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U-003-318 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-003-318

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    2009.



















13/7/77

Le Monde
Un nouveau pas vers la fusion thermo-nucléaire contrôlée
Des lasers pour "fondre" les noyaux atomiques


UNE récente expérience de fusion des noyaux d’atomes à l’aide d’un puissant laser (le Monde du 9 juillet ) a montré que les physiciens français étaient bien placés dans la compétition internationale. Plusieurs pays étudient cette voie relativement nouvelle en vue de produire de l’énergie par fusion est un jour domestique et industriellement exploitée, le problème de l’énergie sera définitivement résolu, les réserves de matériaux fusibles - l’eau de mer en est une - étant virtuellement inépuisables. Mais on est encore très loin de cet Eldorado : on n’en est qu’aux études de physique fondamentale qui en ouvriront la route. Les recherches sont activement menées, et de temps à autre une expérience spectaculaire vient concrétiser beaucoup d’efforts obscurs et patients.


UTILISEE depuis plus de vingt ans dans la bombe H, la fusion thermonucléaire n’a encore jamais conduit à une production d’énergie "civile", et il est exclu qu’elle y conduise à court terme. On fonde pourtant beaucoup d’espoir sur elle pour le siècle prochain, et des études sont activement menées dans plusieurs laboratoires.


Deux voies différentes sont suivies.
La plus ancienne utilise de très puissants champs magnétiques pour confiner un plasma - un gaz porté à des températures bien supérieures au million de degrés - dans lequel se produiront les réactions de fusion entre noyaux atomiques. Pour qu’elles se produisent en nombre suffisant, il faut s’opposer à l’expansion du plasma pendant un temps de l’ordre de la seconde, ou de quelques dixièmes de seconde. On ne sait pas encore le faire, et des appareils de plus en plus coûteux sont construits dans ce but. Le projet JET (Joint European Torus), actuellement en souffrance, devrait permettre d’atteindre les temps de confinement recherchés.


Une seconde voie est plus nouvelle. Elle repose sur l’emploi de lasers pour comprimer et chauffer le matériau fusible, qui est un mélange de deutérium et de tritium. Les densités que l’on peut obtenir sont très supérieures à celles du plasma des réacteurs à confinement magnétique, et il en résulte que le temps de confinement peut être beaucoup plus court. Il s’exprime en picosecondes, c’est-à-dire en millionièmes de millionièmes de seconde.
Ce qu’on cherche à faire est finalement une microscopique bombe à hydrogène.


Dans celle-i, la fusion thermonucléaire est amorcée par l’explosion d’une bombe A - qui utilise la fission de l’uranium, - et les énergies mises en jeu sont telles qu’aucun appareil ne peut récupérer l’énergie produite. On n’utilise que la force destructrice. Le laser permet d’amorcer la fusion à des niveaux énergétiques beaucoup plus faibles, et l’on est maintenant certain qu’il permettra dans un avenir relativement proche une production d’énergie contrôlable - ce qui ne veut pas dire industriellement rentable.


Cette voie d’accès à la fusion contrôlée fut proposée dès 1963 par le Soviétique Basov, qui devait recevoir l’année suivante le prix Nobel de physique pour sa contribution à l’invention des lasers. Le professeur Basov fut aussi le premier, à la suite de travaux menés à l’institut Lebedev de Moscou, à observer en 1968 une émission de neutrons produits par la fusion d’un noyau de deutérium avec un noyau d’hélium et un neutron), prouvant ainsi que sa spéculation de 1963 était fondée.
Depuis, beaucoup d’équipes de recherches étudient la fusion par laser. Aux Etats-Unis, les principaux travaux sont faites au Lawrence Livermore Laboratory (L.L.L), en Californie, et à Los-Alamos, au Nouveau-Mexique. En U.R.S.S., deux groupes travaillent à l’Institut Lebedev. En France, la recherche des conditions de la fusion par laser est menée au centre d’études de Limeil, qui dépend de la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (C.E.A.). Ce centre a récemment mis en service le laser P 102, d’une puissance de 500 gigawatts 500 gigawatts égalent 500 milliards de watts, soit en gros la puissance de 500 centrales nucléaires. Mais cette puissance n’est délivrée que pendant une durée très brève (80 picosecondes), et l’énergie, produit du temps par la puissance, reste très modérée : elle ne ferait pas bouillir un dé à coudre d’eau froide. C’est cette modération des énergies mises en jeu qui donne l’espoir de contrôler la fusion.. En concentrant le faisceau laser sur une microscopique bulle de verre contenant du deutérium et du tritium, les chercheurs de Limeil ont observé l’émission de plusieurs millions de neutrons.


Une installation imposante


Le laser P 102 est en fait une installation imposante qui occupe une salle de plusieurs dizaines de mètres carrés. Le centre en est un cristal de YAG (grenat d’aluminium et d’yttrium) qui émet un très bref flash de lumière infra-rouge, de longueur d’onde 1,06 micron. Ce flash va suivre un trajet compliqué qui lui fait traverser plusieurs amplificateurs de lumière : ce sont des blocs de verre "dopés" avec du néodyme : éclairés par une source de lumière extérieure au moment même où le flash laser les traverse, ces blocs convertissent cette lumière en infrarouge qui vient renforcer le flash.
En fin de chaîne, on atteint ainsi la puissance de 500 gigawatts pendant 80 picosecondes. Il n’y a plus qu’à concentrer le faisceau, avec des lentilles spécialement étudiées, sur la minuscule bille de verre qui sert de cible.


Cette description sommaire est loin de rendre compte de la complexité de l’installation. Il y a toutes sortes d’appareils annexes sur le trajet du flash lumineux, pour éliminer toute lumière parasite, empêcher la lumière réfléchie par la cible de revenir en sens inverse, diviser en fin de chaîne le faisceau en deux, ce qui permettra d’éclairer la cible depuis deux directions opposées. Un détail qui indique les précisions nécessaires : après cette séparation, les deux branches du faisceau sont longues d’environ 15 mètres - et la différence de longueur entre elles ne doit pas excéder 3 millimètres.
L’ensemble de l’installation est climatisée pour éviter les dilatations qui dérégleraient tout l’appareillage, l’air est filtré pour que des poussières ne viennent pas diffuser la lumière, etc.


Quant à la cible, c’est une bille de verre de 80 microns de diamètre, bille creuse dont la paroi est épaisse d’un micron. Par diffusion à travers cette mince paroi, on la remplit d’un mélange de deutérium et de tritium.


On pourrait croire qu’il est difficile de fabriquer une telle bille. En fait, on la trouve, sinon chez n’importe quel quincaillier, du moins chez plusieurs fabricants spécialisés qui utilisent ces billes de verre comme isolants. La seule difficulté est qu’il faut tester un million de billes pour en trouver une qui ait les qualités requises.


Quand le flash infra-rouge vient frapper la bille, l’énorme énergie ainsi concentrée sur un petit point microscopique est en grande partie absorbée par le verre. Celui-ci est instantanément volatilisé et transformé en un plasma qui se dilate à une vitesse fantastique. La dilatation se fait aussi bien vers l’extérieur que vers l’intérieur, ce qui a pour effet de comprimer fortement le mélange gazeux contenu dans la bille. Sa densité devient supérieure à celle d’un solide, et l’échauffement dû à cette compression, ainsi que celui directement apporté par la lumière infra-rouge, porte la température centrale à des valeurs dépassant 10 millions de degrés.


Reste à observer ce qui se passe, pendant le temps infiniment court de 80 picosecondes : c’est le temps que met la lumière, à la vitesse de 300 000 kilomètres par seconde, pour parcourir 24 millimètres. La minuscule bille est littéralement bardée d’appareils de mesure. Il faut mesurer la puissance apportée par le laser, celle qui est réfléchie - cela donnera par soustraction la puissance absorbée. Il faut mesurer comment cette puissance varie pendant les 80 picosecondes pour voir si l’énergie est uniformément déposée dans la bille, mesurer la vitesse à laquelle le mélange fusible se contracte, évaluer par des méthodes forcément très indirectes la température à laquelle il est porté, déterminer le nombre et l’énergie des neutrons émis, et finalement faire un bilan énergétique global de l’expérience.


Il a fallu pour cela construire plusieurs appareils de mesure spécifiques : ainsi, deux minuscules appareils photographiques, dont l’objectif n’est qu’à quelques millimètres de la bille, enregistrent les rayons x produits par l’implosion : l’énergie de ces rayons x est une des indications qui permettent d’évaluer la température. Des caméras ultra-rapides suivent l’évolution de l’implosion. Plus sans doute que la puissance du laser, c’est la finesse des méthodes de détection qui permettra aux chercheurs de progresser.


Dans quelques mois, le centre de Limeil disposera d’un autre laser appelé OCTAL, ainsi nommé car il aura au total huit chaînes d’amplification, donc huit faisceaux qui viendront converger sur la cible. La puissance sera de 1 300 gigawatts et l’impulsion aura une durée variable entre 100 et 300 picosecondes. Avec les impulsions "longues", OCTAL apportera sur la cible dix fois plus d’énergie que ne le fait P102.


L’équipement de Limeil sera alors du même ordre que celui du L.L.L., qui est actuellement en tête de la course aux fortes puissances. Mais les Américains reprendront leurs distances l’année prochaine, quand ils mettront en service leur projet SHIVA, dont les vingt faisceaux devraient transporter chacun une puissance de 1 000 gigawatts.


Mais la puissance n’est qu’un des éléments de la réussite. Bien d’autres paramètres interviennent, comme la forme du flash lumineux. On sait qu’il est important de fournir peu d’énergie au début, pour comprimer la bille sans trop l’échauffer, et plus d’énergie à la fin, pour amorcer la fusion dans la zone comprimée. Mais cela doit être précisé, et il faut pour cela mieux connaître l’interaction du faisceau laser et de la matière.


Neuf équipes unissent leurs efforts


De telles études peuvent être faites auprès d’installations qui soient moins... d’extrême pointe.
C’est dans ce but qu’a été récemment constitué un GRECO. ce nom de peintre cache un Groupement de recherches coordonnées, structure administrative qui permet à plusieurs laboratoires de travailler dans une même voie en mettant en commun leurs moyens de recherche. Le GRECO "physique de l’implosion laser" réunit neuf équipes de chercheurs, parisiennes et provinciales.
Il y a des spécialistes des plasmas, expérimentateurs et théoriciens, des physiciens de la matière condensée, des chercheurs en physique atomique, des mathématiciens... Le C.N.R.S. leur a fourni un laser au néodyme, qui a été mis en service fin juin dans les locaux de la nouvelle Ecole polytechnique, à Palaiseau. Nettement moins puissant que ceux de Limeil, il est beaucoup plus "flexible". On peut faire varier la forme du flash, sa durée et sa puissance. Celle-ci étant plus faible, le laser peut "tirer" cent fois par jour, alors qu’à Limeil, pour des raisons de refroidissement, trois heures au moins doivent séparer chaque tir. Un doubleur de fréquence devrait venir compléter l’installation. Il permettra de simuler des types de lasers, qui sont actuellement trop limités en puissance pour être utilisables, mais pourraient constituer la solution de l’avenir.
Le GRECO a défini un large programme d’études, étendu sur plusieurs années, dont on attend, outre le perfectionnement des techniques expérimentales, des informations qui permettront de mieux orienter les futures recherches sur la fusion thermonucléaires contrôlée.


MAURICE ARVONNY.

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