Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
13/5/76
De notre envoyé spécial`
Marseille. - "Comment ne pas croire à un limogeage..." "Cette mesure vise un magistrat brillant qui a fait la preuve de ses qualité et de son talent. C’ est désolant."
De tels commentaires entendus mardi soir dans le hall du palais de justice d’ Aix-en-Provence portaient sur le sujet de toutes les conversations : la "promotion" de M. Etienne Ceccaldi. Ils n’ étaient pas le fait de magistrats syndiqués prêts à prendre sans hésiter la défense de leur camarade. Le premier propos était celui d’ un conseiller à la cour, le second celui d’ un avocat général. Leur opinion était à la mesure de la plupart des réactions auxquelles la nouvelle de la "sanction" avait donné lieu, tant au siège de la cour d’ appel qu’ au tribunal de Marseille.
Tard dans la nuit de mardi à mercredi, de nombreux appels téléphoniques parvenaient encore au domicile de M. Ceccaldi pour transmettre à ce dernier des messages de sympathie ou de soutien. Une telle effervescence ce pendant ne devait apparemment pas entamer le calme dont ce jeune magistrat semble ne jamais se départir. Et c’ est avec la même attitude empreinte de discrétion et de réserve que ses proches lui connaissent qu’ il tente d’ expliquer son cas. Le ton est prudent, mais déterminé.
"Je ne pouvais ignorer, dit-il, l’ hostilité que l’ on a manifestée à de nombreuses reprises contre le Syndicat de la magistrature. Je ne pouvais non plus ignorer les mesures prises récemment contre certains magistrats de la chancellerie
Depuis la lecture du Journal officiel du 9 mai, M. Ceccaldi, qui ne paraît guère apprécier la précipitation, a pris le temps de la réflexion. Après avoir considéré les déclarations faites par M. Jean Lecanuet, garde des sceaux, dans la soirée du 11 mai, il a décidé, ce mercredi matin 12 mai, de refuser la nomination qui lui a été signifiée. Il devait faire connaître sa réponse et ses explications dans une lettre adressée au ministre de la justice.
"C’ est d’ abord pour des raisons familiales que je me suis imposé un délai de réflexion, précise-t-il, car à bien des égards ma réponse n’ engageait pas que moi-même
M. Ceccaldi souligne aussi que l’ on a soudain fait peu de cas des usages : "Même si l’ on ne me donnait pas le choix, on aurait pu me prévenir avant l’ annonce officielle". Il semble, sur ce point, que le procureur de la cour d’ Aix-en-Provence - bien qu’ il soit en contact permanent avec la chancellerie - n’ ait pas apprécié le fait de n’ avoir pas été consulté dernièrement" De toute manière, ajoute M. Ceccaldi, même lorsqu’ un magistrat est sanctionné après avoir comparu devant la commission de discipline, on prend le soin de lui soumettre officieusement quelques propositions d’ affectation."
Mais le substitut n’ a jamais fait l’ objet de mesures disciplinaires ; ce sont plutôt ses mérites qui jusqu’alors étaient reconnus. Ses collèges se plaisent aujourd’hui à rappeler qu’ il fut, l’ an dernier, personnellement félicité par le ministre de la justice, lors d’ un voyage que ce dernier fit à Marseille. Bénéficiant d’ une notation exemplaire, il était, depuis deux ans, le premier magistrat sur la liste des propositions à l’ avancement établie par le chef de la cour d’ appel. A ce propos, il convient de noter que cet avancement avait été différé, en 1975, sur opposition du cabinet du ministre de la justice.
"Faute d’ explication officielle, déclare M. Ceccaldi, tout porte à croire qu’ il s’ agit vraiment d’ une sanction et que celle-ci ne peut être que de caractère politique." Il fait alors remarquer que, avec son départ, la section financière du parquet de Marseille - la plus importante après celle de Paris - se trouverait "pratiquement démantelée". En effet, M. Salavaglone, premier substitut qui assurait la responsabilité de ce service depuis plusieurs années, a été nommé au début de l’ année à Montpellier. Certains magistrats marseillais précisent que son successeur n’ est pas spécialisé, et qu’ il n’ a pas été choisi parmi ceux qui ont suivi les stages de formation organisés à Vaucresson dans ce domaine si particulier (formation à laquelle participe M. Ceccaldi).
Au cours des six dernières années, le nombre et le volume des dossiers examinés par la section financière de Marseille témoignent de son activité. Parmi les affaires les plus importantes figurent le scandale immobilier de l’ Habitat coopératif, qui impliquait notamment diverses personnalités politiques ; la faillite de la société Coder, divers cas de fraude fiscale et l’ interminable "affaire des pétroliers".
En dépit de sa réserve, M. Ceccaldi ne veut pas feindre d’ ignorer que l’ on a fait un rapprochement entre l’ affaire des pétroliers et l’ annonce de son appartenance au Syndicat de la magistrature n’ est peut-être pas la seule raison de la sanction qui le frappe. Mais il se contente d’ indiquer que le dossier des ententes pétrolières est "solide" et que les conclusions avancées par le parquet ont été confirmées par celles d’ une commission parlementaire et celles de la commission technique des ententes. On estime au tribunal, à ce propos, qu’ il est étonnant que l’ on ait pu donner, l’ an dernier, des instructions sévères tendant, - comme le souhaitait le parquet, - à l’ inculpation rapide des principaux dirigeants des grandes sociétés pétrolières, alors qu’ au mois de février dernier des recommandations contraires, tendant à des non-lieux ont été transmises à Marseille.
"Manifestement, certaines suspicions pèsent sur une partie du tribunal de Marseille", déclare M. Ceccaldi.
D’ autres que lui soulignent qu’ une inspection générale a été récemment effectué et que, plusieurs mouvements de magistrats, au cours des derniers mois, ne paraissent vraiment pas, à la lumière des derniers événements, être le seul fait du hasard des avancements de carrière. Certains magistrats n’ hésitent pas à parler d’ épuration" et soulignent que le poste de M. ELLE Loques, doyen des juges d’ instruction, a pu être mis en cause. Ce dernier a été chargé d’ instruire l’ affaire des pétroliers, ainsi que celle du centre de détention d’ Arenc, où des travailleurs immigrés ont été regroupés par la police à Marseille.
|
||
Plan du site |