Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
LE MONDE -
ARME politique, objet de conflit, sujet d’inquiétudes, le pétrole est tout cela parce qu’il est une source d’énergie fondamentale dont les pays industrialisés sont de plus en plus dépendants.
Trois ans après la mise en cause de l’hégémonie des grandes sociétés occidentales sur le marché pétrolier, la situation des pays consommateurs ne s’est pas améliorée. Si elle n’en est pas la cause, la forte hausse du prix du pétrole a aggravé une inflation déjà importante, accru le déséquilibre d’un système monétaire déjà malade, rendu plus lourd encore l’endettement de nombreux Etats du tiers-monde.
Les pays riches ont, en cela, une part de responsabilité. Les mesures prises pour limiter la demande ont été faibles et très inégales d’un pays à l’autre. Quant aux résultats obtenus dans le développement de sources nouvelles, ils restent faibles.
Longtemps maîtresses du jeu, les compagnies pétrolières ont mieux su s’adapter à la nouvelle situation. De concessionnaires, elles sont devenues prestataires de services. Nationalisées, elles se sont diversifiées dans les énergies nouvelles et dans la chimie. Et leur poids dans le commerce du pétrole est encore tel qu’il explique en partie l’échec des contrats d’Etat à Etat.
Malgré des différences de situation et d’idéologie, les membres de l’OPEP sont restés unis. En position de force, certains pays producteurs envisagent maintenant une limitation de leur production et pourraient ainsi créer une pénurie artificielle, préjudiciable à l’économie mondiale. Mais on ne peut dire jusqu’à présent qu’ils ont abusé de leur situation. Lors de la récession économique, ils ont "gelé" leurs prix et placé leurs surplus de pétrodollars en "père de famille". N’est-il pas rassurant que les dépôts à court terme - perturbateurs pour le système monétaire international - ne représentent, en 1976, que 24 % de ce surplus d’une quarantaine de milliards de dollars ?
Si les craintes exprimées en 1973 n’étaient dons pas toutes fondées, les espoirs mis sur des divergences entre pays producteurs étaient, eux, illusoires. A Qatar, cette semaine, et malgré toutes les mises en garde des pays riches, ce sont les pays de l’OPEP et eux seuls qui décideront du niveau futur des prix du pétrole.
BRUNO DETHOMAS.
L’OPEP : 81 % des exportations
LES deux premiers producteurs mondiaux de "brut" ne sont ni l’Arabie Saoudite ni l’Iran, mais l’U.R.S.S. (490 millions de tonnes en 1975) et les Etats-Unis (468,5 millions). L’ensemble des pays de l’Est consomment la majeure partie de la production soviétique ; les Etats-Unis ont dû importer en 1975 près de 300 millions de tonnes de pétrole pour satisfaire une consommation d’énergie par habitant qui est plus du double de celle des Français par exemple.
La puissance de l’OPEP vient donc essentiellement de la quantité de pétrole que ses membres - faibles consommateurs - peuvent introduire sur le marché. En 1974, alors que l’ensemble des mouvements de pétrole brut dans le monde ont porté sur 1,6 milliard de tonnes, la part de l’OPEP dans ce commerce a représenté 1,3 milliard de tonnes. Quasi-monopole donc sur la commercialisation du pétrole brut.
La consommation de "brut" par les pays membres de l’OPEP ne devrait pas s’accroître dans l’importantes proportions, bien que leur sous-sol recèle plus de la moitié des réserves connues dans le monde (près de 62 milliards de tonnes sur une centaine recensés). L’Arabie Saoudite a elle seule dispose de plus de 21 milliards de tonnes de réserves : c’est dire qu’elle peut doubler sa production actuelle jusqu’à l’an 2000 et posséder encore du pétrole.
Maître actuellement sur le marché, les pays de l’OPEP - avec à leur tête l’Arabie Saoudite - semblent devoir le rester pour de longues années.
LES PAYS MEMBRES
L’impuissance des consommateurs
Lorsque, pour soutenir la cause arabe face à Israël en octobre 1973, les pays exportateurs du Golfe décidèrent un embargo, les gouvernements des pays industrialisés laissèrent les compagnies répartir la pénurie, se contentant de puiser dans un catalogue de mesures ponctuelles : restriction de la circulation (Autriche, Belgique, Pays-Bas, Suisse, Danemark, Italie, Japon, Luxembourg) ; fermeture des pompes à essences pendant le week-end (Belgique, Etats-Unis, Italie, Japon) ; limitation de la vitesse automobile (Allemagne fédérale, Belgique, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon) : Interdiction faite aux particuliers de stocker des carburants (Belgique, France, Grande-Bretagne), voire rationnement de l’essence (certains Etats américains, Pays-Bas, Suède). Mais bien vite un retour à l’approvisionnement normal, puis la récession économique ont fait oublier la crise.
La France et les Etats-Unis ont essayé, chacun à sa façon, de donner une réponse plus large à la question que posait la montée du nationalisme pétrolier.
Instaurer la concertation entre producteurs et consommateurs
L’Agence Internationale de l’énergie a été créée en novembre 1974 sous l’impulsion de M. Kissinger et dans le cadre de l’O.C.D.E. L’Europe des Neuf - à l’exception de la France - ainsi que les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l’Autriche, l’Espagne, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, la Suède et la Turquie y ont adhéré.
Son but ? "Assurer en cas d’urgence un niveau commun d’autonomie d’approvisionnements en pétrole ; établir des mesures communes de restriction de la demande et de répartition du pétrole disponible ; élaborer un système d’informations relatives au marché pétrolier international ; élaborer et appliquer un programme de coopération à long terme en vue de réduire la dépendance à l’égard des importations de pétrole ; enfin, promouvoir la coopération entre les pays producteurs."
M. Kissinger n’a pas caché ses arrières-pensées. Si nous réussissons, a-t-il affirmé,
Parce qu’elle veut éviter cette confrontation, la France a toujours refusé de rejoindre l’A.I.E.
Elle a cherché , à l’initiative de M. Giscard d’Estaing, à instaurer une concertation entre pays producteurs et pays consommateurs tant industrialisés que du tiers-monde, dont l’endettement s’est encore accru du fait de l’augmentation du prix du pétrole. Il a fallu plusieurs mois pour convaincre de ces intentions les pays industrialisés réticents - avec à leur tête les Etats-Unis - et les pays moins riches, qui voulaient que soit discuté l’ensemble des problèmes posés par l’élaboration d’un "nouvel ordre économique mondial". Un accord est finalement intervenu en décembre 1975, et le 11 février 1976 les quatre commissions de la conférence sur la coopération économique mondiale, appelée dialogue Nord-Sud - énergies, matières premières, développement et problèmes financiers, - pouvaient commencer leurs travaux avenue Kléber, à Paris, Vingt-sept pays y étaient représentés.
Une baisse de 4,8 % entre 1973 et 1975
On ne saurait dire que ces initiatives aient été des succès. Bien que la consommation d’énergie des pays membres de l’Agence ait baissé de 4,8 % entre 1973 et 1975, celle-ci a dû reconnaître que ce recul était le fait des conditions économiques et météorologiques plus que de son action.
Fait significatif : aux Etats-Unis - qui représentent plus de la moitié de la demande totale d’énergie des dix-sept, - il n’y a eu aucune amélioration dans le domaine des économies d’énergie par unité de P.N.B. Or l’Agence avait insisté sur le fait qu’un baril économisé est en général aussi utile qu’un baril produit.
Comble : la dépendance américaine vis-à-vis des pays producteurs s’est même fortement accrue : ce sont maintenant 40 % du pétrole consommé aux Etats-Unis qui sont importés !
La concentration n’a pas mieux réussi. Le fossé entre pays riches et pauvres ne s’est pas comblé, et l’espoir de certains de voir les pays du tiers-monde ne possédant pas de pétrole peser sur les pays producteurs a fait long feu. Au contraire, le "Sud" a vu dans l’action de l’OPEP l’image réussie de son avenir, s’il parvenait à "cartelliser" l’ensemble des matières premières utilisées dans les pays industrialisés. Deux points principaux de divergences dominent entre riches et pauvres ; l’indexation du prix des matières premières, l’allégement immédiat de la dette des pays les plus pauvres.
Incapables d’entreprendre l’effort nécessaire à la mise en place d’une véritable politique de l’énergie, les pays les plus développés du monde n’ont pas non plus voulu faire le sacrifice qu’exige l’instauration d’un "nouvel ordre économique mondial". Actuellement les pays consommateurs de pétrole semblent donc voués à attendre dans l’anxiété - feinte ou réelle - les décisions de l’OPEP.
Les autres sources d’énergie
Cette part devrait encore dépasser 50 % en 1965. Mais quelles sont les autres sources d’énergie actuelles ou potentielles ?
LES SOURCES CLASSIQUES :
Le charbon : en 1937, il représentait 73 % de la consommation d’énergie : aujourd’hui, il n’en constitue plus que 19,5 %. Bien que les réserves récupérables soient très importantes - 420 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (T.E.P.), soit plus du quadruple des réserves pétrolières - et mieux réparties dans le monde, les bilans énergétiques prévoient simplement un arrêt de son déclin. En
Le gaz naturel : il a représenté en 1975 19,5 % de l’énergie consommée : cette part devrait revenir à 17 % en 1985. Les réserves récupérables sont moins importantes que les réserves de pétrole (57 milliards de T.E.P.) et sont situées en grande partie dans les pays de l’OPEP, ce qui ne résoudra pas le problème de la dépendance des pays industrialisés.
Hydraulique : très peu utilisée avant la guerre, cette source d’énergie est intervenue pour 6 % dans la consommation mondiale en 1975. Cette part devrait rester constante.
Energie nucléaire : de 1,5 % de la consommation d’énergie en 1975, elle devrait monter à 7 % en 1985. Mais la plupart des pays industrialisés ont du retard dans leur programme nucléaire. Non seulement ceux-ci se heurtent à des problèmes industriels et financiers, mais l’opposition croissante des défenseurs de l’environnement rend plus difficile le choix de nouveaux sites pour des centrales et en retarde la construction alors que les délais d’exécution sont déjà fort longs (sept à huit ans).
LES SOURCES NOUVELLES :
Les sables asphaltiques : les sables d’Alberta au Canada pourraient contenir plus de 40 milliards de tonnes de pétrole récupérable.
Mais l’exploitation de ces réserves exigerait une mobilisation très importante de capitaux et de main-d’oeuvre.
Les schistes bitumineux : les projets pilotes d’exploitation aux Etats-Unis ont été abandonnés parce qu’ils n’étaient pas économiquement rentables, malgré les importantes quantités qui pourraient être fournies.
La gazéification et la liquéfaction du charbon : la transformation du charbon en gaz naturel ou en pétrole synthétique n’est pas techniquement impossible. Mais la technologie n’est pas encore au point et le coût d’exploitation en est très élevé.
L’énergie géothermique : l’utilisation des couches chaudes de l’écorce terrestre reste économiquement problématique à l’exception des sites où l’énergie jaillit d’elle-même sous forme de vapeur ou d’eau chaude.
L’énergie solaire : elle sert déjà au chauffage de nombreux immeubles dans le monde et pourrait représenter l’une des sources sérieuses pour l’avenir.
Les surgénérateurs nucléaires : les centrales actuelles utilisent environ 1 % de l’énergie contenue dans l’uranium. Un surgénérateur pourrait utiliser 50 % ou plus de cette énergie et transformer l’uranium consommé en plutonium exploitable par fission.
Ses avantages économiques sont certains, mais cette technique révolutionnaire, qui pose de graves problèmes de sécurité et d’environnement, a beaucoup d’opposants. L’exploitation commerciale des surgénérateurs ne devrait donc pas intervenir avant de nombreuses années.
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