Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Sur les terres limousines , au bord des monts d’Ambazac , lorsqu’un des habitants gagne l’un petits cimetières tassés au pied de la lourde église en pierre du pays , on murmure dans les villages : « Est-il mort du cancer ? »
L’an dernier c’étaient deux voisins , puis un autre vieux plus loin , et les mineurs surtout , les mineurs des mines de la Crouzille , ceux qui extraient l’uranium .
C’est que la vieille roche limousine est gonflée de veines uranifères . Au Fanay n à Margnac , à Belzannes , les galeries d’exploitation courent sous les bois et les champs . Mais plus récemment , le C.E.A. a inauguré l’exploitation à ciel ouvert . La région , mise en coupe réglée , offre des collines aux flancs défoncés , d’immenses cratères creusant les prés , grignotant les champs .1000 tonnes d’uranium produites en 1974 , 2000 en 1975 , et le quadruple prévu pour 1976 .
Au Moulin de Penny : Mme Sallaud . 78 ans.
La sondeuse en action
Les terres après exploitation de l’uranium
M. Sallaud . 86 ans .
(Photos Michel Le Serrec )
LE MARTYR
DES PAYSANS
« On vit en territoire conquis » dit un agriculteur . « La ou ils sont passés c’est fini pour l’éternité . » Limousin d’origine domestique de ferme à l’âge de douze ans , après 45 années de labeur il aspire « à la paix. » Mais le CEA livre une guerre meurtrière au pays , depuis la crise du pétrole , depuis que l’uranium est exploité intensivement et )à ciel ouvert . Les châtaigneraies , la vielle forêt de hêtres , de bouleaux de chênes , les prés , les collines , sont désormais condamnés sur kilomètres. A chaque détour de pente , se découvre un autre cratère , un autre « stérile ». C’est une image de guerre que choisira un mineur pour décrire les dégâts sur les terres du village de Sauvagnac « on lui a fou la bataille de Verdun . »
La paix du plateau s’en est allée . Le vacarme des sondeuse , répercuté entre les collines commence dès sept heures du matin . Les ventilateurs , les sirènes , les camions , ne laissent plus de paix aux habitants . Le bruit de l’explosif qui attaque la roche fait désormais partie de l’environnement sonore . « Quand ils faisaient sauteur les rochers les mures tremblaient , la cuisine , la vaisselle aussi . »
Dans cette région un peu retirée du monde , si la vie s’en allait doucement avec les jeunes , au moins les anciens peuplaient -ils les grands espaces boisés , exploitant encore les terres sur lesquelles bien souvent ils étaient nés . Mais leurs vieux jours aussi grignotés par le CEA .
Au moulin de Penny , M. et Mme Salaud , 86 et 78 ans décrivent leur martyre ; « Je suis né en 1890 , un treize décembre , je suis né dans ce moulin qui a tourné jusqu’en 1938 . Meunier et agriculteur , cette terre m’a toujours nourri . Pendant deux ans , les soudeuse on marché toute la nuit , sur le rocher , sur le chemin , l’huile se répandait sur l’herbe , elle était pinière , mais le CEA a refuse de faucher . Puis on dévié le ruisseau devant la porte en coupé la source , nous n’avions plus d’eau pour boire ou nous laver . »
Pendant deux ans , la vieille paysanne fit plus de 500 mètres trois et quatre fois par jours pour se procurer de l’eau . Mais ce n’est pas fini , lorsque CEA décide d’attaquer la roche à l’explosif , juste derrière le moulin , on vient tirer les vieux de leur lit , tous les matins dès sept heures . Ils attendent alors dans les champs , parfois dans la neige que le tir de mine soit terminé . Têtus ils s’accrochent au sol natal « nos affaires sont ici , nos parents sont tous ici dans la commune » , a la terre devenue un immense bourbier . Un responsable du CEA avouera : « Ma conscience est heurtée . »
UN DANGER
QUIRODE :
LE CANCER
Et puis il y a la peur , une peur qui s’avoue à mi-voix , qui la mine . Peur du CEA , nouveau seigneur du Limousin et dont « on craint les menaces . C’est pour cela que beaucoup de gens fuissent faire , mois même j’avais peur de faire un comme de défense » dira un agriculteur . Si on refuse les sondages , « on vous répond : le sous-sol vous appartient , on viendra quand même » , et « Ils viennent » . Plus profonde encore est l’autre peur : celle de la radio-activité . Si « les gens se faisent » c’est que chacun s’interroge sans trop en parler . Les bruits courent : beaucoup trop nombreux pour la région sont les gens qui ont du consulter à l’hôpital Saint-Louis . Diagnostic : des malades de peau « d’origine inconnue » . Deux cultivateurs montrent leur peau dépigmentée par plaques . Camille B. aujourd’hui à la retrait découvre une épaule purulente « qui frotte et qui saigne ». Deux autres femmes dans un hameau proche auraient de semblables symptômes . Mais dans cet endroit rude on cache encore sous les vêtements ce genre « d’ennuis » .
Même peur sourde chez , les mineurs , environ 400 , encore plus exposés . « En 75 , neuf ou dix mineurs sont morts de maladie , ils avaient entre 40 et 50 ans. » L’un d’eux raconte :« il y a quelques années , un bon copain est mort , on a demandé une autorisé , un poumon était silicosé , mais surtout on a découvert qu’il avait un cancer ou poumon droit et une rumeur au foie . » A la fin du mois d’août un mineur est hospitalisé , on diagnostique une tuberculose , un mois et demi plus tard , au 15 octobre qu’il a le « poumon comme une éponge » ; comme on n’a jamais constaté pareille évolution d’une tuberculose tout le pays pense qu’il est cancéreux.
DANS LA MINE :
LA MORT LENTE
C’est au fond de la mine que l’exploitation de l’uranium est la plus dangereuse . Aux risques propres à la mine (éboulements , accidents , silicose), s’ajoutent les risques dus au minéral radioactif . Lorsqu’on attaque la roche uranifère , la désintégration libère un gaz très dangereux : le radon . S’il est vrai qu’il est évacué par ventilation des galeries , le mineur en respire quotidiennement . La dose de radon est mesurée sur chaque mineur par un « demi-film » , plaque photo-sensible placé sur la poitrine . Le dosi-film est vérifié tous les mois à Paris . Si la plaque devient trop noire « on est randonné , on nous fait remonter un mois fait remonter un mois ou plus , ensuite on redescend » . « On n’a aucun moyen de vérifier » disent les mineurs . L’un d’eux après 19 ans de fond raconte : « une fois j’ai mis le film dans minéral , et je l’ai présente ensuite au contrôle . On ne m’a pas dit que j’étais radioactif ». . . « C’est le CEA qui se change du lavage des bleus , il doit bien y avoir une raison » . Lorsqu’on sait qu’en Tchécoslovaquie , on a fermé des mines d’uranium parce que trop de mineurs mouraient du cancer , qu’on a constaté la même horreur au Canada . . . Il y a de quoi poser bien des questions au CEA . Mais rétorquent les responsables « la concentration de la roche en uranium dans ces pays est bien supérieure , donc bien plus dangereuse ». . . Un autre mineur , 25 ans de fond , rétorque : « tous les mineurs partis à la retraite son décédés , ceux qui ont duré le plus longtemps ont tenu cinq ans . » « Si la médecine du travail respectais le code sur 300 mineurs , 298 travailleraient au jour , mais là - dessus , ils gardent le silence le plus absolu . »
Indépendamment de l’ingestion du radon , il y a celle des poussières et l’exploitation à la radioactivité .Or l’uranium contient non seulement des particules alpha et bêta , mais aussi du radium , du thorium et surtout , bien qu’en plus faible quantité , des particules gamma . Ces derniers font partie de la famille des rayons X , il faut des corps très « sopants » (un mur de plomb par exemple ) pour mes arrêter . Même à faible dose elles peuvent provoquer des leucémies .
D’autres part , si le dosi-film peut révéler la dose de rayonnement auquel le mineur est soumis , en aucun cas il ne montre ce que le mineur avale . Même en arrosant la roche pour faire retomber les poussières , comment être sûr qu’il n’y a aucune substance absorbée ?
Comment ne pas se poser de question , lorsque , après une grève de 56 jours , le CEA n’ayant rien cédé aux vieux mineurs , à par contre relevé la classification de tous les jeunes , comment ne pas se poser de questions , lorsque bon nombre des mineurs les plus âges se voient , selon leur témoignage , poussés à la retraite anticipée ? L’un d’eux dira « lorsqu’on nous fait remonter au jour , c’est qu’on est foutu ». Et en parlant du CEA : « ils vont détruire l’être humain »
Si l’exploitation à ciel ouvert est moins redoutée par les mineurs , parce qu’elle libère immédiatement le radon dans l’atmosphère , par contre , elle inquiète la population qui vit des carrières .
« Il n’est pas possible , disent les gens qu’une telle quantité d’uranium transportée par les camions qui sillonnent les roules , qu’une telle quantité de radon libérée à l’air libre n’aient pas des conséquences terribles ». En France , pour l’instant , aucune étude sérieuse n’a vraiment été entreprise sur les conséquences de l’extraction de l’uranium , et à la Crouzille en particulier . Mais des enquêtes discrets ont commencé dans le pays . D’une part on peut se poser des questions sur l’évacuation instantanée du radon qui est beaucoup plus lourd que l’air . D’autre part sur la contamination radioactive par les poussières qui ne manquent pas de retomber sur les champs alentour et sont facilement retenues par l’herbe . Ensuite la chaîne est simple à reconstituer , contamination du bétail , puis de la nourriture . Le CEA rétorque immanquablement : « puisqu’il y a nue radioactivité naturelle , nous ne faisons jamais que la libérer . »Mais un médecin leur répondait par voie de presse : « il faut étudier l’activité non plus en uranium naturel isolé , mais en mélange de radio-nuclides non identifiés de la famille de l’uranium »
On est carrément effrayé lorsqu’on apprend par les mineurs eux - mêmes , les conséquences du ruissellement des eux . Au puits d’extraction du Fanay , les eaux qui ont lavé le mirai se déversent dans les étangs de la Crouzille qui alimentent Limoges en eau potable . L’usine de traitement de l’uranium de la SIMO , à Bessines , vide son bassin de décantation dans les eux de la Gartempe qui alimenté Bellac et 50 communes en eau potable . On retrouve les traces de deux accidents en 72 et surtout 73 U.O. de l’assemblée nationale du (O.2.73) d’une « pollution . . à la suite de pluies abondantes , sur plusieurs centaines de m3 d’eau , tuant les poissons sur plusieurs kilomètres ». Il a fallu fermer la station de pompage . Il faut savoir que n’importe comment on ne filtre pas la radioactivité .
Lorsque des témoignages de mineurs et d’habitants font état de déchets en provenance de l’usine du Bouchet près de Saclay qui auraient été enterres clandestinement la nuit sous un remblai « par bidons de 100 kg » probablement au-dessus de la Gartempe on peut dire comme cette femme de mineur « d’ici dix ans cette région sera la plus pauvre , la plus abîmée et la plus meurtrière de France . »
Claire Blanchet .
|
||
Plan du site |