Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Fig 28.12.76
A gauche, cheikh Zaki yamani, ministre saoudien du pétrole ; à droite, Sa Majesté le Chah d’ Iran. ce sont les protagonistes du " jeu pétrolier " : le premier est favorable à une hausse modérée du brut en 1977 ; le second voulait une augmentation de 15 %.
Comment s’y reconnaître dans cette marée de chiffres qui arrivent depuis plusieurs jours, en provenance des pays pétroliers ? Après la réunion de Doha, tout paraissait simple.
d’un côté, l’ Arabie Saoudite et le émirats unis - 30 % des exportations de l’ OPEP et 45 % des importations françaises - faisaient bande à part, en décidant de n’augmenter leurs hydrocarbures que de 5 %.
De l’autre, les onze autres membres de l’ Organisation annonçaient une hausse de 15 % en deux temps : 10 % le 1er janvier, 5 % le 1er juillet.
Mais en fait, très rapidement, les pays exportateurs se sont rendus compte que de telles résolutions étaient difficilement applicables.
On pourrait certes comprendre qu’en période de forte activité économique un double prix du pétrole puisse être appliqué. mais, actuellement, la demande mondiale de brut est loin d’être à son maximum ( voir page 6 ). Donc si le premier exportateur mondial - l’ Arabie Saoudite - veut passer sur les prix, il lui suffit d’augmenter sa production.
Si l’on en croit le M.E.E.S., - et ces informations ont été confirmées hier par des majors américains - Ryad a d’ores et déjà décidé d’appliquer cette stratégie.
les autres pays du Golfe, en particulier l’ Iran, l’ Irak et e Koweït, vont donc se trouver en position difficile.
certes la fluidité du marché de l’or noir n’est pas totale. les compagnies pétrolières ont tissé, au fil des ans, des relations privilégiées avec tel ou tel pays. Tout ne peut pas se défaire en un jour. Mais comment imaginer qu’une même société enlèvera de bon coeur, à quelques kilomètres de distance, deux cargaisons identiques à des prix différents.
L’ Iran - deuxième exportateur mondial - pourra difficilement tenir un tel langage aux grandes compagnies.
Il faut, d’ailleurs, remarquer que les nouveaux prix annoncés hier par Téhéran ne concernent que la N.I.O.C. , c’est-à-dire la compagnie nationale. Les tarifs applicables au " Consortium " - le groupe de sociétés qui exploitent en commun le sous-sol de l’ Iran - pour la part dont il dispose, n’ont pas été communiqués.
Alain DUMAIT et Christian GUERY.
( Suite page 6, col. 6 à 8 ).
LE FIGARO - MARDI 28 DÉCEMBRE 1976
( Suite de la première page )
L’ Indonésie a été le premier à se rendre compte des difficultés d’application des décisions de Doha.
Ce pays est en effet, en concurrence directe avec les émirats arabes unis pour la fourniture de brut au japon. le marché nippon serait perdu pour l’ Indonésie, si celle-ci relevait ses prix de 10 % alors qu’ Abu Dhabi se contenterait de 5 %.
En bonne logique d’économie libérale donc, la hausse du pétrole effectivement appliquée devrait être plafonnée à 5 %, puisque l’ Arabie saoudite le veut et le peut.
Selon le M.E.E.S., certains membres de l’ O.P.E.P., et notamment la Libye, l’ Algérie, le Venezuela, le Koweït, Qatar, l’ Irak et le Nigéria se seraient concertés pour " conter toute augmentation de production saoudienne par une réduction de leurs productions respectives ", afin de maintenir la demande internationale stable.
Cette politique a-t-elle quelque chance de succès ? Dans le passé, certains pays exportateurs ont cherché à réduire conjointement leur production. Mais toutes ces tentatives onr régulièrement échoué, les nations les plus peuplées ayant des besoins financiers trop importants pour se résoudre à fermer leurs robinets.
On ne voit pas pourquoi il n’en serait pas de même aujourd’hui. D’autant que pour l’ Irak, et surtout pour l’ Algérie, les capitaux nécessaires à leur développement font aujourd’hui cruellement défaut.
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Cela dit, il ne faut pas se réjouir trop vite de la discorde qui règne au sein du cartel des pays exportateurs.
En effet, on sort à peine de la crise du pétrole de 1973 que déjà un peu partout les experts parlent " d’une autre et à long terme probablement plus sérieuse crise de l’énergie " ( M. Ulf Lantzke, directeur exécutif de l’ Agence internationale de l’énergie, le 3 novembre 1976 ). Un rapport d’octobre 1976 de la C.E.E. contenait cet avertissement : " Il ya certainement de grands risques que - sauf si la reprise économique actuelle se révélait sans lendemain - on se trouve dès 1977 dans une période difficile. "
ce qui inquiète tous ces experts peut surprendre : pour eux, le pétrole est trop bon marché.
Au rythme actuel des extractions, les pays pétroliers ne pourront satisfaire la demande des pays industriels que pendant encore 15 ou 20 ans. Et après ? Si la structure actuelle des prix des différentes sources d’énergie demeurait la même ce serait la crise, ou plutôt la panne. Faute d’avoir à temps développé des sources non conventionnelles d’énergie pourtant d’ores et déjà disponibles.
Non seulement aux États-Unis, mais partout ailleurs en Occident, les perspectives d’indépendance énergétique reculent. Elles resteront fort éloignées, aussi longtemps que le pétrole sera à 12-13 dollars le baril, tandis que l’équivalent en sources non conventionnelles d’énergie vaudra plus du double.
En somme, beaucoup d’experts occidentaux se mettent à partager le point de vue d’économistes arabes comme Nicolas Sarkis, un expert d’origine syrienne fort écouté dans plusieurs pays de l’ OPEP : plus le pétrole sera cher, plus on l’économisera et plus s’éloignera la crainte " d’une panne " des approvisionnements. En tout cas, aussi longtemps que le pétrole sera nettement moins cher que l’atome ou les schistes bitumineux, l’ Occident ne sera pas motivé pour rechercher une plus grande indépendance énergétique.
La France - comme tous les pays occidentaux - aurait donc le choix entre Charybde et Scylla : une forte hausse du pétrole brut au cours des prochaines années ferait plonger notre économie dans une grave récession ; pas de hausse du prix du pétrole nous conduirait tout droit à une grave crise d’approvisionnement. Et l’on ne peut - une fois encore - que regretter les retards pris dans les constructions de centrales nucléaires : plus d’un an de retard pour Fessenheim I, presque autant pour Fessenheim ii et Bugey II.
Rarement intérêts à court terme et à moyen terme n’ont été aussi divergents. C’est pourtant un domaine où les choix doivent être faits dix ans à l’avance. ne pas choisir peut être une politique ; sans doute la meilleure. Avant de se réjouir des fêlures qui apparaissent dans le cartel de l’ O.P.E.P., il faut, on le voit, y regarder à deux fois.
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