Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Page 2 - LE MONDE -
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET L’EUROPE
L’ambassadeur de France à Washington déplore les "efforts de division américains"
M.Rush, sous-secrétaire d’Etat américain, a reçu mardi 26 mars M.Kosciusko-Morizet, ambassadeur de France à Washington, pour la seconde fois en deux jours, afin de lui remettre la réponse à la protestation qu’il lui avait adressée la veille.
Cette affaire a pour origine des informations publiées par le "Washington Post", un des quotidiens américains les plus influents. Samedi dernier, le "Post" a publié une photographie de M.Jobert avec la légende : "Le ministre français des affaires étrangères a conseillé au gouvernement syrien : "Ne levez pas l’embargo sur le pétrole", et, sous la signature de MM.Evans et Nowack, un article portant la même accusation. "Ce coup de poignard sournoisement porté par M.Jobert au coeur de la diplomatie de M.Kissinger au Proche-Orient" et la proposition de l’Europe des Neuf d’ouvrir un dialogue avec les Etats arabes, "deuxième affront" à MM.Nixon et Kissinger, "mettant en danger" le plan de paix américain "tout entier", seraient, selon les chroniqueurs du "Washington Post", la "raison fondamentale" de l’ "attaque publique et inattendue" lancée par le président des Etats-Unis contre les Européens le 13 mars. Selon les mêmes journalistes, cette "ligne dure" serait payante : ils comparent le "risque" pris par M.Nixon au minage de Haïphong et au bombardement de Hanoï en 1972, juste avant le "sommet" Nixon-Brejnev de Moscou. "Les Français, concluent MM Evans et Nowack, n’ont pas encore changé leurs positions fondamentales de façon notable" ; ils prédisent que si d’autres Européens les suivent, le Congrès américain demandera des "changements radicaux" dans l’alliance atlantique.
La protestation française auprès du département d’Etat ne visait pas la publication de cet article, mais le fait que des personnalités officielles américaines auraient laissé entendre que ces informations correspondaient bien à ce qu’auraient dit "des diplomates français" à des Etats arabes. "Il n’y avait pas de preuves", aurait-on ajouté au département d’Etat, que M.Jobert soit personnellement impliqué dans ces démarches. La réponse de M.Rush à M.Kosciusko-Morizet n’a pas été rendue publique.
Le "Washington Post" reproduit d’autre part la lettre suivante que lui a adressée, le 24 mars, l’ambassadeur de France. Pour l’essentiel, ce texte serait de la plume du ministre des affaires étrangères lui-même.
"Une affabulation à la limite de la calomnie"
"C’est avec surprise et même indignation que j’ai pris connaissance de la légende qui accompagnait la photographie de M.Jobert, publié dans le numéro du Washington Post en date du samedi 23 mars. En outre, l’article intitulé "Le défi de M.Nixon à l’Europe" met en cause la politique de la France en des termes qui sont regrettables, et contient des jugements qui appellent de ma part une réponse."
"En réalité, certaines de ces accusations sont si énormes qu’elles seraient risibles si elles ne portaient pas sur un sujet aussi sérieux pour chacun de nous."
1) Le ministre français des affaires étrangères n’a jamais conseillé au gouvernement syrien ni à aucun autre pays arabe :
"Ne levez pas l’embargo sur le pétrole" Ceci est une pure affabulation et est à la limite même de la calomnie. Si vous découvrez une seule déclaration ou une seule prise de position du gouvernement français impliquant une politique hostile de la France à l’égard des Etats-Unis dans l’affaire du Proche-Orient, je vous serais reconnaissant de me la faire connaître.
"Bien plus, pourquoi M.Jobert aurait-il précisément donné ce conseil sur l’embargo du pétrole à la Syrie ? Ce pays est l’un des rares, au Proche-Orient, à ne pas produire de pétrole."
"Nous n’avons jamais été favorables à aucun embargo, car ce n’est ni dans l’intérêt de la France ni dans celui d’aucun pays. L’embargo entraîne une hausse des prix du pétrole brut en créant une raréfaction sur le marché international, et nous sommes beaucoup plus toucchés par cette hausse des prix que ne le sont les Etats-Unis. N’oubliez pas que la France dépend du pétrole du Proche-Orient pour près de 80% de ses besoins. En outre, l’embargo est un exemple fort dangereux pour chacun."
"Ce que certains paraissent considérer comme une critique insupportable de la politique américaine du Proche-Orient n’est que l’expression d’une politique française qui n’a cessé d’affirmer son but depuis sept ans et dont beaucoup, dans votre pays, ont maintenant reconnu le bien-fondé."
2) "Bien loin d’être opposé, de quelque manière que ce soit aux efforts qui sont actuellement entrepris pour le rétablissement de la paix au Proche-Orient, c’est le gouvernement français lui-même qui n’a cessé, au cours de ces dernières années, d’appeler l’attention des gouvernements et de l’opinion publique mondiale sur le risque majeur que faisait courir à la paix le maintien de la situation existant au Proche-Orient depuis la guerre de 1976.
Il avait, à de multiples reprises, fait part de ses préoccupations à tous les gouvernements intéressés et avait saisi les plus hautes instances internationales de ce problème bien avant qu’il ne fût au centre des préoccupations du gouvernement américain. Il n’a pas dépendu de nous que celui-ci ait écarté délibérément la France, comme l’Europe dont elle fait partie, des tentatives actuelles de règlement. Il y a là une regrettable "division" des efforts qui auraient dû être tentés conjointement par tous ceux qui étaient directement intéressés au rétablissement de la paix."
3) "Il est absurde d’imaginer que le projet euro-arabe de coopération et que la conférence proposée par les Neuf pour l’automne prochain puissent compromettre les efforts actuels des Etats-Unis.
En fait, l’influence de l’Europe au Proche-Orient est de l’intérêt même du monde occidental, des Etats-Unis et de la paix en général. La coopération proposée par les Neuf - en tant que Communauté - sera un facteur d’équilibre et de stabilisation dans la région : cela sert à la fois l’intérêt des Arabes et des Israéliens. Le président Nixon lui-même a dit : "Il est de l’intérêt" d’Israël même que les Etats-Unis soient les amis des voisins" d’Israël". Pourquoi ce qui est vrai des Etats-Unis ne le serait pas des Européens ?"
4) "Il me semble, en réalité, que les difficultés actuelles tiennent, non pas aux différences d’appréciation sur la nécessité de ramener la paix au Proche-Orient, mais bien évidemment aux conceptions que l’on se fait chez vous de la nature des rapports devant exister entre les Etats-Unis et l’Europe à mesure que celle-ci s’organise, comme l’avait pourtant longtemps souhaité la diplomatie américaine.
Les déclarations publiques faites au cours de ces dernières semaines sur ce sujet capital, tant à Washington que du côté des Neuf, ne laissant aucun doute à cet égard et, en tant qu’Européen, je ne peux que déplorer les efforts de division que l’on constate pour empêcher, d’une manière ou d’une autre, de voir se constituer une volonté européenne qui serait pourtant un très important facteur de stabilité dans les difficiles rapports internationaux que nous connaissons aujourd’hui."
"Laissez-moi vous dire en conclusion que la comparaison entre le récent durcissement des autorités américaines à l’égard de la France et le bombardement de Hanol, juste avant la réunion "au sommet" de 1972 est non seulement choquante pour les plus vieux amis et alliés du peuple américain, mais aussi le reflet d’une escalade psychologique aussi regrettable qu’incompréhensible."
"Nous avons d’importants problèmes à régler. Cela exige avant tout de l’honnêteté, de la réserve et une évaluation objective des faits véritables."
M.Nixon réaffirme sa prétention à "conduire le monde libre"
(Suite de la première page.)
Mais les formules de M.Scheel - qui, remarque-t-on dans les milieux français, n’est pas mandaté par les neuf pour négocier à ce sujet avec Washington - soulèvent plusieurs questions et notamment celle-ci :
qui décidera que les intérêts américains "légitimes" sont en cause ? M.Kissinger, dans ses discussions avec les dirigeants allemands, a déjà répondu : chacune des parties pourra en décider et demander des consultations euro-américaines. Ces consultations - estime le secrétaire d’Etat - devraient être institutionnalisées et leurs règles formellement établies.
C’est précisément ce que refuse le gouvernement français. On fait en effet remarquer à Paris que la coopération entre les Neuf fonctionne d’une façon assez empirique et par consensus. Ils n’inscrivent à leur ordre du jour que les questions qu’ils jugent d’un commun accord utile de discuter ensemble. Aucun des Neuf n’insiste pour obtenir une décision commune sur une question qui n’est pas unanimement agréée.
Dans le système américain, au contraire, Washington aurait à tout moment le droit de remettre en cause toute décision des Neuf en gestation et qui ne leur conviendrait pas. Ainsi, les Etats-Unis demandent que soit établi entre les Européens et eux-mêmes un système beaucoup plus rigide que ce que les Neuf ont établi entre eux.
On se demande en outre, dans les milieux français, quelle réciproque offrent les Américains, quels droits de codécision institutionnelle les Etats-Unis sont prêts à accorder aux Européens dans l’élaboration de leur politique étrangère ? On pense d’ailleurs à Paris que les autres gouvernements de la Communauté se rendent compte de l’importance de cette question, et on ne croit pas que M.Kissinger soit en mesure d’y répondre.
MAURICE DELARUE
MM. Brejnev et Kissinger ont parlé du Proche-Orient sur un ton "sérieux et constructif"
De notre correspondant
Moscou. - L’entretien que MM.Brejnev et Kissinger devaient avoir mercredi matin 27 mars a été reporté sur la demande des Soviétiques, à l’après-midi. Le secrétaire d’Etat américain qui recevait à déjeuner son collègue soviétique, M.Gromyko, a déclaré que cet ajournement ne devait nullement être considéré comme de mauvaise augure. Son départ de Moscou reste prévu pour jeudi, mais il est possible qu’il soit retardé de quelques heures pour permettre d’ultimes entretiens.
Selon le très bref communiqué publié mardi soir, les sujets abordés dans la journée comprenaient le Proche-Orient, les échanges commerciaux entre Washington et Moscou, la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, et la négociation de Vienne sur la réduction des forces armées et des armements en Europe centrale (M.B.F.R.). Il semble cependant que MM.Brejnev et Kissinger ont surtout centré leur attention sur la question du Proche-Orient, peut-être moins fondamentale que celle des Salt, mais sans doute plus délicate à régler, dans la mesure où elle ne concerne pas que les Deux Grands, mais aussi leurs clients respectifs. La délégation américaine comprenait d’ailleurs, mardi, M.Atherton, sous-secrétaire d’Etat pour les affaires du Proche-Orient.
Réparties sur deux séances, les discussions de mardi ont duré au total huit heures et ont eu, selon le communiqué commun un "caractère sérieux et constructif".
M.Kissinger voudrait, à court terme, obtenir, sinon l’appui, du moins la neutralité de l’Union soviétique à la veille de la délicate mission de médiation qu’il s’apprête à entreprendre entre Tel-Aviv et Damas pour arriver à un accord de dégagement. Déjà déçus par l’évolution pro-américaine de l’Egypte, les dirigeants soviétiques paraissent placer leurs espoirs dans la Syrie, où M.Gromyko s’est récemment rendu en visite et dont le président, M.Assad, doit venir à Moscou au début du mois d’avril. L’agence Tass a laissé entendre à plusieurs reprises, au cours des derniers jours, que l’ouverture des négociations israélo-syriennes pourrait être retardée.
Le problème des relations commerciales entre Washington et Moscou est également fort délicat, puisque le Congrès s’oppose à octroyer à l’U.R.S.S. des crédits gouvernementaux et la clause de la nation la plus favorisée, tant que Moscou ne révisera pas sa politique d’émigration.
Dans une interview accordée aux journalistes américains qui accompagnent M.Kissinger, M.Germain Gvichiani, l’un des dirigeants de l’économie soviétique le plus ouvert aux nouvelles méthodes de "management", a beaucoup insisté sur l’importance que l’U.R.S.S. accordait à l’octroi de crédits gouvernementaux et de la clause de la nation la plus favorisée. Après avoir affirmé qu’il est "plus économique de produire chez-nous qu’aux Etats-Unis", il n’a pas cependant exclu tout commerce avec les Etats-Unis, dans le cas où le Congrès ne reviendrait pas sur son opposition.
JACQUES AMALRIC.
PRECISION, - C’est à tort que nous avons écrit dans le Monde d’hier que le toast prononcé lundi par M.Kissinger avait été préparé à l’avance. Il semble en fait que le secrétaire d’Etat n’ait pas utilisé le texte préparé mais ait improvisé. Il n’en demeure pas moins que, contrairement à M.Gromyko, il n’a jamais mentionné le nom de M.Nixon.
RECEVANT A BRUXELLES LE PRÉSIDENT HEINEMANN
Le roi Baudouin dénonce le rôle des "égoïsmes nationaux" dans la crise européenne
De notre correspondant
Bruxelles, - Le roi Baudouin et le président de la République fédérale allemande, M.Gustav Heinemann, ont lancé, le mardi soir 26 mars, un appel à l’Europe pour qu’elle surmonte la crise qui la frappe. Le roi attribue la stagnation européenne à un manque de courage politique.
Le président Heinemann entamait une visite de trois jours en Belgique.
C’est son dernier voyage officiel, puisqu’il termine son mandat en juin prochain. C’est aussi la première visite d’un chef d’Etat allemand à Bruxelles depuis celle de l’empereur Guillaume II, en 1910.
Au dîner de gala, offert par les souverains belges, le président Heinemann a insisté sur les liens qui unissent l’Europe à l’Amérique,
Le roi Baudouin, qui s’exprimait alternativement en allemand, en français et en néerlandais, a ensuite relevé la mutation politique intervenue en Allemagne fédérale depuis le temps où ce pays "était livré à un nationalisme déchaîné", et a particulièrement évoqué la crise très sérieuse que traverse la Communauté européenne. Le roi a critiqué les "considérations égoïstes et à courte vue" des gouvernements, estimant que la stagnation européenne actuelle provenait d’un manque de courage politique.
Aussi le souverain a-t-il incité les Européens à se livrer à une profonde réflexion pour essayer de déterminer quel devait être l’avenir de la Communauté.
Il a conclu
P.D.V.
A TRAVERS LE MONDE
Algérie
LE PRESIDENT DU LIBERIA, M.William Tolbert, est arrivé mardi 26 mars à Alger en visite officielle. - (A.F.P.)
Chine
M.CHEN YU, secrétaire du P.C. pour la province de Canton et membre du comité central du parti en 1928 et depuis 1956, est mort le 21 mars à Canton.
[Né en 1906 et entré au parti il y a une cinquantaine d’années, il avait eu d’importantes responsabilités syndicales avant de devenir de 1949 à 1955 ministre de l’industrie pétrolière, et ministre de l’industrie du charbon de 1955 à 1957. Il fut secrétaire du P.C. pour Canton de 1957 à 1958, puis vice-président du comité révolutionnaire de la province.]
Communautés européennes
M.JEAN REY, ancien président de la Commission de Communautés européennes, ayant décidé de quitter la présidence du conseil d’administration du Collège d’Europe, qu’il occupe depuis dix ans, le conseil a décidé, à l’unanimité, d’appeler M. F.-X. Ortoli, actuel président de la Commission, à lui succéder M.Ortoli prendra ses fonctions le 1er septembre.
Norvège
M.KOSSYGUINE se rendra à Oslo à l’automne prochain pour ouvrir des négociations avec la Norvège sur le partage de la mer de Barents, annonce un communiqué conjoint publié à la suite de la visite de M.Bratteli, premier ministre norvégien, en U.R.S.S. Les deux pays négocieront aussi un accord de commerce pour les années 1976-1980. Contrairement au désir des Soviétiques, le communiqué ne parle pas d’un accord formel pour des consultations bilatérales régulières sur le Spitzberg, les Norvégiens n’ayant pas voulu favoriser l’U.R.S.S. au détriment des autres signatures du traité international de 1920 sur le Spitzberg. A propos de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, le communiqué se borne à demander que cette conférence aboutisse "dans les meilleurs délais" (
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