne ne prenait la peine d’exécuter ? Que les infractions à la loi n’étaient plus réprimées ? Qu’il y a eu non seulement des vols restés impunis, mais des viols et même des meurtres ? J’étais allé voir le Président pour lui dire qu’il n’aurait plus le droit moral de faire condamner qui que ce soit par un tribunal nigérien. Il y avait des gens qui s’enrichissaient en quelques mois, comme tel employé de l’OPVN à 15 000 CFA/mois qui, en moins d’un an, avait pu acheter deux vélomoteurs et deux voitures... »
— « Mais mon vieux on ne fait pas de coup d’État pour ce genre de bricoles. Il y a la police, des juges, des tribunaux pour ça. Tu sais mieux que quiconque à quel point le Président était gentil, bon, compréhensif, ouvert, attentif aux critiques... »
Il me coupe et sa réponse arrive, cinglante :
— « Avec sa gentillesse et sa bonté, il aurait fait un très bon chef d’église ou de mosquée, mais pas un chef d’État. »
Je lui fais remarquer alors que le Président est resté, grâce à ses qualités, quinze ans au pouvoir, ce qui n’est pas un mince succès en Afrique, et qu’il est devenu entre temps le plus prestigieux des chefs d’État africains de la Côte ouest.
Mais je sais que je perds mon temps. L’agressivité du ton, autant que les arguments avancés prouvent que le commandant Sani cherche à se donner bonne conscience. Ma religion est faite. Et déjà se dessine, dans mon cerveau, la tactique que je
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