Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Deux mois de prison ferme pour cinq paysans
« anti-nucléaires » du pays nantais .
De notre envoyé spécial
Nantes . — Le tribunal correctionnel de Nantes (Loire -Atlantique) a condamné , vendredi 10 juin , à huit mois d’emprisonnement , dont six avec sursis cinq agriculteurs de la région . Ils étaient accuses d’avoir , le 2 juin , à la mairie de Couërn , participé à l’enlèvement , puis à la destruction par le jeu , d’un registre d’enquête d’utilité publique , relatif à l’installation d’une centrale nucléaire sur le territoire de la commune du Pellerin . Leurs avocat a aussitôt interjeté appel.
Ce verdict , rendu en application de l’article 314-1 (loi « anti-casseurs ») du code pénal , a surpris par sa sévérité et indigné les nombreux opposants à ce projet , jugé récemment par un scientifique français comme le plus mauvais du monde (le Monde du 10 juin ) et qui heurte à une forte hostilité des élus et d’une partie de la population de la région . Les mille cinq cents manifestants , qui avaient clamé autour du palais de justice - bouclé par d’importantes forces de police - leur soutien aux prévenus , ont , une atmosphère tendue , la libération des prisonniers . Il n’y a pas cependant eu d’affrontements à Nantes, même au terme du procès . Mais un incident devait se produira un peu plus tard : vendredi , vers 16 heures , le registre déposé ( à la mairie de Saint-Jean -de-Boiseau (commune limitrophe du Pellerin ) a été déchiqueté par une trentaine de personnes , que des heurts violents ont opposé aux soixante policiers et gendarmes présents dans et autour de la mairie . Trois manifestants ont été blessés .
Ce n’est pas un , mais plusieurs procès gigognes , emboîtés les uns dans les autres , qui ont eu lieu , au cours des cinq heures d’dience du tribunal correctionnel de Nantes , vendredi 10 juin n ou, si l’on veut , une sorte de partie de cache-cache . Le tribunal s’en est tenu à la stricte application de loi, précisément de loi dite « anticasseurs » , pour sanctionner M. André Blineau et son frère Paul . M. André Mabilais , son épouse , Gabrielle , et Pierre Potiron , cinq agriculteurs de de vingt-neuf à quarante-cinq ans , qui n’ont ouvert la bouche que pour se déclarer . « solidaires du combat antinucléaire »
Leur avocat et vingt et un des vingt-quatre témoins qui ont défié à la barre instruisaient , bien au-delà des faits , le procès de l’installation , projetée par l’Electricité de France , d’une centrale nucléaire au Pellerin , à 15 kilomètres de Nantes ou , parfois , le procès de la politique nationale tout entière en la matière .
Enfin n de ces deux procès superposés , en sortait un superposés , en sortait un troisième , celui d’une certaine conception du syndicalisme agricole . Tous les condamnés sont des militants connus pour avoir , a diverses reprises , participé aux actions qu’ont animées les « paysans-travailleurs » contre les cumuls , l’expropriation des métayers ou les circuits de distribution des produits agricoles .
Jour de marché .
La« future » centrale électronucléaire du Pllerin , personne n’en veut , hors la toute-puissante E.D.F. et quelques élus , habités par l’idée du sacro-saint progrès . Pourquoi ce site de la derniers chance , retenu après divers errements et trois installations avortées , a-t-il mobilisé tant d’énergies hostiles ? Près de 440 000 habitants vivent hectares de terres cultivables au moins disparaîtront si la centrale est construite ; de multiples incertitude pèsent sur l’équilibre naturel de la région agricole , en l’absence d’études préalables complètes sur effets direct et induits d’une centrale qui serait l’une des plus importantes de France avec quatre tranches de 1 300 mégawatts chacune .
L’histoire de cette prise de conscience est aussi celle de l’opposition irréductible des douze communes intéressées par l’enquête d’utilité publique . La mise en place hâtive , le 31 mai , des registres dans les mairies s’est faite au corps défendant de la plupart des maires fraîchement élus et souvent sur la foi de leurs résolutions antinucléaires . Les registres , protégés par les gendarmes ou les gardes mobiles , parfois installés dans une « mairie annexe » , qui n’est en fait qu’une fourgonnette préfectorale , devinrent du coup le symbole tangible de la fatidique .
C’est dans ces conditions que se produisirent a Couëron les faits que le président , M. André Bordier , retrace par bribes , à plusieurs reprises n au cours de l’audience : « Nous sommes le 2 juin : c’est jour de marché à Couëron . Dans une salle de la mairie , trois gendarmes et un agent administratif surveillent le registre , fixé par une chaîne à une table . Soudain , alors que rien d’anormal ne s’était jusqu’alors produit , un groupe de trente-cinq à quarante personnes traverse la cour , se dirige vers le bâtiment de la mairie et fait irruption dans la salle . Elles bousculent et maîtrisent les gendarmes , tentent de sectionner la parvenant pas , arrachent le cahier . Elles quittent aussitôt les lieux et vont brûler le registre sur la place du marché . »
Qu’ils aient été formellement reconnus par l’un ou l’autre des gendarmes - qui viendront à la barre décrire les faits à la manière d’une jacquerie d’opérette . (« Il y en qui a crié : « Par ici ! Par ici ! » , monsieur le président . Alors que je tentais de retenir la dame qui qui s’enfuyait la dernière , elle m’a donné sur le poignet un coup avec le tranchant de la main qui m’a obligé à la lâcher »)
— ou plus simplement « sélectionnés » par un indicateur de police , les cinq prévenus sortaient vendredi matin de la prison de Rennes , ou ils avaient déjà passé une semaine , après avoir déjà passé une semaine , après avoir comparu en audience de flagrant délit le vendredi 3 juin .
Le premier procès , celui des faites , fut le plus bref . Tout au plus intéressait-il M. Bordier et le ministère public , représenté par M. Gérard Guilloux . La cause était entendue : il y a eu violences . La violence est répréhensible .
Plus étoffé , le procès du « nucléaire » , qui agaça très vite M. Bordier , comme un devoir « hors sujet » irrite le professeur . Il voyait défiler les ténors de la protestation écologique ou antiatomique ; MM. Brice Lalonde et le général en retraite Jaques Paris de Bollardière , M. Lalonde effraya un peu la justice en assurant que ses militants des Amis de la Terre ont « instructions permanentes et en tout endroit » de détruire les registres d’enquête .
Des chercheurs scientifiques et des enseignants du C.N.R.S , du Collège de France et de Nantes , apportaient l’opposition ou les réserves ou les réserves des « experts » . L’un d’eux approuvait « le refus d’implantation des centrales . . , jusqu’à ce que les populations aient une claire conscience des risques » et contestait le « dossier bâclé et peut étoilé » du Pellerin .
« Mais , enfin , l’interrompt le président , il y a eu violences »
« S’il y a eu violences , la première violence est celle d’imposer une centrale à une population qui n’en veut pas . »
Mais , plus encore que le défilé des spécialistes , celui des élus locaux retenait l’attention : adjoint au maire de Nantes , premier adjoint de Nantes , premier adjoint de Saint-Nazaire , maires ou conseillers généraux de Saint-Herblain , Couëron , Le Pellerin , Saint-Jean-de-Boiseau , La Montagne , Vue , Brains , Chelz-en Retz . Il soulifne le refus collectif de la centrale .
Enfin , parle « l’esprit de la terre » , par la voix des responsables des paysans-travailleurs et de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles . « Les agriculteurs sont inquiets pour leur outil de travail , la terre » , explique M. Renè Guitton. Défenseur « d’un monde paysan qui veut comprendre , participer et donner son avis sur les choix de société » , il proclame la lassitude des siens : « C’en est assez , monsieur le président. . . »
Le procurer verra en eux des apologistes de la violence et les éléments « les moins intéressants du procès ». Dans ses réquisitions , après avoir puise dans la presse locale du jour les éléments d’une plaidoirie pour le calme et légalité . Il demande l’application expresse de la loi « anticasseurs » .
Après la plaidoirie de M André Tiniere , qui souhaite la relaxe de ses clients placés au centre d’un procès « éminemment politique » , le voile de l’illusion se déchire pour les cinq paysans , calmes et résolus , qui se trouvent au banc des accusés , vêtus comme ils l’étaient lorsqu’on est venu les arrêter chez eux ou dans leurs champs le 3 juin . Huit mois de prison n dont six avec sursis . Le public , jusqu’alors silencieux , éclate en invectives . La jeune condamnée s’effondre en larmes , tandis que ses compagnons demeurent un moment hébétés .
Le tribunal se retire non sans qu’un assesseur signifie par deux fois , d’un geste éloquent , mais un rien déplacé : « Tous ces gens sont timbrés. »
Deux heures plus tard , le registre de l’enquête d’utilité publique . déposé à la mairie de Saint-Jean-de Boiseau , est détruit par une trentaine de manifestants , sans doute venus de Nantes , qui tous demanderont ensuite à être inculpés . Et l’enquête d’utilité publique ne fait que commencer .
MICHEL KAJMAN
SALON INTERNATIONAL « ART ET LOISIRS »
de GARCHES .
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