Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
LE charbon français est toujours malade. Si M. Marchais lui voit encore quelque avenir, les médecins du pouvoir semble n’avoir pas trouvé la thérapie. le plan de septembre 1974 ; qui prévoyait un déclin du ralentissement de la production, a perdu de nombreux adeptes. Et dans les couloirs du ministère de l’industrie et de la recherche on condamne déjà volontiers le bassin du Nord-Pas-de-Calais et certains puits du Centre-Midi.
Pourtant les sociétés pétrolières, afin de diversifier leurs activités, prennent le contrôle de mines aux États-Unis, en Australie ou en Afrique du Sud ; les experts voient dans le charbon une source d’énergie suppléant le pétrole en raison de l’importance des réserves et de leur répartition géographique. L’avantage de prix par rapport à celui du fuel étant appelé à durer, le retour de certaines industries au combustible solide est envisagé ? le phénomène français peut donc paraître paradoxal.
certes la politique charbonnière française n’a pas changé. " On reste sur les orientations du plan de 1974 " , affirme le délégué général à l’énergie, M. Montré. Il a été décidé de rouvrir le siège de Sainte-Fontaine, et M. d’ Ornano a annoncé le 12 novembre à Metz que l’exploitation de la Houve serait prolongé. Quant au déclin de la production annuelle, il a été continu, comme prévu, à 1 million de tonnes.
Pourtant la C.G.T. se plaint que " l’on soit reparti à toute allure sur la lancée de la liquidation ". tant aux charbonnages de France que dans les milieux officiels, on avoue une " détérioration de la situation " et l’on parle " d’élaguer les branches mortes ".
Depuis 1958 on ne compte plus les programmes successifs qui ont marqué la régression de la production charbonnière. A l’époque, elle s’élevait à 60 millions de tonnes. En 1973, elle n’est plus que de 28,4 millions de tonnes, et le nombre de mineurs de fond est tombé de 143 792 en 1958 à 44 903.
Ce déclin semblait inexorable, le gouvernement a décidé de l’enrayer quelques mois après le quadruplement du prix du pétrole. Encore ces projets sont-ils très prudents. " la prise en compte des données économiques ne permettait pas de remettre en cause la perspective de fermeture assez proche des exploitations les plus défavorisées " , explique M. Gardent, directeur des Charbonnages de France.
Le 25 septembre 1974, le gouvernement demande aux Charbonnages de prendre les dispositions nécessaires pour mener à bien la réalisation des opérations susceptibles d’augmenter la production de charbon national et pour lesquelles l’étude économique aurait fait apparaître pour les dix années à venir un coût de production inférieur à celui découlant d’un pris de revient de la thermie fuel lourd de 3 centimes ( an francs au 1er janvier 1973 ) ".
Cet objectif obligeait à embaucher six mille à sept mille jeunes ouvriers, avec un appoint de main-d’oeuvre étrangère. Il fixait à 20 millions de tonnes la production de 1980 ( au lieu de 13 millions ) et à 16 millions de tonnes celle de 1985. Sur dix ans, c’est une cinquantaine de millions de tonnes supplémentaires qui devraient être extraites.
Ce plan fut-il une erreur ? " le prix de 3 centimes la thermie était trop élevé affirme aujourd’hui un haut fonctionnaire. Cela a déconnecté les coûts français du cours mondial ".
De l’aveu même de M. Gardent, le prix de revient du charbon français a dérapé de 20 % par rapport aux estimations de 1974 ". La revalorisation de la profession de mineur - dans cette industrie où les salaires entrent pour les deux tiers dans le coût final - a entraîné une majoration de 15 %. Mais surtout, l’augmentation du rendement escomptée après le rajeunissement de la main-d’oeuvre ne s’est pas réalisée. En 1975, le rendement au fond a baissé de 1,4 % sur 1974, et malgré un progrès en 1973 on ne dépassera pas cette année, les résultats de 1974.
A ce glissement du prix de revient du charbon français s’est ajouté un phénomène inverse sur le marché mondial. le prix du fuel-oil, en concurrence avec d’autres combustibles, a marqué le pas et décroché des prix des produits blancs. Quant au charbon, après avoir suivi une courbe ascendante après la hausse du prix du pétrole, il a vu bientôt ses cours baisser. En francs courants, le charbon-vapeur, qui coûtait 27-28 francs le kilothermie en 1975, est tombé à 23-24 francs, voire à 20 francs, en 1976. Les Charbonnages de France ont alors été obligés de s’aligner sur ces cours mondiaux. leur déficit, déjà considérable, n’a pu que s’aggraver. De 1,3 milliards en 1975 ( après compensation par l’ État des charge non liées à l’exploitation, telles que les retraites anticipées). Il va passer à plus de 2 milliards en 1976, pour un chiffre d’affaires inférieur à 7 milliards.
Il n’est donc pas rare d’entendre dire, dans les milieux gouvernementaux, que l’entreprise nationale n’a pas tenu ses promesses et que " tout l’argent qui est donné aux Charbonnages est englouti en pure perte "
Face à ces critiques, M. Gardent répond par ses propres doléances : " La dégradation de nos résultats financiers ressort de la politique énergétique du gouvernement. E.D.F., qui domine le marché du charbon, nous oblige à nous aligner sur les prix de dumping du charbon polonais, avec l’aval des pouvoirs publics. " Alors que le stocks des Charbonnages de France sont importants, E.D.F. a acheté près de 3 millions de tonnes de charbon polonais depuis janvier 1976.
Aux économistes du gouvernement pour qui la rentabilité est le seul critère, les Charbonnages disent : " La sécurité d’approvisionnement devrait justifier une marge de préférence. "
Quant à la C.G.T., elle affirme : " Comparer prix thermie à prix thermie est un faux calcul. Il faut raisonner en terme de coût social et envisager les problèmes de balance commerciale, le prix des infrastructures des énergies de remplacement du charbon, les difficultés dans les régions minières pour les collectivités locales, le commerce et l’artisanat, enfin les conséquences sur la sécurité sociale et les caisses de retraite. "
Pourtant, ce déclin, les pouvoirs publics semblent avoir tiré un conclusion. Alors qu’en 1974 on envisageait l’exploitation dans le Nord-Pas-de-Calais de niveaux profonds " pas plus difficiles à exploiter que ceux qui le sont actuellement " , on admet désormais qu’on y renoncera à l’extraction de millions de tonnes. Selon M. Mentré : " il faut envisager un rythme de fermeture convenable " , pour le bassin du Centre-Midi. Enfin, il souligne : " il n’y a pas de problèmes pour le charbon à coke, mais il y en aura sûrement à terme pour le charbon vapeur du bassin de Lorraine. Il n’est pas question d’aller au-delà des capacités d’écoulement. "
Cette analyse, M. gardent ne la conteste pas il réclame simplement qu’ " un cadre de politique général soit défini et que la politique d’importation soit moins laxiste ".
( Lire la suite page 34, 2e col )
La récente hausse de l’or dément, une fois de plus, les pronostics qu’ " expert " et " spécialistes ", faisaient il y a encore trois mois. Au milieu de l’été dernier, la plupart d’entre eux " voyaient " le prix du métal précieux au-dessous de 100 dollars à la fin de cette année. mercredi de la semaine dernière, le cours est monté jusqu’à 136,5 dollars, ce qui représente une ascension considérable par rapport au point bas atteint le 31 août dernier ( 103 dollars ). Chaque fois qu’un mouvement se produit, dans un sens ou dans un autre, de bonnes raisons se présentent à l’esprit ( le plus souvent à posteriori ! ) pour l’expliquer, et là où la veille on croyait percevoir une tendance " irrésistible " à la baisse on en découvre une autre, tout aussi évidente, dans la direction opposée. Ces " impressions " successives sont à l’origine de bien des erreurs d’appréciation, qui coûtent parfois cher à ceux qui les commettent ( telle est la règle d’un jeu qui, en réalité, n’en a pas... ).
Comme on pouvait s’y attendre en pareilles circonstances, de nombreuses rumeurs ont circulé sur le marché, ce qui n’a pas peu contribué à stimuler la demande de certains jours. c’est ainsi que le bruit avait couru qu’à l’occasion de la dernière adjudication organisée par le F.M.I., le 27 octobre, la Banque du Japon s’était portée acheteur par l’intermédiaire de la banque des règlement internationaux. La nouvelle pouvait paraître vraisemblable étant donné que le japon, dont les réserves de change s’élèvent à quelque 16 milliards de dollars ( ce qui le classe au troisième ou quatrième rang dans le monde ), n’en possède qu’une infime partie sous la forme métallique. Mais le gouverneur de la Banque centrale de Tokyo a démenti.
Même si les banques centrales n’ont pas soutenu, par des ordres d’achat, le mouvement de reprise, il n’est guère douteux que les autorités responsables l’ont encouragé, du moins en Europe, par leur politique. On aurait été surpris, à la veille de la réunion de Manille, de la facilité avec laquelle l’ Italie et la France avaient pu rallier les autres pays membre de la C.E.E. à l’idée d’entreprendre une demande commune auprès du Fonds monétaire ( pour lui demander d’ " assouplir " le programme de ses ventes ). Plusieurs signes semblent indiquer que Washington a, de son côté, mis une sourdine à sa campagne en faveur de la démonétisation de l’or ( même si l’objectif à long terme reste inchangé ).
Aux motifs d’ordre politique qui peuvent être avancés pour expliquer cette attitude ( désir de ne pas affaiblir le crédit des pays à monnaie faible de l’ Europe, de ne pas aggraver les difficultés de l’ Afrique du Sud, etc. ), s’en ajoute un autre, de caractère monétaire. Dans la mesure où l’or retrouve sa qualité de " valeur refuge ", cela réduit la spéculation à la hausse du deutschemark et du franc suisse ( et donc la baisse des devises malades ). Du temps où existait un système monétaire international, les achats d’or officiels avaient justement pour fonction d’ " éponger " les liquidités excédentaires. dans le monde désorganisé d’aujourd’hui, il lui arrive encore de jouer ce rôle, mais selon un processus infiniment plus grossier, car une augmentation de la demande de métal précieux détermine aussitôt des fluctuations de cours d’une ampleur telle qu’elles apparaissent aussitôt pour qu’elles sont : une manifestation supplémentaire de l’instabilité générale.
C’est dans les entreprise industrielles qu’une très large part de la richesse nationale se crée et répartit entre les agents économiques. mais la répartition de cette richesse entre détenteurs du capital et entre salariés échappe de plus en plus à ces entreprises, qui au mois dans ce domaine, pourraient bien avoir cessé d’être de véritables " centres de décision ". Telle est la conclusion à laquelle conduit une étude menée au sein du laboratoire de sciences économiques de l’ École normale supérieure par Christian Morisson, professeur d’économie politique, et par M. Pierre Cohen-Tanugi, ancien élève de cette école.
par CHRISTIAN MORISSON ET PIERRE COHEN-TANUGI
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On a pu affirmer à plusieurs reprises que la rémunération du travail progresse en liaison avec la hausse des prix bien plus que par référence aux conditions de la conjoncture économique. L’augmentation de la charge salariale par tête dans l’industrie depuis 1969 a toujours été supérieure à l’augmentation des prix de détail, alors même que l’industrie était le secteur
Ci-dessus : Partage des revenus du capital entre prêteurs et propriétaires.
de l’économie qui contribuait le moins à alimenter l’inflation. mais cette constatation générale ne rend pas compte du mécanisme des hausses de salaires et de leur transmission.
Une analyse plus poussée, comparant la répartition des revenus d’une part dans les différentes branches de l’industrie, d’ autre par dans des ensembles représentatifs d’établissements industriels de dimensions différentes, permet de montrer que le critère de taille, pour une entreprise donnée, est bien plus déterminant que l’appartenance à un secteur d’activité, et cela malgré la diversité des conjonctures sectorielles. Les fluctuations du partage travail-capital, favorables aux salariés au cours de la période étudiée ( 1969-1974 ), se déterminent dans une poignée de firmes géantes - théâtre des principaux conflits sociaux, - puis s’imposent à la majorité des entreprises de moindre dimension. Si on fait la somme des revenus directs et indirects allant au travail ( salaires + charges sociales + participation ) et des revenus qui rémunèrent les capitaux permanents investis ou prêtés ( bénéfices ou dividendes distribués, avoir fiscal, tantièmes, bénéfices mis en réserves, intérêts correspondant aux dettes à moyen et long terme), on constate qu’entre 1969 et 1974, pour l’ensemble de l’industrie manufacturière, la part des salariés dans cette somme évolue, en fonction de la taille des entreprises comme indiqué dans le tableau ci-dessous :
Source : données fournies par la Centrale des bilans de la Banque de France ( pour un échantillon de trois mille quatre cent vingt-sept entreprises ).
On voit ( colonne A ) que la part des salariés, en 1969, était inversement proportionnelle à la taille des établissements. cela s’explique aisément : les plus grandes entreprises sont aussi les plus capitalistiques, celles au sein desquelles le rapport capital-travail est le plus élevé, de sorte que la part de revenu allant aux agents capitalistes y est plus importante. Or, les colonnes ( B ) et ( C ) montrent que ces très grandes entreprise sont justement celles où la part salariale a le plus progressé au cours des dernières années. les ondes de choc qui en sont parties se sont répercutées dans la masse des entreprises de taille plus modeste, et y ont influencé les taux de partage, en s’atténuant, par la force des choses, dans les zones où ces taux se situaient déja à un niveau élevé. C’est en quelque sorte la " marge " plus ou moins importante dont disposaient les cellules du système productif, en liaison avec leur structure plus ou moins capitalistique, qui parait avoir été l’élément déterminant qui a réglé l’ampleur des gains salariaux.
La stratégie des syndicats de travailleurs a, semble -t-il, atteint son efficacité optimale lorsqu’elle a conduit à engager des négociations ou des luttes dans les très grandes entreprises, qui influencent l’ensemble de la répartition : c’est là qu’elles avaient les plus de possibilités d’aboutir, parce que le taux de syndicalisation y est généralement élevé et surtout parce que le taux de partage entre salariés et capitalistes se situait à un niveau susceptible d’être relevé en faveur des salariés, au moins provisoirement.
Du fait des différences de concentration ( et donc de taille des établissements ) entre les branches industrielles, il est permis de penser que la transmission des hausses de salaires des unes aux autres est un phénomène de même nature que celui qu’on observe en distinguant les entreprises suivant la taille. Il est probable que les secteurs les plus capitalistiques ont influencé ceux qui le sont moins.
A cet égard, évoquer la croissance, contrastée selon les secteurs, de la productivité apparente du travail, comme on l’a souvent fait, a de quoi laisser perplexe ; l’apparence, en ce domaine, pourrait n’être qu’illusion : lorsqu’on parle de la difficulté, pour certains secteurs moins " productifs ", d’absorber les hausses surimposées pour les secteurs les plus " productifs ", ou lorsqu’on dit que les gains de productivité du travail " justifient " une augmentation des salaires dans tel secteur, alors que dans tel autre cette augmentation est reçue par une contrainte externe et ne repose sur aucun gain de productivité, veut-on signifier que le quotient de la production par l’effectif ( définition de la productivité apparente du travail ) évolue différemment selon les secteurs, ou bien laisser entendre que la qualité intrinsèque du travail fourni est en cause dans certains secteurs moins " performants " ? L’usage du terme " productivité " est ici porteur d’une certaine ambiguïté. Il parait plus raisonnable de dire qu’une même quantité de travail est d’autant plus productive qu’elle est associée à plus de capital. Il n’y a pas de hausses de salaires " méritées " et d’autres qui ne le sont pas. Il n’y a que des secteurs ou des entreprises sont fortement capitalistiques et d’autres qui le sont moins. Devant une variation du climat socio-politique qui renforce les syndicats, affectant simultanément la plupart de secteurs ou des entreprises, les plus capitalistiques sont contraintes de se montrer conjoncturellement plus " laxiste ", alors que la marge de manoeuvre des moins capitalistiques est nécessairement plus étroites. ce sont, somme toute, interférences d’une structure de production et d’un rapport de forces qui commandent les variations du partage des revenus entre travailleurs et capitalistes.
( Lire la suite page 34, 4e col )
Page 34 - LE MONDE - 16 novembre 1976 . . .
par JEAN POPEREN
Qui soutiendrai aujourd’hui que la fiscalité ne soit au centre du débat politique ? Cependant, tout un pan du système fiscal reste dans l’ombre, c’est celui de la fiscalité des grands groupes industriels et financiers. Rien de plus normal : nous sommes ici au coeur du système capitaliste, celui qui touche à l’accumulation du capital, au taux de profit et au rôle de l’ État dans la formation de l’un et de l’autre.
Tentons de soulever un coin de voile, en examinant un élément de la fiscalité des grandes entreprises : le régime du bénéfice consolidé, tel qu’il a été fixé par la loi du 12 juillet 1965.
Ce texte stipulait brièvement que " les que les sociétés françaises agréées à cet effet par le ministre des finances peuvent retenir l’ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger, pour l’assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices. "
Pour expliciter - sans doute imparfaitement - ce que signifie ce dispositif laconique, il est indispensable de se référer au décret pris en Conseil d’ État, le 11 septembre 1967, pour l’application de cette loi. L’analyse de ce texte nous montre que les entreprises concernées tirent de ce régime de nombreux avantages : tout d’abord, ceux-ci réside dans la compensation des pertes et profits du groupe, puisque les pertes viennent atténuer le poids de l’impôt pour autant qu’elle sont déduites des bénéfices imposables. D’autre part, les sociétés peuvent appliquer les règles françaises d’assiette de l’impôt sur les sociétés très favorables dans de nombreux domaines, tel que l’amortissement dégressif.
Ce régime supprime un certain nombre de doubles impositions qui ne sont pas évitées par le jeu normal des conventions internationales bilatérales : en bref, les entreprises agréées sont admises à imputer l’impôt sur les bénéfices payés à l’étranger de l’impôt sur les sociétés dont elles seraient redevables en France ; c’est le fameux crédit d’impôt.
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En outre, l’excédent de crédit d’impôt est admis en charge de l’exercice suivant de la société mère, ce qui fait diminuer son bénéfice imposable au titre de l’année suivante.
On sait que l’avoir fiscal correspond à un impôt qui a déjà été payé au Trésor et vise à atténuer la double imposition des distributions de dividendes sur des montants qui, pour diverses raisons, n’ont pas été soumis à l’impôt sur les sociétés, il serait anormal que ces dividendes se voient attacher un avoir fiscal correspondant à un impôt qui n’a pas été payé. C’est pourquoi les sociétés qui distribuent les dividendes non imposés doivent payer l’avoir fiscal correspondant : le pré-compte.
Enfin, ce régime donne aux entreprises concernées des possibilités accrues de distribution de bénéfices en franchises de pré-compte. Rappelons de quoi il s’agit.
Il semble bien que les entreprises concernées puissent, grâce à ce système, ne payer que très peu d’impôts en France, sinon pas du tout ; la commission parlementaire sur les sociétés pétrolières l’a établi pour celles de ces sociétés qui relevaient de son enquête. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont, par deux fois en deux ans, admis implicitement que cette conséquence valait pour toutes les autres entreprises agréées au bénéfice mondial. En effet, en 1974
prenons un exemple : le décret de 1967 stipule que peuvent être déduits de l’impôt dû en France les prélèvements fiscaux étrangers à condition qu’ " ils soient comparables à l’impôt français sur les sociétés ou tiennent lieu de cet impôt... la liste ( de ces impôts ) est fixée par la décision d’agrément "
Ainsi l’administration s’est-elle donné le pouvoir de définir le type d’impôt admis à déduction, et cela, sans possibilité de contrôle, ni du juge ni du Parlement. Derrière cette totale opacité, on a d’ailleurs assisté à des variations " doctrinale ". C’est ainsi que, dans les cas du pétrole, le ministre des finances a décidé, par une instruction en date du 20 février 1974, de " modifier le mode de calcul des impôts étrangers imputables en France et des excédents déductibles d’impôts étrangers en s’appuyant sur une analyses plus serrée de la nature exacte de l’impôt acquitté aux pays producteurs de pétrole ". Peu importe de discuter du fond de cette nouvelle interprétation du ministre, ni de son caractère tardif ( près de dix ans après la création de ce régime ) ni même le fait qu’après cette instruction les compagnies ont continué à être totalement dégrévées. Ce qu’il nous importe de dire, c’est que, par des instructions qui ne sont, elles non plus, pas publiées, le ministre modifie l’assiette et le taux des impôts des sociétés agréées au bénéfice consolidé.
La commission d’enquête parlementaire avait, d’ailleurs, dénié à ces impôts le caractère d’impôts sur les bénéfices signalant qu’ils sont " calculés sur un prix théorique affecté d’un volume et perçus non pas sur un résultat effectif et constaté, mais sur une quantité de produit enlevée. Ils pourraient donc être perçus même en l’absence de bénéfice ". Autrement dit, ces impôts sont des taxes à la sortie du pétrole et n’ont pas, en conséquence, le caractère d’impôt direct.
La commission d’enquête avait également formule une autre remarque concernant, elle, la pétrole de participation. Celui-ci, en effet, fait l’objet d’une transaction commerciale entre la compagnie pétrolière et l’ État producteur et ne devait donc pas, en toute logique, donner lieu à crédit d’impôt.
Le ministre des finances a toujours refusé de répondre à ces considérations. Peut-être modifiera-t-il sa position ? Mais, s’il la modifie, nul n’en saura rien que les compagnies intéressées, puisque ses décisions, annexées aux agréments, ne seront pas connues. gageons que s’il se décide à le faire, la réforme ne changera rien à la situation des compagnies au regard de leurs éventuels débours fiscaux. Mais qui pourra le démontrer ?
Il y a là une violation évidente de l’article 34 de la Constitution, qui prévoit que l’assiette et le montant de l’impôt sont tout deux du domaine de la loi. De plus, le pouvoir exécutif estime que, en raison du secret fiscal, il n’a point de compte à rendre au parlement. Les principes de la démocratie politique sont donc à l’évidence ignorés, avec la bénédiction du Conseil d’ État, qui a approuvé le décret de 1967.
Notons qu’à l’inverse les conventions fiscales bilatérales, dans lesquelles figure la liste des impôts pris en considération, sont, elle, soumises à la ratification du parlement.
Le Conseil d’ État a-t-il eu, d’autre part, conscience que le décret qui lui était soumis " interprétait " très librement le court texte de la loi de 1965 ? Un exemple : nous avons parlé plus haut de la franchise de pré-compte accordée aux sociétés agréées. Cette disposition était-elle inscrite dans la loi ? Interrogé sur ce point, le ministre de l’économie et des finances
Enfin la loi de 1965 est-elle ou non supérieure aux autres lois fiscales ? Regardons ses conséquences sur le régime de la provision pour reconstitution de gisements ( P.R.G. ) applicable aux entreprises effectuant la recherche et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux.
L’article 39 ter du code général des impôts prévoit que ces sociétés peuvent constituer, en franchise d’impôt, une provision d’un certain montant, destinée à financer,
Pourquoi les dispositions de l’article 39 ter ont-elles été considérées, en 1967, comme " inférieures " aux " conséquences " de la loi de 1965 ? Nous dirons, pour reprendre les termes du ministre des finances que cela relevait " de la logique " de la loi de 1965 !
Toujours le logique ! Mais celle-ci n’est pas toujours comprise de la même façon. En effet, l’article 16-1 de la loi de finances pour 1976 a procédé à un réaménagement des règles de réemploi de la P.R.G. stipulant notamment que si " elle est utilisée hors de zones géographiques prioritaires, elle ne peut être utilisée qu’au financement de la moitié des dépenses exposées ou des immobilisations réalisées. "
Par cette disposition, les pouvoirs publics disaient vouloir orienter la politique de recherche des grands groupes pétroliers. Mais ce nouveau texte vise explicitement l’article 39 ter, qui, nous venons de le voir, n’est pas applicable pour le réemploi de la P.R.G. aux groupes agréées au régime du bénéfice consolidé. Comme ce sont ceux-ci qui réalisent les investissements de recherche pétrolière, cette disposition n’aurait-elle aucune portée pratique ? D’après certaines sources, il n’en est rien. L’article 16-1 de la loi de finances pour 1976 s’applique bien à ces entreprises. Mais dés lors, en vertu de quelle " logique " les dispositions de cet article 39 ter peuvent-elles donc maintenant être appliquées - en ce qui concerne le seul réemploi de la P.R.G. - aux sociétés relevant de la loi de 1965 ? Nous sommes bien ici dans un domaine particulier, celui d’une fiscalité " à la carte " taillée à la mesure des appétits des grandes entreprises.
( Suite de la page 33 )
Or, les impératifs de la concurrence nationale et internationale poussent les entreprises à accentuer leur structure capitalistique. Il est utile de savoir que, pour l’ensemble de l’industrie, l’effectif salarié n’a progressé que de 15 % entre 1969 et 1974 - encore la durée moyenne du travail s’est-elle réduite ! - alors que, dans le même temps, les capitaux permanents injectés dans la production se sont accrus de 75 % à francs constants. Il suffit que cette évolution se conjugue avec une conjoncture socio-politique favorable aux pressions des salariés - comme ce fut le cas en 1968, puis en 1970-1971 lorsque le gouvernement eut une politique sociale affirmée, enfin en 1974, année de forte poussée de la gauche à l’élection présidentielle - pour que soient réunies les deux conditions d’une baisse quasi automatique de la part des revenus des agents capitalistes.
Ce mécanisme n’est cependant pas le seul qui exerce des effets contraignants sur la répartition. Principalement par le biais des variations du taux d’escompte - qui échappent au contrôle des entreprises et dont on imagine mal, du reste, qu’elles puissent être négociées avec les partenaires sociaux - l’ État a exercé, volontairement ou involontairement, une influence considérable sur le partage des revenus du capital entre propriétaires et prêteurs. Mais, avant d’aborder ce point, faisons remarquer que la politique conjoncturelle a également eu une incidence sur la répartition : en 1968-1969, les mesures de relance de l’économie et de soutien direct aux entreprises en difficulté ( notamment les aides exceptionnelles de trésorerie ) ont contribué à relever la part du profit. De même, le montant des subventions à l’industrie a été élevé en 1969, en 1972 et surtout en 1973, précisément au cour des trois années les moins défavorables aux bénéfices.
Quels sont les prêteurs dont il va être maintenant question ? Ce sont l’ensemble des agents qui louent aux entreprises, à travers les banques et le marché des obligations, des capitaux à court, moyen et long terme. La part de ces prêteurs dans la somme des revenus allant aux capitaux prêtés et investis augmente considérablement pendant la période étudiée, passant, au cours de la seule année 1974, de 60 à 80 % du total. Or le graphique 1 de la page 33 montre que les phases de cet accroissement suivent d’assez près les fluctuations du taux d’escompte, qui lui-même guide l’ensemble des taux d’intérêt ( même si l’ajustement n’est plus automatique ).
Une analyse plus détaillée montre que c’est à la fractions des intérêts liée aux capitaux à court terme qu’il convient d’imputer les fortes poussées de la part des prêteurs ( la croissance des intérêts qui rémunèrent les capitaux prêtés à moyen et long terme a un caractère nettement plus régulier ). La variation des taux n’est pas le seul facteur qui explique ces fortes poussées. Les fluctuations de l’endettement court ont également joué leur rôle : en 1970 et e 1971, années de vives pressions salariales et de tassement des bénéfices, cet endettement court a progressé de 35 % et de 32 % respectivement. Au contraire, pendant la phase plus favorable aux profits, 1972 et 1973, il s’est accru respectivement de 2 % et de 11,5 %. En 1974, enfin, il s’est à nouveau gonflé ( + 28 % ), alors que la part salariale reprenait sa progression et que les profits baissaient brutalement.
Par l’effet conjugué des variations de l’endettement court et des taux d’intérêt, la par des prêteurs dans les revenus du capital à donc progressé au cour des mêmes années que la part des salariés dans l’ensemble des revenus. Cette concomitance n’est pas pour surprendre : c’est lorsque la pression salariale augmente et que les marges d’exploitation se resserrent qu’un recours accru au crédit à court terme devient indispensable pour la plupart des entreprises. Si les taux d’intérêt sont relevés au même moment - comme c’est le cas en 1970 et en 1974, - une forte poussée de la part des prêteurs est inévitable ; en somme, le partage des revenus entre capital industriel et capital financier dépend simultanément de la pression syndicale et de la politique du taux d’escompte. Il suffit que les syndicats de travailleurs et que les autorités monétaires décident au même moment, les uns d’intensifier les luttes, les autres de mener une politique d’argent cher, pour que soit réalisée la coalition objective qui permet au système bancaire, principal transformateur de dépôts non rémunérés en capitaux à court terme prêtés aux entreprises, de détourner à son profit, et sans coup férir, une part rapidement croissante des marges industrielles. N’est-ce pas un scénario de ce type qui s’est réalisé en 1974, année de la plus forte inflation en France depuis le milieu du siècle ?
Mais comment, dans ces conditions, la croissance des investissements a-t-elle pu être maintenue jusqu’à cette date ? A étudier les trois source de l’autofinancement - dotations aux amortissements et provisions d’exploitation, dotations aux provisions hors exploitation ou exceptionnelles, variation des réserves ( profit épargné ), - on constate que la troisième joue un rôle de moins en moins important. En 1974, les bénéfices mis en réserves représentaient moins de 2 % de l’autofinancement global. au contraire, la part des dotations aux provisions exceptionnelles n’a cessé de croître. Dans les années de conjoncture par trop défavorable ( 1970, 1974 ), un gonflement de ces provisions ( soustraites provisoirement à l’impôt sur les bénéfices ) a probablement permis de financer des investissements à moindre coût. Confrontées à de nombreuses rigidités ( progression régulière de la masse salariales, pression fiscale constante ou accrue, maintien dans la mesure du possible d’une croissance continue des dividendes, détermination exogène du loyer de l’argent ), de nombreuses entreprises industrielles ont dû tenter de se ménager ainsi une certaine marge en matière d’autofinancement. Quelle partie de ces provisions correspond en réalité à des bénéfices en suspension d’impôt ? Quelle parie aux risques de toute nature que la conjoncture si incertaine de 1974 contenait en germe ? Il est difficile de le dire.
Néanmoins, même si on considère une fraction importante - la moitié par exemple - de ces provisions comme des bénéfices à part entière, l reste que 1974 est l’année d’un retournement, celle où la rentabilité des fonds propres ( même en incluant la moitié des provisions exceptionnelles et l’avoir fiscal ) devient inférieure au coût des capitaux empruntés à moyen et long terme at au taux d’intérêt offert pour les nouvelles émissions d’obligations ( voir le graphique 2 de la page 33 ). la récession survenue en 1975 a nécessairement remis en question l’investissement. Comment investir, lorsque le taux d’intérêt semble devoir dépasser durablement le rendement des capitaux ? Ce rendement à pu bénéficier d’une brèves amélioration en 1976. mais la hausse du taux d’escompte au mois de septembre ne peut que compromettre cette rémission.
( Suite de la page 33 )
Il aimerait d’autre part que soit assuré, après 1965, l’avenir du charbon lorrain. " in ne serait pas déraisonnable, dit-il, alors que le prix de revient du nucléaire n’est pas aussi avantageux qu’on a voulu le dire au départ, de prévoir en petit créneau thermique pour le charbon, ce qui permettrait d’assurer l’écoulement à long terme de la production lorraine. " Enfin, le directeur des Charbonnages a un troisième voeu : " il vaut mieux un contrôle national des prises de participation dans les mines à l’étranger plutôt que de laisser le terrain aux compagnies pétrolières ".
A quoi l’administration répond que " C.D.F. ne doit pas jouer le rôle d’un opérateur privilégié. " Les mauvais résultats financiers de la mine dont les Charbonnages et Usinor ont pris le contrôle en Virginie-Occidentale ( États-Unis ) accroissent les rangs de ceux qui pensent l’entreprise nationale " incapable d’une bonne gestion "
Loin de ces vues pessimistes la C.G.T. s’indigne que " la France soit le seul pays à sacrifier ainsi son industrie charbonnière ". On ne peut justifier aucune fermeture, assure M. Dufresne, on peut, en revanche, ouvrir l’ Aumance et le Jura. On se dit pauvre. Raison de plus pour ne pas gaspiller comme cela se fait actuellement. "
Cependant, le syndicat sait qu’il n’est pas question d’exploiter des mines non mécanisables. Quant à la gazéification in situ ( le Monde du 10 novembre ) qui permettrait théoriquement de réduire les inconvénients que présentent les gisements français et d’exploiter le charbon profond, elle n’est pas encore au point. En retard dans le domaine de la recherche, la France envisage de s’associer aux Belges et aux Allemands, qui expérimentent actuellement ce procédé, mais ces derniers semblent peu favorables à cette association. En tout état de cause il s’agirait d’une autre industrie, et n’y a guère d’espoir qu’une telle technologie soir applicable avant plusieurs lustres.
Ainsi malgré des déclarations optimistes de M. Marchais, le 23 octobre dernier à Lille, le déclin de la production du charbon semble inévitable. ce phénomène n’est d’ailleurs pas seulement français puisque au mois de septembre la C.E.E. avouait que " la contribution de l’industrie charbonnière à l’approvisionnement en énergie de la Communauté pouvait être sensiblement moins importante que ce qui avait été prévu initialement pour 1965 ".
Du moins est-il permis de se demander s’il n’est pas un peu rapide de revenir dés maintenant sur un plan - vieux de deux ans - dont tous les effets n’ont pu jouer. La difficulté de trouver dans la conjoncture actuelle les investissements nécessaires à la création d’emplois dans les régions touchées par cette récession, le poids des produits énergétiques dans la balance des paiements, la hausse vraisemblable du prix du pétrole ne devraient-ils pas conduire à plus de prudence ? Au moins le gouvernement pourrait-il tenir compte de ces facteurs pour fixer aux Charbonnages de France cette marge de préférence qu’ils réclament pour survivre.
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