Au terme du trentième "sommet" franco-allemand, qui s’ est achevé vendredi 17 juin à Bonn, l’ Allemagne fédérale a annoncé que comme la France - elle n’ exporterait plus "jusqu’à nouvel ordre" d’ usine de retraitement de l’ uranium irradié. Les Etats-Unis ont fait de fortes pressions sur les deux pays pour qu’ ils cessent la fourniture de ces installations jugées dangereuses.

Cependant, l’ Allemagne fédérale honorera le contrat déjà conclu avec le Brésil, comme la France honore celui qu’ elle a conclu avec le Pakistan, M. Giscard d’ Estaing et le chancelier ont d’ autre part décidé de mettre à l’ étude la construction en commun d’ un nouvel avion moyen-courrier (lire nos informations page2.)

Alors que le Bundestag vient de se prononcer à l’ unanimité pour la ratification de l’ accord sur l’ élection du Parlement européen au suffrage universel direct et que M. Scheel déplore le traitement réservé à l’ Allemagne fédérale dans certains organes de presse occidentaux, M. Jacques Huntzinger, professeur à l’ université de Besançon, expose ci-dessous les éléments de ce qu’ on appelle parfois le "mal allemand".

par JACQUES
HUNTZINGER Professeur à l’ université de Besançon.

Le débat sur l’ élection du Parlement européen au suffrage universel et l’ évolution du parti communiste en matière nucléaire : derrière ces deux événements une même ombre apparaît, l’ Allemagne fédérale.

La perception de la puissance allemande n’ est pas nouvelle. Pour reprendre la formule en usage, le géant économique est devenu un géant politique et peut devenir un géant militaire à qui il manquerait seulement, pour le moment, la liberté nucléaire. Dans l’ ordre économique, l’ Allemagne fédérale pèse lourd au sein des instances de la communauté européenne. Elle est créancière de l’ Italie et de l’ Angleterre, elle a élargi de façon considérable sa pénétration commerciale dans le tiers-monde. Dans l’ ordre politique, elle est devenue l’ un des principaux interlocuteurs des Etats-Unis et de l’ Union soviétique et a développé son action et son influence dans le cadre des Nations unies. Dans l’ ordre militaire, elle a acquis le premier rang en Europe occidentale quant à la puissance des armes classiques et joue un rôle croissant dans les discussions stratégiques de l’ OTAN.

Toutes ces réalités sont incontestables.

Dans quelle mesure est-il alors possible de pratiquer la coopération franco-allemande établie par le général de Gaulle et C. Adenauer, qui reposait malgré tout sur le fait que le couple franco-germanique était à l’ époque dominé par la France ?

C’ est poser la question du "danger allemand". A ce propos, les affirmations sont de plus en plus nombreuses et les craintes de plus en plus souvent exprimées en France, M. Debré  : "Trente ans après la fin de la seconde guerre mondiale et des trente millions de morts dont Hilter fut responsable, nous devrons surtout nous poser la question de savoir si l’ Allemagne redevient un danger pour l’ équilibre des forces en Europe et par temps de paix. Il y a dans la volonté de recartellisation un signe prémonitoire que nous nous devons d’ analyser" (Le Monde, 23 juillet 1976).

Jean Kanapa  : "Comment ne pas voir que l’ impérialisme allemand est d’ ores et déjà devenu un géant économique et financier et même militaire ?... Dans ces conditions, la politique de Giscard d’ Estaing, qui consiste à faire de la France le marchepied de l’ Allemagne de l’ Ouest, est une politique criminelle qu’ aucun Français soucieux des intérêts de la nation ne peut et ne doit accepter" (Rapport devant le comité central du P.C.F. sur la politique de défense).

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