Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Juill. - août 76
Depuis la guerre du pétrole, les pays arabes ont cherché à matérialiser la solidarité qui les unissait à l’ Afrique par une aide économique et financière importante.
Après une période inévitable d’ improvisations et de tâtonnements, voire de maladresses, l’ aide arabe à l’ Afrique a maintenant atteint son régime de croisière et devrait permettre aux pays africains du sud du Sahara de bénéficier, chaque année, de prêts supplémentaires d’ un montant approximatif moyen d’ un milliard de dollars d’ ici à 1980.
Cette aide, dont l’ impact politique est évident, sera d’ autant plus efficace économiquement qu’ elle sera mieux coordonnée avec les autres sources internationales de financement. C’ est ce qui est manifestement recherché par les Fonds arabes qui renforcent aussi chaque jour davantage leur propre concertation.
Même si les premiers éléments de la coopération arabo-africaine sont anciens (le Fonds koweitien de développement date de 1962), ce sont de toute évidence ces événements de la fin 1973 - guerre arabo-isarélienne et quadruplement du prix du pétrole - qui en marquent la véritable origine. A cette date, tous les pays africains qui entretenaient encore des relations diplomatiques avec Israël les rompent, bon gré, mal gré, s’ attendant probablement, en compensation à recevoir une aide équivalant au moins à l’ augmentation brutale du prix du pétrole.
On s’ aperçut bien vite qu’ il y avait là malentendu. sans doute, un Fonds arabe spécial d’ aide aux pays africains (FASA) doté d’ un capital de 200 millions de dollars fut-il institué, dès janvier 1974, au Caire. Mais, dans l’ esprit des pays arabes, il ne s’ agissait que d’ une mesure exceptionnelle, au demeurant accessoire, par rapport à la coopération qu’ ils entendaient fonder.
Opérationnelle depuis moins de deux ans, la BADEA dont le siège est à Khartoum (Soudan) a déjà un important bilan à son actif. Le sommet d’ Alger de novembre 1973 lui avait fixé un triple objectif :
participer au financement du développement économique des pays africains :
encourager la participation des capitaux arabes au développement économique en Afrique :
contribuer à la mise sur pied d’ une assistance technique nécessaire au développement de l’ Afrique.
Les 230 millions de dollars qui constituent le capital de la BADEA ont été rassemblés grâce à une souscription de tous les pays arabes : Arabie Séoudite (50 millions) ; Libye (40 millions) ; Irak (30 millions) ; Algérie, Emirats arabes unis, Qatar et Koweït (20 millions chacun. Une augmentation du capital, lequel pourrait être porté à 500 millions de dollars, est d’ ailleurs envisagée pour le début de l’ année prochaine.
Le président de la BADEA, un Tunisien, le D’ Chedly Ayari, a mené une politique très active, puisque 140 millions de dollars environ ont déjà été accordés, sous forme de prêts, pour une vingtaine de projets retenus à partir de critères très rigoureux.
Aux premiers temps de l’ aide arabe, en effet, les crédits étaient distribués sans objectifs précis, ce qui n’ allait pas sans inconvénients, comme devait le dénoncer en novembre 1975 le président de la BADEA : "La plus grande partie des transferts des capitaux (arabes) n’ est pas organiquement liée à des projets de développement connus et identifiés, se destination est la plupart du temps vague, affectée à telle impasse budgétaire ou à tout autre objectif aux contours flous, et mal délimités. De tels transferts, quel qu’ en soit le bien-fondé, ne laissent aucune trace. Ni trace politique : dans la mesure où l’ opinion publique africaine n’ en est pas informée ; ni trace économique : puisque l’ aide budgétaire, et a fortiori l’ aide personnelle, disparaissent très vite, sans laisser d’ impact sur l’ économie du pays."
TABLEAU I
TABLEAU II
à long terme et les ressources disponibles (1976-1989)
La BADEA, au contraire, travaille sur les mêmes bases que la Banque mondiale et les grands organismes d’ aide internationaux ou nationaux : sélection et étude des projets, recherche de financements conjoints, accords de prêts à des conditions très avantageuses (le taux d’ intérêt est souvent de 2% sur 25 ans avec amortissement différé de 5 ans). D’ ailleurs, la quasi-totalité des projets retenus jusqu’ici a été de concert avec d’ autres organismes de financement (voir tableau I).
avec les autres fonds arabes...
Mais la BADEA entend aussi jouer le rôle de catalyseur de l’ ensemble de l’ aide arabe à l’ Afrique. A ce titre, elle s’ efforce de coordonner l’ action des autres fonds arabes. Une réunion des présidents des Fonds de développement arabes vient précisément de se tenir, les 5 et 6 juin deniers à Ryad. Elle a permis de faire de nouveaux progrès dans ce domaine.
Les fonds arabes sont aujourd’hui assez nombreux : les principaux sont :
Le Fonds koweïtien, le plus ancien puisqu’il date de 1962, avec un capital de 3,4 milliards de dollars ;
le Fonds d’ Abu-Dhabi, créé en 1973, capital de départ de 500 millions de dollars ;
le Fonds séoudien, créé en 1974 et doté d’ un capital initial de 350 millions de dollars ;
le Fonds irakien, e création toute récente.
A ces fonds, il convient d’ ajouter les institutions arabes de coopération multilatérale ;
la Banque islamique de développement, créée à Ryad en juillet 1975 dont le capital souscrit par des pays islamiques arabes et non arabes dépasse le milliard de dollars ;
le Fonds arabe spécial d’ aide aux pays africains (FASA), créé en janvier 1974, qui a déjà distribué près de 200 millions de dollars et vient de recevoir une nouvelle dotation de la même importance. Ce fonds est désormais géré par la BADEA et non plus directement par la Ligue arabe ;
le Fonds arabe de développement économique et social (FADES).
le Fonds de coopération technique arabo-africaine.
Les présidents de tous ces Fonds ont décidé, lors de la Conférence de Ryad, de travailler désormais en concertation étroite pour ce qui concerne le développement de l’ Afrique. Les pays arabes entendent intervenir de manière déterminante par la prise en change de projets importants et ne veulent plus apparaître comme de simples co-financiers mineurs. Les responsables des opérations de ces Fonds se rencontreront d’ ailleurs, en février prochain, au siège de la BADEA à Khartoum, pour une véritable "foire aux projets" qui permettra de sélectionner ceux qui seront ultérieurement pris en charge.
La BADEA a également offert de mettre de manière permanente toute sa logistique, ses informations, ses experts, au service des autres Fonds arabes, son aide pouvant aller jusqu’à l’ organisation des voyages en Afrique de leurs dirigeants. La création d’ un Bureau commun de consultants inter-arabes est même envisagée, l’ étude préalable du projet étant confiée au Fonds séoudien.
Enfin, une certaine orientation se dessine pour la prise en charge des projets qui ne seraient pas seulement économiques mais aussi sociaux, qu’ il s’ agisse de la santé, de l’ éducation, de la formation. Le Fonds séoudien, par exemple, s’ intéresse très vivement au projet de l’ université de Brazzaville.
africains
Cette intense activité déployée par les nouveaux investisseurs arabes est parfois regardée avec une certaine inquiétude en Afrique. Bien qu’ ils pensent surtout au long terme et à la complémentarité monde arabe-Afrique lorsque la richesse pétrolière sera épuisée et l’ industrialisation es pays arabes devenue une réalité, leurs partenaires africains font montre de réticences parfois mal accueillies.
La Conférence de Dakar en avril dernier, a même été l’ occasion, pour une part au moins, d’ un véritable dialogue de sourds, pays membres de l’ O.U.A. et pays membres de la Ligue arabe se réunissant séparément pendant les trois quarts de la Conférence. Pourtant, un effort est accompli, au niveau des institutions financières, pour renforcer la collaboration.
A Kinshasa, au début de mai, à l’ occasion de l’ Assemblée générale annuelle de la Banque africaine de développement (BAD), une importante réunion s’ est déroulé en présence des présidents de la BAD et de la BADEA qui a permis de faire le bilan de la concertation entre ces deux organismes, un an après la signature d’ un accord de coopération. Des comités mixtes seront constitués dont l’ un, en commun avec la Ligue arabe et l’ O.U.A., va tenter de régler l’ épineuse question des critères d’ allocation des ressources du FASA.
De même, une réunion a été organisée, toujours à Kinshasa, avec les dirigeants des Banques régionales et sous-régionales de développement en Afrique, à laquelle participait le président de la BADEA.
De ces multiples contacts, se dégage incontestablement l’ impression d’ un réel progrès sur la voie d’ une coopération équilibrée entre pays africains et pays arabes. Les pays arabes n’ entendent pas, en effet, se substituer aux donneurs d’ aide traditionnelle, mais davantage compléter leurs efforts.
A partir des prévisions du Club de Dakar et de la Banque mondiale, les dirigeants de la BADEA estiment que, durant les vingt-cinq prochaines années, il manquera à l’ Afrique plusieurs milliards de dollars pour assurer les investissements nécessaires (voir tableau II). L’ ambition des pays arabes est de parvenir à combler ce déficit et cela au nom d’ une solidarité arabo-africaine présentée comme essentielle à la cohésion et à la puissance des pays du tiers monde. Quels que soient les résultats qui seront atteints, force est de constater que l’ aide arabe à l’ Afrique, est devenue un facteur important de son développement. Le fait que cette aide veuille s’ insérer dans le cadre d’ ensemble de la coopération internationale va incontestablement dans le sens d’ une "mondialisation" à tous égards souhaitable, notamment dans le domaine du développement.
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