Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
1974 Pétrole
« SANS LA LIBERTE DE BLAMER , IL N’EST PAS D’ÉLOGE FLATTER » BEAUMARCHAIS .
L’Apocalypse est désormais à la mode . Conscients a juste titre de la gravité de la crise , les commentaires s’irritent de la sérénité qu’affiche le président de la République , mais ils risquent , au train actuel , d’obtenir un résultat contraire à celui qu’ils souhaitent . Peut-être vivons-nous une crise de civilisation ( je ne sait trop ce que ce terme signifie en dehors d’une vision à la Spengler ou à la Toynbee ) : peut-être les jeunes sont-ils révoltés , les adultes déçus , les vieux amers . Peut-être un quart de siècle de progrès économique exceptionnel représente-t-il une aberration et nourrit-il la nostalgie du bon sauvage . Les témoignages d’intellectuels ne suffisent pas à m’en convaincre . Oublions la philosophie et regardons la réalité avec les yeux de l’économiste .
Les Français souffrent ou , plus exactement , souffriront des conséquences des deux crises qui , issues de circonstances différentes , se rejoignent depuis un an : une inflation dont rejoignent depuis un an : une inflation dont rejoignent depuis un an : une inflation dont le taux moyen se situait en 1973 à 15% à travers le monde , un quadruplent du prix du pétrole qui met à la disposition des pays du pétrole qui met à la disposition des pays producteurs , cette année , une cinquantaine de milliards de dollars que ceux-ci ne peuvent pas dépenser . L’inflation , constante depuis vingt-cinq ans , accélérée aux Etats-Unis d’abord à partir de 1965 , puis , après une courte interruption , depuis 1972 impliquait ni ne justifiait le prix actuel , un pur et simple prix de cartel que les porte-parole des Etats producteurs , mais qui résulte d’un décret politique .
L’HYPOTHESE , avancée ici ou la , que les Etats-Unis auraient eux-même provoque ou toléré volontiers le renchérissement des hydrocarbures révèle la persistance d’une conception démoniaque de l’histoire . L’hypothèse me paraît a peu près aussi vraisemblable que l’accusation stalinienne selon laquelle Trotsky étaient un agent de la Gestapo . Au reste si , sur un coup de baguette magique , les Etats-Unis ou les firmes dites multinationales pouvaient provoquer le quadruplent des prix , ils pourraient aussi imposer la baisse . L’effondrement économique , les troubles sociaux qui menacent les pays alliés ou clients de la République américaine devraient ouvrir les yeux des plus aveugles . En vérité , ce genre d’analyse transforme le démon d’abord en super-Machiavel , puis en pauvre Gribouille .
Avec ou sans renchérissements du pétrole , les états-Unis et le reste du monde occidental auraient été contraints , en 1974 , de prendre au sérieux la lutte contre l’inflation . Tant que celle-ci demeurait dans la zoné , désormais modérée , de 3 a 8 % , l’expansion générale continuait ; le pays qui avait fait un peu plus de bêtises que les autres prenait quelques mesures restrictives : celles-ci réduisaient de quelques points la hausse des prix et le taux de la croissance . Une fois ce résultat obtenu , la course reprenait . La Grande-Bretagne restait à la traîne parce qu’au jeu du Stop and go elle manquait de chance ou d’habileté : elle freinait plus fort .
A quoi tient la nouveauté ? Pour freiner une inflation de 15% , il faut appuyer plus fort sur la pédale . Même sans le cartel pétrolier, le freinage ralentirait le mouvement , au-delà des désirs du conducteurs . Parlons un récession était et est inévitable si l’on veut diminuer de moitié , en deux ans , le taux d’inflation . De plus , et c’est la deuxième nouveauté , la housse du prix du pétrole constitué , dans la conjoncture présente , un facteur de récession et de hausse des prix , autrement dit , selon le vocabulaire courant , de récession et d’inflation à la fois . Pour payer , non pas en papier mais en biens et services réels , les dizaines de milliards supplémentaires que coûte l’importation des hydrocarbures , les pays consommateurs devraient consentir à une contraction par l’Allemagne après la Première Guerre . Des maintenant , bien que les pays consommateurs ne payent que partiellement en biens réels , la hausse des prix du brut , plus ou moins répercutée à l’intérieur des économies nationales , renforce les mesures restrictives prises contre l’inflation et conduit irrésistiblement l’économie mondiale tout entière vers la stagflation , vers un mixte de récession et de hausse des prix . Tout se joue , entre les pays , sur la mesure de l’une et de l’autre .
Les opposants , venus de l’U.D.R. du part communiste , du parti socialiste ou de nulle part , peuvent multiplier les voyages et les conférences , les grèves et les invectives , les conseil et les reproches . Personne , ni en Amérique ni en Europe , n’aperçoit de solution au problème tel qu’il est actuellement posé parce qu’il n’en existe pas . Les experts calculent que d’ici a 1985 les pays producteurs auront accumulé des centaines de milliards de dollars : ce rêve ou ce cauchemar ne se réalisera pas . Les gouvernants des pays industrialisés qui savent qu’ils ne se réalisera pas n’osent pas le dire tout haut de crainte d’imposer les possesseurs de l’or noir . Aussi bien , s’ils savent que les transferts gigantesques de ressources qu’exigerait le maintien du prix actuel du brut , indexé sur l’inflation des pays consommateurs , n’auront pas lieu , ils ne savent pas quand les acteurs reconnaîtront l’impossible et quelle stratégie ils choisiront ce jour-la . Chacun imagine divers scénarios de bouleversements économiques , politiques et militaires .
La plus grande erreur commise par M. Giscard d’Estaing il y a un an et par M. Fourcade au printemps dernier fut non pas seulement de prévoir l’avenir mais d’indiquer des dates . Réduction de moitié d du taux d’inflation en un an , rétablissement de l’équilibre commercial (ou de l’équilibre de la balance des payements ?) en deux . Soyons sérieux : lorsque le quadruplement de l’énergie modifie (ou dvrait modifier) tous les producteurs de pétrole , à quelques rares exceptions près , connaissent simultanément un déficit extérieur , lorsque le cartel garde la liberté d’indexer le prix du brut sur l’inflation prévision chiffrée et datée , relève de l’optimisme du boy-scout et non de la science de l’expert .
Les Mezures restrictives , adoptées par M. Fourrecade , prêtent à la critique . Le choix d’autres mesures n’aurait été pas moins exposé à la critique . La stagflation étant un mal commun , la République fédéral allemande se suite à une extrémité , l’Italie et le Grande -Bretagne à l’autre : d’un côte 7% d’inflation et un excédent extérieur , de l’autre 18 à 20% et un déficit extérieur massif . Il faut que la France se rapproche du cas allemand réduise le taux d’inflation et le déficit , modeste et peut-être difficile , que se donnent MM. Giscard d’Estaing et Fourcade pour sauver la Communauté européenne et l’acquis du dernier quart de siècle .
Atteindront-ils ou non cet objectif ? Au milieu du désordre des esprits , du déchaînement de la mauvaise foi et de l’ignorance , parviendront-ils à convaincre les Française que personne ne leur évitera les années d’épreuve et que seule la discipline nationale en atténuera les souffrances ? Je l’ignore . Le succès ne dépend pas tant de la technique que de la psychologie . Il ne s’agit plus de gérer le « changement » ou « l’imprévisible » , mais de tenir la barre au milieu de la tempête . Combiné par la nature et par la fortune , M. Giscard d’Estaing n’imagine guère le malheur ou la tragédie .
Pourtant , nul ne devient un homme , a fortiori un homme d’Etat , sans l’initiation par les épreuves .
RAYMOND ARON
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