Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
10.8.76
FRANCHISE
M. Bhutto se pliera-t-il ou non aux injonctions de M. Kissinger ?
La France, qui l’a fait pour un accord du même genre prévu avec la Corée du Sud, remettra-t-elle en cause, "de son propre chef", sa promesse de fournir une usine de retraitement à un pays tiers, malgré les objections des Etats-Unis ? Le proche avenir le dira.
Pour le moment, on ne peut que noter la fermeté de la pression et le caractère inhabituel que lui ont donné les propos de M. Kissinger.
La position américaine sur les ventes d’équipement nucléaire est bien connue. L’unanimité des candidats à la présidence sur ce point l’a rendue, cette année, encore plus énergique : le premier grand projet déposé par M. Carter en politique étrangère était un catalogue de mesures extrêmement strictes, visant à éviter la prolifération des armes atomiques et les dangers pour l’environnement.
En substance, Washington ne fait pas d’objection à l’exportation de centrales nucléaires et la pratique elle-même très largement, comme en témoigne l’accord que M. Kissinger vient de confirmer, à Téhéran, pour la fourniture à l’Iran de six à huit réacteurs.
En revanche, les Américains estiment que les usines de retraitement du combustible irradié, productrices de plutonium, n’ont pratiquement pas d’autre raison d’être que la fabrication de bombes. Non seulement ils se l’interdisent - et une résolution du Sénat, déjà, avait demandé que l’aide américaine fût refusée à tout pays acquéreur d’une telle installations - mais ils estiment insuffisantes les garanties prévues sur ce chapitre par l’Agence atomique de Vienne. Comme ils l’ont demandé sans succès à la conférence des pays exportateurs, à Londres, dès l’an dernier, ils souhaitent que le retraitement, s’il doit avoir lieu, soit confié à des usines internationales situées ailleurs que dans les pays utilisateurs. C’est en arguant de ces considérations qu’ils se sont opposés, également sans succès à un accord germano-brésilien , le plus important du genre.
Sans doute peut-on penser que les firmes américaines seraient bien placées pour enlever les marchés de ces usines internationales souhaitées par Washington. Mais la position américaine n’est pas seulement commandée par des considérations mercantiles. Elle est très largement soutenue par l’ensemble de l’opinion aux Etats-Unis, les critiques portant plutôt sur son caractère insuffisant ou tardif.
Washington n’a sans doute pas tort de se méfier des intentions pacifiques proclamées par les candidats à ce type d’équipement.
Tous disent que leur but est exclusivement pacifique, mais, comme par hasard, les pays qui cherchent à acquérir une installation de retraitement sont ceux qui ont quelques bonnes raisons politiques ou géographiques de vouloir se doter d’un armement atomique : la Corée du Sud, pays le plus exposé en Asie actuellement : le Pakistan, dont le voisin et rival indien a fait exploser il y a deux ans sa première "bombe pacifique" : le Brésil, qui veut être la grande puissance de l’Amérique latine.
Le gouvernement français a, dans cette affaire, le droit pour lui, puisque l’Agence atomique de Vienne a approuvé son accord avec le Pakistan, alors pourtant que la France, non signataire - tout comme le Pakistan - du traité de non-prolifération, aurait pu s’en passer. D’autre part, la pression de M. Kissinger ressemble trop à un "diktat" pour être acceptable. Mais il serait sans doute plus correct de reconnaître franchement les risques inhérents à une politique d’exportation trop laxiste.
On peut parfaitement soutenir que la prolifération des armes nucléaires est irrésistible et inévitable : qu’elle peut même avoir des côtés positifs pour certains équilibres régionaux : enfin, que le monopole de la puissance que cherchent à conserver les Deux Grands n’est pas la solution. Ne vaudrait-il pas mieux en parler ouvertement plutôt que de prétendre satisfaire les exigences des uns et des autres ?
M. Kissinger devait quitter le Pakistan ce lundi 9 août pour la France, où il compte prendre quelques jours de repos dans les environs de Deouville. Avant même d’ouvrir ses conversations avec le président Bhutto, le secrétaire d’Etat l’avait mis en garde contre l’achat à la France d’une usine de retraitement de l’uranium, déclarant aux journalistes que l’aide militaire et économique américaine au Pakistan pourrait être dans ce cas suspendue.
M. Kissinger avait auparavant présidé à Téhéran une de la commission économique irono-américaine. Les échanges entre les deux pays atteindront 40 milliards de dollars pendant les cinq années à venir, auxquels s’ajouteront une somme de 10 milliards de dollars pour les ventes d’armes américaines à l’Iran. A Moscou la "Pravda" a dénoncé dimanche les "livraisons massives d’armements américaines" dans les pays du Proche-Orient, mentionnant nommément l’Arabie Saoudite et l’Iran.
Enfin, le secrétaire d’Etat américain, dans une lettre adressée au sénateur Ribicoff et que ce dernier a rendue publique, révèle qu’il est
C’est officiellement un "haut fonctionnaire américain voyageant dans l’avion de M. Kissinger" - formule traditionnellement employée en de telles circonstances pour désigner le secrétaire d’Etat lui-même - qui a informé les journalistes, dimanche 8 août, avant même l’arrivée de la délégation au Pakistan et l’ouverture des conversations avec le président Bhutto, de la pression exercée à renoncer à acheter à la France une usine de retraitement du combustible nucléaire. Selon ce "haut fonctionnaire", le président Ford a écrit personnellement à M. Bhutto sur ce point. Le Pakistan pourrait ne plus recevoir d’aide économique et militaire, et se voir refuser notamment la fourniture d’avions Corsair A-7 munis de missiles Sidewinder, qui intéressent actuellement le gouvernement d’Islamabad.
Un peu crûment ...
Depuis la levée, en février 1975, de l’embargo imposé sur les livraisons d’armes à ce pays à la suite du conflit indo-pakistanais, le Pakistan a commandé des missiles anti-chars pour une somme de 28 millions de dollars et divers autres équipements. Il doit recevoir cette année plus de 144 millions de dollars d’aide alimentaire et au développement, sur une somme de 322 millions approuvée par le Congrès pour les deux prochaines années.
Selon l’agence Associated Press, comme un journaliste demandait à ce "haut fonctionnaire", si les Etats-Unis allaient suspendre toute aide "tant que le Pakistan ne se sera pas incliné", celui-ci a répondu :
</citation, mais il a laissé entendre que telle était bien sa pensée.
On sait que la France doit livrer au Pakistan, outre une centrale nucléaire de 600 mégawatts, une usine de retraitement dont la capacité n’a pas été précisée, mais au sujet de laquelle un accord de garantie, signé à Vienne le 18 mars dernier, entre la France, le Pakistan et l’Agence internationale de l’énergie atomique, a été publié le 8 juillet par le Journal officiel.
Le Pakistan s’engageait à n’utiliser aucune des installations ou matières premières fournies par la France à la fabrication d’armes nucléaires. Il donnait aussi des assurances sur les installations qui pourraient être établies par la suite au Pakistan sur la base des connaissances acquises grâce à la France. Mais les Etats-Unis estiment ces garanties insuffisantes.
(Lire page 2 "Centrales nucléaires et usines de retraitement.")
De notre correspondant
10/8/76
Le Caire, - Ce que d’aucuns - y compris des personnalités politiques s’exprimant en privé - redoutaient depuis longtemps en Egypte s’est produit le dimanche 8 août au Caire. Deux bombes ont explosé à deux heures d’intervalle dans des bâtiments de l’administration publique, aux moments d’affluence. Les explosions ont eu lieu au cinquième étage du Mo-Gamar, vaste complexe administratif situé place Tahrir, en plein centre de la capitale, à deux pas de l’Université américaine et du siège de la Ligue arabe. Selon un premier bilan officiel, l’attentat a fait quatorze blessés, dont trois grièvement. Les déflagrations, très violentes, ont été entendues dans tout le quartier environnant.
La press cairote de ce lundi matin montre, à la "une", la photographie d’un blessé quasiment défiguré. Il s’agirait de l’auteur des attentats, atteint par la seconde bombe. Il s’appellerait Emadeddine Abou Rakiba et serait "un étudiant raté" originaire de la tribu arabe des Abou-Ali dont les terrains de parcours confinent avec la Libye. Le "terroriste" serait, selon la police égyptienne, rentré la semaine passée de ce pays. Le général Abou Pacha, porte-parole du ministère égyptien de l’intérieur, a d’ailleurs accusé nommément le colonel Kadhafi d’être l’instigateur des deux attentats, le chef de l’Etat libyen "voulant démontrer par des sabotages que la situation en Egypte est instable".
L’attentat intervient au moment où la candidature de M. Sadate aux élections présidentielles de l’automne prochain doit être annoncée, et où le premier Festival cinématographique international du Caire est sur le point de s’ouvrir, aussi la police a-t-elle été mise en état d’alerte.
Au cours des deux années écoulées, des engins avaient été découverts ou avaient éclaté à plusieurs reprises, notamment dans une résidence secondaire du Raïs, dans une église d’Alexandrie et, récemment, sur la voie ferrée. Le Caire-Alexandrie. Ces incidents, à propos desquels le nom du colonel Kadhafi avait presque chaque fois été prononcé par la presse cairote officieuse, n’avaient causé que des dégâts légers ou une émotion locale. Ils furent donc vite oubliés. En revanche, les deux bombes du Mogamar, qui constituent le premier attentat commis dans une administration de l’Etat égyptien depuis l’accession au pouvoir du président Sadate il y a cinq ans, ont suscité d’emblée une vive inquiétude dans le pays.
J.-P. PÉRONCEL-HUGOZ.
A TRIPOLI, l’agence officielle libyenne a catégoriquement rejeté dimanche soir les accusations égyptiennes.
Syrie
La formation du cabinet Khleifaoui
10/8/76
LES PRINCIPAUX MINISTRES CONSERVENT LEUR POSTE
Damas (A.F.P.). - Le nouveau cabinet syrien formé par le général Abdel Rahman Khleifaoui samedi 7 août a prêté serment dimanche devant le président Hafez El Assad.
Le général Khleifaoui, qui a succédé à M. Mahmoud Al Ayyoubi à la tête du gouvernement syrien, a repris la plupart des anciens ministres dans son nouveau cabinet. Sur les trente-six membres de l’équipe, quatorze conservent les portefeuilles qu’ils détenaient déjà. Parmi eux figurent M. Abdel Halim Khaddam, vice-président du conseil et ministre des affaires étrangères, le général Moustafa Tlass (défense), M. Omar Sibai ( communications), M. Ahmed Iskandar Ahmed (information), M. Cheteoui Selfo (industrie), et M. Abdel Sattar Al Sayed (wakfs, biens religieux).
Treize membres de l’ancien cabinet ne font plus partie du nouveau gouvernement, dont M. Mohamed Haldar, précédemment vice-président du conseil pour les affaires économiques, et le colonel Ali Zaza, ministre de l’intérieur, remplacé à ce poste par le général Adnan Daggah.
Le nouveau gouvernement comprend sept ministres d’Etat, dont trois sont chargés des affaires de la présidence du conseil et des affaire étrangères.
Par ailleurs, une femme entre pour la première fois au gouvernement en Syrie : Mme Najah Attar, qui occupait de hautes fonctions au ministère de la culture et de l’orientation nationale, devient titulaire de ce portefeuille.
La moitié des membres du nouveau cabinet, dont le président du conseil, le général Khleifaoui, appartiennent au parti Baas. Le gouvernement comprend également deux communistes, deux représentants de l’Union arabe, trois unionistes socialistes, deux socialistes arabes et neuf indépendants.
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