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U-004-106 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-004-106

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  • Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.

  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.
















9.10.74

La Mare aux Canards
LA GUERRE DU BIDON


Le citoyen de base aurait quelques raisons de ne plus rien comprendre à ce qui se passe dans le monde. Il entend des bruits de bottes. Des hommes d’ État, en principe responsables de ce qu’ils disent ( mais c’est beaucoup leur prêter ), vous affirment crûment qu’on a déjà fait la guerre pour moins que ça. Ca, quoi ? Le pétrole, bien sûr. Mais qui fera la guerre, et contre qui ? Les États-Unis contre leur allié privilégié, l’ Arabie Saoudite ? Laquelle ne livre pas de pétrole aux États-Unis.


En réalité, le " lobby-guerre " s’agite depuis un an. En Octobre 1973, lors de la première hausse du prix du pétrole, il circulait dans plusieurs capitales des plans d’interventions militaires au Moyen-Orient. Le motif n’était pas alors financier ; il s’agissait de punir les États arabes de se servi des livraisons de pétrole comme d’une arme dans leur querelle avec Israël.


L’embargo a été levé, mais les plans de débarquement des Marines n’ont pas été déchirés : ils serviraient aujourd’hui à contraindre les États pétroliers à baisser leurs prix.


PERSONNE ne veut imaginer que ce lobby guerrier parviendra à ses fins, mais il est assez puissant pour troubler les esprits. Il s’en prend, aux États-Unis, à Kissinger, coupable d’avoir ramené une paix provisoire au Moyen-Orient, et le secrétaire d’ État se croit obligé, privé de son Nixon tutélaire, d’aboyer avec les loups. Et les États pétroliers, au lieu de se mettre la tête dans le sable, dressent le poil ; américanisés ou pas, ils seront fort capables de faire sauter les puits à l’apparition du premier parachutiste. Ils le disent, et on les croit. Ce qui est nouveau.


La véritable pression américaine est politique plutôt que guerrière. Les menaces militaires ne sont évoquées que sous l’aspect " si vous, Arabes, n’êtes pas sages, je ne pourrai plus tenir mes va-t-en-guerre ". Il est surtout avancé un argument sophistiqué qui fait intervenir... l’ U.R.S.S. On représente que celle-ci, et le monde communiste en général, marquent des points dans le monde, simplement par inertie. Par rapport à un monde occidental déchiré par l’inflation, ruiné


DE JUSTESSE
- Il n’est pas juste que les Arabes possèdent tant de pétrole. Une guerre juste assurerait une plus juste répartition...
- Heu... Nous sommes justes en carburant.

par les désordres monétaires, secoué par les craquements bancaires et l’aggravation du chômage, le monde socialiste, qui ne manque pourtant pas de problèmes, paraît un havre de paix et de sérénité.


Bref, si les rois, les princes et les émirs arabes n’aident pas l’occident capitaliste à retrouver le calme financier, des régimes basculeront vers le socialisme. Voyez le Portugal, peut-être la Grèce. Messieurs les rois féodaux, vous n’aimez pas les communistes ( oh, non ! oh, non ! ). Alors, baissez les prix du pétrole, ou bien refilez-nous les dollars avec lesquels nous vous payons. C’est tellement simple.


Cet argument hautement philosophique est écouté avec attention. Il est beaucoup moins méprisé que les bruits de quincaillerie militaire. D’autant plus que le même Occident a vendu tellement d’armes aux princes de sables que ceux-ci, à tort ou à raison, n’ont qu’à moitié peur des paras.


Il rejoint d’ailleurs, cet argument, une analyse susurrée par les diplomates chinois dans les turbans et les chéchias. Pékin se fiche du pétrole et demeure fidèle à son obsession soviétique, ce qui donne une autre forme de fantasmagorie ; restez copains avec le Américains et le Européens, disent les Chinois aux Arabes, afin de limiter l’expansion de l’" impérialisme soviétique " dans le monde.


La boussole du marxisme-leninisme en perd le nord.


Pour en revenir aux va-t-en-guerre, qui ne siègent pas qu’au Pentagone ( il y en a aussi dans nos cafés du Commerce), Leur rêve est un petit parachutage dans le golfe Persique, là où c’est bien désert et plein de pétrole. On t’occupe quelques puits. On te fait beaucoup de bruit. On te parade avec des porte-avions nucléaires et, hop, les émirs baisent tes puissantes mains.


Nous résumons un peu, mais pas tellement. Les stratèges au rabais ne veulent s’en prendre ni à l’ Iran, ni à l’ Irak, ni à l’ Algérie, ni au Nigéria parce que ces pays ont l’impolitesse d’avoir des populations nombreuses. Par les temps qui courent, cela risquerait de faire des tas de Vietnam. Mauvais, ça.


Quant au point de vue parisien, giscardien, sur toute cette affaire, eh bien, il n’y a pas de point de vue, comme l’a si brillamment démontré Sauvagnargues, notre ministre des affaires étrangères, récemment, à l’ O.N.U. Dans les couloirs du Quai d’ Orsay et dans les salons de l’ Élysée, il est de bon ton de bavarder sur le " pire " ( une bêtise américaine au Moyen-Orient ), mais on ne bouge pas. Toutes les intelligences sont mobilisées pour convaincre les Français de consommer moins d’énergie et de ne pas se laisser aller à voter à gauche.


C’est l’essentiel, non ?


Pierre Detif

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