Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Économic - Avril 74
La bataille que les Arabes ont déclenchée à propos du pétrole n’est que la préfiguration d’une autre, plus vaste, qui portera sur l’ensemble des matières premières de base et qui opposera les pays industrialisés membres de l’ OCDE et de l’ Alliance atlantique aux pays en voie de développement. La façon dont les pays consommateurs ont réagi à la bataille du pétrole, tant au niveau de leurs gouvernements qu’à celui de leurs mass media laisse prévoir que la
seconde bataille à laquelle ces pays s’attendent et se préparent sera encore plus acharnée. Elle ne pourra être gagnée par les pays producteurs de matières premières que si ces pays savent tirer la leçon des erreurs commise par les Arabes lors de la bataille du pétrole. ces erreurs sont à mon avis, schématiquement les suivantes :
Nous somme en présence actuellement de trois objectifs, et aucun pays de l’ OPEP engagé dans la bataille n’a adhéré au trois, 1er objectif : faire appliquer la résolution 242 du Conseil de sécurité. L’ Iran, le Nigeria, et le Venezuela n’y adhèrent pas. 2e objectif : rendre aux Arabes l’ensemble de la ville de Jérusalem. C’est l’objectif principal de l’ Arabie saoudite, auquel se rallient, sans trop y croire, que les pays Arabes. 3e objectif : faire payer le pétrole son juste prix. C’est l’objectif de l’Iran, auquel les autres partenaires ne peuvent que souscrire. Mais l’ Arabie Saoudite estime d’ores et déjà qu’on est allé un peu trop loin dans cette voie. Donc on se bat, mais il n’y a pas d’objectif commun à atteindre par la bataille.
Le déclenchement de la bataille a été improvisé.
développer les énergies de substitution notamment nucléaires ;
arrêter la croissance ;
accélérer l’extraction du pétrole, surtout en Arabie saoudite qui possède des réserves permettant de combler le déficit mondial.
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Devant ces alternatives, les pays producteurs gardaient le silence, comme s’ils n’étaient pas concernés. Aucun plan n’a été élaboré. Il y a donc eu déclenchement d’une bataille sur un problème dont les données n’ont été étudiées que par un partenaire. Il est vrai aussi que les pays producteurs avaient dans leur main tellement d’atouts qu’ils pouvaient penser se dispenser de fignoler leur jeu...
La bataille n’a été déclenchée que par les états arabes.
les déclarations du sommet d’ Alger n’ont pas été appliquées par ceux-là mêmes qui les avaient prises.
La stratégie pétrolière arabe implique des discussions avec les pays neutres et les pays amis.
Si l’on exclut les objectifs politiques, la stratégie développée pour la bataille économique ne semble pas, a priori, très bien élaborée.
Sur le premier point, on a d’abord adopté une politique de restrictions quantitatives, différenciée selon que le pays de destination était ennemi, neutre ou ami. Une deuxième idée a été ensuite développée : les quantités produites seront déterminées en fonction des montants de ressources monétaires nécessaires au développement économique des pays producteurs. Cela impliquait l’abandon de toute référence aux besoins énergétiques des pays consommateurs. Or il semble qu’aujourd’hui l’objectif de restrictions quantitatives est en voie d’être abandonné. En effet, on parle de plus en plus du prix.
Celui qi vient d’être retenu par l’ OPEP lie le prix du pétrole à celui des énergies de substitution, en vue d’éviter le développement de ces ressources marginales. Cela signifie qu’à ce prix, le pétrole ne doit pas manquer aux utilisateurs. Donc que les restrictions quantitatives doivent être levées. Sinon les énergies de substitution se développeront, à n’importe quel prix, au moins pour fournir le complément d’énergie que le pétrole ne peut donner.
En fin en matière monétaire, c’est la confusion totale. Or c’est là l’essentiel du problème. En quelle monnaie le pétrole sera t-il payé ? Le choix de la monnaie de paiement doit garantir que les hausses de prix obtenues ne seront pas récupérées par la dépréciation de cette monnaie. les pays de l’ OCDE proposent d’ores et déjà
une monnaie de papier, analogue à celle émise par le FMI ( les droits de tirages spéciaux ). Les pays producteurs accepteront-ils cette monnaie de songe ? Pourquoi ne font-ils pas un effort d’imagination pour imposer un étalon pétrole qui servira d’index aux monnaies de paiement, ou créer une unité monétaire nouvelle qui servirait de monnaie de réserve aux banques centrales tout comme l’on été la livre sterling ? Et n’est-il pas curieux de constater qu’au moment où la Banque mondiale émet des emprunts libellés en dinars koweïtiens, le gouvernement du Koweit accepte d’être payé, par les USA tout particulièrement, en jeux d’écritures qui viennent gonfler des comptes dont il n’a pas la capacité de consommer les disponibilités et dont la seule utilisation possible est le déplacement d’une place financière à l’autre à la recherche des meilleurs taux d’intérêts ?
La véritable solution réside dans un système monétaire international qui ne permette pas aux pays industrialisés de se développer en payant en monnaie de singe.
Il faut que les pays producteurs imposent un système inspiré du plan Keynes rejeté par la conférence de Bretton-Woods, ou inspiré de celui présenté il y a une dizaine d’années par M. Mendès France et basé sur l’étalon matière première.
Toutes les discussions ne portent que sur les prix du brut.
Le même problème se pose sur le transport,
Pourquoi ne pas parler de pétrochimie ?
La hausse de prix du brut va être durement ressentie par les pays en voie de développement.
Il faut que le Tiers monde organise sa force, c’est-à-dire son développement économique.
Ces institutions, une fois en place, pourront mettre sur pied une coopération avec les pays industrialisés qui ne sera ni une spoliation, ni la résultante d’un rapport de forces. Elles doivent être ouvertes uniquement aux pays du Tiers monde et ne pas comporter d’observateurs. Elles seront fermées à la fois aux pays qui ne sont pas membres du Fonds monétaire international, aux États colonialistes ( Israël, Portugal, Rhodésie, Afrique du Sud ) et aux États membres de l’ OCDE. Elles devront élaborer la stratégie nécessaire dans le domaine des matières premières : quantités, prix, monnaies de paiement, stade d’élaboration des produits vendus, préférences entre pays membres, etc.
Cette organisation devra se réunir pour définir une stratégie commune vis-à-vis de l’ OCDE et de l’ Alliance atlantique et devra également avoir des porte-parole aux instances de la CNUCED, du GATT, du FMI et de la Banque mondiale.
Elle devra mettre sur pied des mécanismes des règlements internationaux. Elle devra forcément avoir des fonds de soutien des prix, une banque de développement et un mécanisme d’aide à la balance des paiements.
Si nous n’avons pas la volonté de le faire, et maintenant, parce que la situation actuelle risque de ne pas se représenter une autre fois, alors continuons à solliciter l’aide des pays riches pour notre développement, aide qui n’est que la ristourne des miettes provenant du gâteau que nous leur offrons.
Mahdi Malek est le pseudonyme d’un haut fonctionnaire africain actuellement en poste et dont nous ne pouvons, pour des raisons évidentes, donner l’identité. Il va de soi que ses jugements dur la " bataille du pétrole " que l’on peut considérer comme un peu sévères et parfois injustifiés, n’engagent que lui. Mais il nous a semblé qu’ils constituaient sans aucun doute un élément fort intéressant de réflexion pour nos lecteurs, et en particulier pour les dirigeants arabes à la veille de l’assemblée de l’ ONU sur les matières premières. Les critiques même outrées sont toujours plus utiles que les louanges. Les récentes difficultés qu’a connues l’ OAPEP pour décider de la suite à donner à cette " bataille du pétrole ", après les initiatives de M. Kissinger, prouvent en tout cas que le sujet se prête à la controverse.
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