Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
janvier 1976
de notre envoyé spécial
Kingston. - La journée de vendredi aura été davantage marquée par les révélations sur la réforme monétaire approuvée la veille par le Comité intérimaire que par la réunion du Comité de développement, dont on n’attendait à juste titre aucun résultat concret.
Il s’est confirmé que plusieurs grands pays industriels, au premier rang desquels le États-Unis, restent hostiles à la fixation d’un objectif précis et daté en matière d’accroissement de l’aide publique au développement. La France qui lui a consacré au cours des deux dernières années 0,60 % de son produit national brut, s’est engagée à atteindre en 1977 le 0,70 % demandés par les pays en voie de développement comme un minimum et repris dans le texte de la résolution des nations unis sur le nouvelle ordre économique international de septembre dernier.
Tout le monde s’est prononcé e faveur d’une augmentation " adéquate " du capital de la banque mondial. En ce qui concerne la reconstitution pour la période triennale 1977-1978-1979 des ressources de l’ Association internationale de développement ( A.I.D. ) ( filiale de la Banque mondiale, spécialisée dans l’octroi de prêts à trente ans ne portant pratiquement aucun taux d’intérêt ), le texte du communiqué fait même état d’un engagement plus catégorique. Il y est dit que le comité du développement estime nécessaire un accroissement " substantiel " de ces ressources. Mais plusieurs pays, dont le États-Unis, le japon, et dans une moindre mesure, la France se sont refusé à souscrire à l’idée que l’accroissement devait être calculé " en termes réels ".
Il a été révélé que les contributions " volontaires " déjà reçues permettrait au " troisième guichet " qui vient d’être ouvert à la banque mondiale de bonifier les taux d’intérêt pour un montant total de 600 millions de dollars de prêts. Sous cette expression imagée, on désigne la nouvelle procédure par laquelle seront accordés des prêts de développement à un taux intermédiaire entre le taux ordinaire de la banque ( 8,5 % actuellement ) et celui pratiquement nul, de l’A.I.D.
La France n’avait jusqu’à maintenant versé aucune contribution. M. Jean-Pierre Fourcade a annoncé qu’il allait mettre à l’étude une formule propre à combler cette lacune. Il s’agirait de verser au bénéfice du " du troisième guichet " la plus-value sur une fraction de l’or que la France va recevoir du Fonds monétaire au titre de la restitution aux pays membres du sixième des avoirs métalliques de cette institution. Le président du comité intérimaire, M. Konan Bédié, ministre des finances de Côte-d’ Ivoire, a marqué un point pour faire avancer un projet qui lui est cher. Au cours de la prochaine réunion du comité du développement, qui se tiendra, comme celle du comité intérimaire, en octobre, à Manille, à l’occasion de l’assemblée générale du F.M.I., on étudiera la création éventuelle d’un mécanisme international de garantie pour les emprunts lancés sur le marché international des capitaux par les pays en voie de développement. L’accès effectif de ce marché est actuellement barré à beaucoup de pays, qui, en dépit de leur bonne gestion, n’offrent pas une " surface " suffisante ( la Côte-d’ Ivoire, par exemple, ne pourrait pas emprunter si elle ne recevait la garantie de la France ).
La délégation américaine a rendu public un document qui était jusqu’à maintenant resté secret : le texte de l’ " amendement " aux statuts du F.M.I. relatif aux taux de change dont la rédaction est étroitement inspirée de l’accord franco-américain conclu à Rambouillet. Ce texte légalisera " pour la première fois dans l’histoire monétaire du monde " , comme l’a dit avec emphase, mais non sans raison le secrétaire américain au Trésor, M. William Simon, les changes flottants " que plusieurs pays n’avaient jamais voulu considérer jusqu’à maintenant comme constituant un régime normal de change ". En contrepartie de cette concession majeure au point de vue américain, la France a effectivement obtenu que le nouvel article 4 de statuts compote l’engagement des pays membres à collaborer avec le F.M.I. en vue de " promouvoir un système stable de taux de change ". Il est même spécifié que chaque pays devra suivre une politique de change " compatible " avec cet engagement, ce qui, dans le style international, n’est pas nécessairement une redondance inutile, étant donné la situation de désordre d’où l’on vient et d’où l’on n’est probablement pas sorti.
Il est permis de considérer comme n’a pas manqué de le faire une nouvelle fois M. Fourcade, le " compromis " franco-américain comme un progrès. Mais avec la meilleure volonté du monde, on a du mal à y voir plus qu’une fiche de consolation pour la législation des changes flottants : les nouveaux statuts ne prévoient que pour une date indéterminée, la restauration d’un " système généralisé d’arrangements reposant sur des parités stables mais ajustables " ( sic ).
Quelles seront les caractéristiques du " système " en question, qui ne pourra être instauré qu’à une majorité de 85 % donnant au États-Unis un droit de veto ?
Le moins qu’on puisse en dire est que toutes les précautions ont été prises pour que ce système soit le moins contraignant possible, à telle enseigne qu’on est en droit de se demander s’il s’agirait véritablement d’un " système basé sur des chances stables ". Il est précisé que la marge de fluctuation sera de 4,5 % de part et d’autre de la parité ( soit un écart double de celui prévu par l’accord de Washington du 18 décembre 1971 ). On ne pourra changer cet écart, qui autorise une large fluctuation monétaire, qu’à la même majorité de 85 %.
Il y a encore mieux : un pays aura droit, à condition d’en expliquer le raisons au F.M.I., soit de ne pas participer au système ( et par conséquent, de laisser flotter sa monaie ), soit y étant entré, d’en sortir. La " ferme surveillance " du F.M.I., dont il est fait grand cas dans le nouveaux statuts comme dans las anciens, sera-t-elle capable d’imposer une dicipline effective ? Aucun grand pays n’a jamais accepté de se faire dicter sa politique par une institution internationale. Les nouvelles parités seront définies en termes de droits de tirage spéciaux ( D.T.S. ), dont la valeur changera chaque fois qu’une monnaies par rapport auxquelles ils sonr eux-mêmes définis sera réévaluée ou dévaluée, ou d’un autre dénominateur " autre que l’or ". Cela n’empêchera pas les opérateurs de se référer au prix de l’or en dollars pour en déduire les variations de la valeur de toutes les devises par rapport au métal précieux.
Dans une conférence de presse, M. Jean-Pierre Forcade a déclaré que, dés maintenant les banques centrales se concertaient chaque jour pour décider si elles iintervenaient ou non sur les marchés de changes.
Au bout de six mois ou d’un an, on pourrait examiner si l’on va plus loin, soit en ouvrant le " serpent " monétaire européen à de nouvelles monnaies ( au dollar ? ), soit en fixant " des parties visqueuses ", soit en établissant certains liens de références entre les D.T.S. et les devises.
Dans une autre conférence de presse, le sous-secrétaire américain au Trésor, M. Yeo, n’a pas prononcé le mot d’ " intervention " ; il n’a parlé que de consultations " approfondies " entre les banques centrales ; différence sensible d’accent, sinon d’interprétation. Ajoutons que le ministre français de l’économie et des finances en réponse à une question, a déclaré " qu’il n’avait pas encore été décidé si la Banque de France se porterait acheteur à la première adjudication organisée pour la vente de l’or du F.M.I., mais que la question restait ouverte ".
De notre envoyé spécial
Kingston. - Aux termes du communiqué des Vingt ( voir ci-contre ), il n’y aura plus de prix officiel de l’or. C’est une décision considérable, puisque, d’un côté, elle détrône le métal précieux de son rôle historique d’étalon et que, d’un autre côté, elle permet indirectement la revalorisation effective des stocks métalliques, qui redeviennent ainsi potentiellement la réserve de change ayant le plus de valeur.
Sous l’empire des statuts actuels du F.M.I., qu’on va amender, les banques centrales ne peuvent en effet faire des transactions sur l’or que sur la base d’un prix officiel, devenu tout à fait irréaliste : 42,22 dollars l’once. Une fois ces statuts amendés, et compte tenu des conditions restrictives stipulées dans un " arrangement " conclu le 31 août les Dix ( les pays les plus riches du Fonds ) - pour deux ans mais sans doute renouvelable, - les banques centrales pourront en principe vendre et acheter à un prix dérivé du marché, actuellement de l’ordre de 14 dollars l’once.
le Fonds monétaire, qui possède 150 millions d’once d’or, en restituera immédiatement un sixième ( 25 millions d’onces ) à ses membres et en affectera un autre sixième à un fonds fiduciaire chargé d’aider les pays les plus pauvres ( ceux où le revenu par tête est inférieur à 350 dollars ). ce fonds fiduciaire vendra sur le marché, par adjudications étalées sur quatre ans, 17,5 millions d’onces. Il est précisé, dans le communiqué des Vingt, que la banque des règlements internationaux ( B.R.I. ) pourra " participer à des enchères ". Comme il est évident, et comme cela nous a été confirmé par les autorités responsables, la B.R.I. ne prendra pas de " position nette " : par conséquent, les achats qu’elle pourra effectuer le seront pour le compte des banques centrales.
ce dernier point n’est pas mentionné dans le communiqué, mais dans la conférence de presse qu’il a donnée aux côtés de M. Willy Declerq ( belge ), nouveau président du Comité intérimaire, M. Witteveen a déclaré, en réponse à une question, qu’il était impossible d’imaginer quelles sanctions seraient prises contre une banque centrale qui achèterait ainsi indirectement de l’or à un prix supérieur au prix de 42,22 dollars l’once, qui demeure officiel jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux statuts du F.M.I.
M. Witteveen s’est déclaré convaincu que le prix de l’or ne s’effondrerait pas et probablement resterait au niveau actuel. Selon lui, les bénéfices que le fonds fiduciaire tirera chaque année pendant quatre ans des ventes d’or ( 4,4 millions d’onces environ puisque le total doit être de 17,5 ) sera de l’ordre de 400 à 500 millions de dollars.
Cette dotation servira sans doute à " bonifier " des taux d’intérêt pour des prêts accordés par le F.M.I.
M. Witteveen a d’autre part évalué à 2 milliards de dollars environ les crédits supplémentaires que les pays pauvres obtiendront du F.M.I. grâce à l’élargissement des tranches de crédit. A cela s’ajoutera l’effet de la décision prise par le conseil d’administration du F.M.I. en décembre d’améliorer considérablement les possibilités de tirage au titre de financement dit compensatoire ( destiné à atténuer les pertes de recettes dues à la baisse des matières premières ) encore 1 milliard de dollars.
Il est juste d’ajouter qu’une source de crédit va être supprimée en 1976, avec la fin de ce qu’on a appelé la " facilité pétrolière créée en 1974 et 1975 à la suite de l’enchérissement du pétrole, grâce à des sommes prêtées par les pays de l’ OPEP. - P. F.
Le communiqué publié à l’issue de la conférence du comité intérimaire du F.M.I. déclare que les vingt ministre des finances qui ont siégé à Kingston :
" Sont convenus de relever les contributions des membres du F.M.I. ( il s’agit des quotes-parts au Fonds, accrues de 32,5 % ) et de donner à tous les membres du Fonds six mois pour rendre leurs monnaies utilisables dans les opérations et les transactions du Fonds.
" Sont convenus de commencer sans délai la vente aux enchères publiques de 600 tonnes d’or, qui seront écoulées sur une période de quatre ans pour aider les nations au développement.
" Ont noté que le redressement après la grave récession internationale de 1974-1975 est en cours dans la plus grande partie du monde industrialisé, et ont préconisé que les pays industrialisés dont la position de la balance des paiements est forte maintiennent l’expansion économique dans la période à venir tout en continuant à combattre l’inflation.
" Ont exprimé leur préoccupation concernant les importants déficits de la balance des paiements, le lourd endettement extérieur et l’utilisation de réserves déjà entamées dans les pays en développement producteurs de matières premières en 1975. Un niveau approprié d’importations par ces pays en 1976 va dépendre des disponibilités de crédits appropriés de la part du F.M.I.
" Sont convenus qu’un Fonds va être créé sans délai à partir des bénéfices des ventes d’or du F.M.I., pour fournir des prêts pourvus de facilités de remboursement aux pays membres dont le revenu par tête en 1975 n’a pas dépassé 351 dollars ( 1 544,40 F ).
" Sont convenus d’une augmentation temporaire de 45 % dans les quatre tranches de crédits du FM.I. ( la tranche or n’étant, elle pas modifiée ).
" Ont accueilli avec satisfaction l’accord légalisant le système actuel de flottement des taux de change, qui va apporter une plus grande stabilité dans les affaires économiques et financières.
" Sont convenus que les droits de tirage spéciaux ( D.T.S. ) devraient constituer le principal capital de réserve dans le système monétaire international.
( Les D.T.S. sur le Fonds monétaire international sont une monnaie de compte qui permet au pays qui la détient de " tirer " en échange des monnaies traditionnelles. La valeur de D.T.S. est actuellement définie par la référence aux cours journaliers de seize monnaies ( le dollar comptant à lui seul pour 30 % du total de ces monnaies grâce au jeu de la pondération qui a été retenue ). le comité des Vingt a décidé que le mode d’évaluation des D.T.S. ne pourrait être modifié qu’à la majorité de 85 %, ce qui donne aux États-Unis un droit de veto sur tout changement. En vertu des règles actuelles, le pays utilisateur doit rembourser ( " reconstituer " ) 30 % des sommes qu’il à " tirées " ; le Fonds va recevoir le pouvoir de supprimer cette obligation, ainsi que celui de vendre éventuellement les 100 millions d’onces d’or qui lui resteront. )
" Son convenus d’autoriser la F.M.I. à vendre toute partie de ses réserves d’or après la distribution de 600 tonnes et d’utiliser les bénéfices pour accroître les ressources du Fonds, ou de rendre disponibles des prêts pourvus de conditions de remboursement spéciales pour les pays en voie de développement dans des circonstances difficiles.
" Ont demandé à la direction exécutive du F.M.I. de continuer à étudier d’autres modifications de la réglementation, qui pourraient aboutir à autoriser un pays à obtenir des dollars et d’autres devises en échange de D.T.S. "
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