Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
LE MONDE - 7 mai 1977 ....
Fondée sur une nouvelle méthode d’enrichissement de l’uranium
De notre envoyé spécial
Salzbourg. - Il y a deux façons de fabriquer une bombe atomique de type A.
En premier lieu, on peut utiliser du plutonium, ce qui explique la très mauvaise réputation qu’ont aujourd’hui les usines de retraitement, qui permettent notamment d’extraire ce plutonium du combustible " usé " dans une centrale électronucléaire. D’où les nombreuses pressions exercées par les Américains sur la France et l’ Allemagne fédérale pour que ces deux pays renoncent à vendre de telles usines, le premier au Pakistan le second au Brésil ; d’où aussi la décision qu’a annoncée, il y a un mois, le président Carter de renoncer à faire du retraitement à des fins civiles sur le sol Américain.
La seconde méthode utilise l’uranium tés fortement enrichi en son isotope 235 ; l’enrichissement doit dépasser 90 %, alors que l’uranium 235 n’est présent dans l’uranium naturel que dans la proportion d’environ 0,7 %. C’est la raison principale pour laquelle la France, qui n’était pas sûre de parvenir à se passer de cet uranium enrichi pour fabriquer " l’allumette atomique" de sa bombe H, a construit l’usine Pierrelatte.
Mais l’uranium enrichi ne sert pas qu’à fabriquer des bombes A à faible degré d’enrichissement. Il est avant tout utilisé comme combustible pour la grande majorité des centrales électronucléaires.
Toutes les techniques d’enrichissement connues à ce jour présentent plus ou moins des risques de prolifération. Qu’il s’agisse des nouvelles méthodes d’utra-centrifugation que viennent d’adopter les Américains, des méthodes aérodynamique (procédé allemand Becker, qui équipera l’usine que doit construire le Brésil, ou procédé Hélicon, très voisin, que les Sud-Africains vont également développer dans le domaine commercial), des méthodes utilisant le laser, toute souffrent d’une même " tare " ; moyennant des modifications mineures, elles peuvent permettre la fabrication d’uranium militaire. Et même les usines classiques de diffusion gazeuse n’échappent pas, dans une moindre mesure, à cet inconvénient.
c’est là qu’ intervient la nouveauté de la technique lise au point par la France ; pratiquement, une usine d’enrichissement de ce type ne peut pas, en raison même de la nature du procédé mis en oeuvre, être " détournée" de l’objectif civil qui préside à sa construction.
Cette particularité n’a pas de prix. Dorénavant, soulignent des membres de la délégation française à Salzbourg, l’hypocrisie ne devrait plus être de mise ; un pays qui désire s’équiper d’une usine d’enrichissement devra afficher clairement ses intentions. Et si une argumentation fondée sur des besoins prétendument civils cache une ambition militaire, ce pays ne pourra pas être intéressé par la nouvelle technique.
Les conséquence de la " révélation " française sont encore difficilement calculables. Elles dépendront en particulier, de la forme et de la portée de la coopération qu’entend proposer le gouvernement français. La construction, en France ou ailleurs, d’une usine pilote démontrant les performances commerciales du nouveau procédé sera sans doute une étape indispensable.
Après avoir été, peu ou prou, dominée par les récentes prises de position américaines dans le domaine de la lutte contre la prolifération, la conférence de Salzbourg va, sans aucun doute, prendre un tour nouveau. A l’heure où la situation nucléaire internationale parait plus ou moins bloquée, ou les Américains clament haut et fort leurs nouveaux principes - plus ou moins bien accueillis - où la plupart des autres pays restent sur leurs positions, la France offre une occasion de voir jusqu’où peut aller la volonté de coopération internationale que tous revendiquent.
Voici le texte du communiqué publié le 5 mai après la réunion à l’ Élisée du Conseil supérieur de politique nucléaire extérieur :
" Le conseil de politique nucléaire extérieure a examiné la politique nucléaire de la France à la lumière des recents développements internationaux. Il a confirmé les oriantations définies au cours des réunions des 11 octobre et 16 décembre qui marquent la détermination de la France de ne pas favoriser la prolifération des armes atomiques tout en conduisant une politique nucléaire indépendante, et en répondant aux besoins de fourniture d’énergie."
" M. Giraud, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique, a informé le Conseil que, à la suite de travaux effectués depuis quelques années, il a été mis au point par la France un nouveau procédé d’enrichissement de l’uranium qui a l’avantage de permettre la production d’uranium faiblement enrichi propre à l’alimentation des centrales nucléaires, sans pouvoir être utilisé en pratique pour celle d’uranium hautement enrichi employé pour les armes."
" L’administration générale du C.E.A. exposera à l’occasion de la conférence de Salzbourg, les conditions dans lesquelles ce procédé pourrait faire l’objet d’une coopération internationale. "
A la suite de la réunion du 11 octobre 1976 du Conseil de politique nucléaire extérieure, il a été précisé que " la France entend garder la maitrise de sa politique d’exportations nucléaires dans le respect de ses engagements internationaux en la matière, " mais qu’elle " ne favorise pas la prolifération de l’arme nucléaire ; dans sa politique d’exportations nucléaires, elle renfocera les dispositions et garanties appropriées dans le domaine des équipements, des matières et des technologies".
En application de ces principes, le Conseil du 16 décembre suivant décidait " de ne plus autoriser, jusqu’à nouvel ordre, la signature de contrats bilatéraux portant sur la vente à des pays tiers d’installations industrielles de retraitement de combustibles irradiés.
De notre envoyé spécial
Salzbourg. - Selon toute évidence, le procédé d’enrichissement mis au point par la France est un procédé dit " d’échanges chimiques " dont M. Frejaque, du Commissariat à l’énergie atomique, a donné les grandes lignes dans une communication qu’il a faite le 3 mai, à la conférence nucléaire de Salzbourg (le Monde du 5 mai). Ces techniques sont fondées sur un équilibre thermodynamique irreversible, dans un milieu liquide, et utilise les appareils courants dans l’industrie chimique, selon le chercheur français elles demandent " une technologie moins sophistiquée que les autres procédés de séparation isotopique connus " et sont " facilement indutrialisables en grande dimension "
Il y a plusieurs années que de telles méthodes sont étudiées en France et ailleurs. Jusqu’ici les solutions trouvées étaient pénalisées par de longs " délais d’attente" nécessaire avant que soit obtenu l’équilibre chimique permettant ensuite l’extraction de l’aluminium enrichi, et par l’immobilisation de grandes quantités d’uranium. La France aurait donc, s’il s’agit d’un procédé de cette famille ( M. frejaques a fait allusion à des recherches sur des composés spéciaux d’uranium dits "composés couronnes") trouve un moyen nouveau permettant de s’affranchir de ses handicaps.
Dans son intervention M. Frejaques a souligné que, du point de vue de la dissémination, les procédés d’échange chimique sont "très attractifs" comme il s’agit de procédés utilisant la phase liquide, on peu employer des appareils de grande dimension pour obtenir de l’uranium enrichi à 3 %, ce qui devient impossible si l’on cherche à obtenir de hauts degrés d’enrichissement (90 % ou plus) en raison des riques de réaction en chaine. Et " les temps d’équilibre nécessaires pour obtenir du 90 % sont rédhibitoires alors que ceux relatifs à une production d’uranium à 3 % peuvent être très acceptables " . La France mettra-t-elle cette nouvelle technique à la disposition des pays intéressés, sous forme par exemple, d’accords, de licence ? Proposera-t-elle aux partenaires éventuels la mise en place d’une organisation internationale avec prises de participation ( comme elle l’a fait pour la mise au point des usines d’enrichissement d’Eurodif ou de Coredif ?) Le propos de M. Giraud permettront, en principe d’y voir plus clair.
Ploumoguer (Finistère) : "Non à la centrale" - C’est à l’unanimité que le conseil municipal de Ploumoguer (Finistère) c’est prononcé contre le projet de construction sur le territoire de la commune d’une centrale nucléaire. Celle-ci nuirait à l’agriculture, à la pêche et au tourisme, actuellement en plein essor. La municipalité suggère que soit installée à Brest une centrale d’appoint non nucléaire et de puissance modérée pour couvrir les besoins de la région.
Les achitectes et l’ Europe. Les délégués des architectes de neuf pays membre de la Communauté européenne sont réunis à Paris, au siège de l’ UNESCO, pendant trois jours. Ils vont tenter de mettre au point un règlement permettant d’apliquer la reconnaissance mutuelle des diplômes d’architectes inscrite dans le traité de Rome. La disparité des études (elles durent trois ans et rend cette harmonisation difficile).
Il existe théoriquement un très grand nombre de procédés de séparation isotopique, il suffit de trouver un phénomène physique ou chimique qui ne joue pas exactement de la même manière sue les deux isotopes que l’on veut séparer. Dans le cas de l’uranium, les deux isotopes ont des masses très voisines ; 235 et 238. Les differeces de comportement sont donc toujours très faibles.
Un seul procédé est actuellement utilisé industrellement ; la diffusion gazeuse. Un composé gazeux de l’uranium (l’exafluorure) contenant les deux isotopes est contraint de traverser une barrière poreuse ( diffusion à travers la barrière). Les deux isotopes, qui n’ont pas tout à fait la même masse, traversent la barrière à des vitesses légèrement différentes.
Ce procédé doit être répété un grand nombre de fois pour obtenir une teneur de plus en plus élevée en uranium 235 fissile. Dans les usines civiles, on ne pousse pas la séparation jusqu’au bout. Les opérations sont arrêtées quand la teneur en uranium 235 est d’environ 3 %. Pour les besoins militaires, au contraire, le procédé est répété un plus grand nombre de fois jusqu’à l’obtention d’uranium 235 presque pur. Des usines de séparation isotopiques de ce type existent aux États-Unis, en URSS et en France.
L’ultracentrifugation, qui consiste à faire tourner rapidement un composé gazeux de l’uranium. Les molécules les plus lourdes (contenant l’uranium 238) sont envoyées vers l’extérieur, l’uranium 235 restant plus près du centre. Cette méthode existe à l’état de prototype industriel en Grande-Bretagne et aux Pays-bas (avec l’assistance de l’Allemagne fédérale). Le président Carter l’a recommandée pour l’avenir aux États-Unis.
L’emploi de tuyères. Un flux gazeux de composé d’uranium est forcé de se déplacer au voisinage d’une paroi courbe. Le composé lourd (uranium 238) suit une trajectoire moins courbe. Il est donc possible de le séparer de l’uranium 235. Ce procédé est utilisé par l’ Afrique du Sud (et s’appuie sur des techniques allemande). L’ Afrique du Sud est assez avancée pour annoncer la commercialisation d’uranium enrichi par ce procédé dans les années 80.
Bien d’autres systèmes sont envisageables. Rappelons celui qui a été utilisé par les Américains pour produire leur première bombe atomique. L’uranium 235 était séparé de l’uranium 238, atome par atome ; dans un spectographe de masse spécial (calution).
Le laser est actuellement mis à contribution par de nombreux chercheurs dans ce domaine. Certains veulent utiliser la pression de radiation. D’autres lonisent avec faisceau laser de fréquence bien précise uniquement l’un des deux iqotopes. Il suffit alors de séparer atomes neutres et atomes ionisées, ce qui est très facile.
Certains font appel à de réactions chimiques ou à des mises en solution qui se font à des vitesses légèrement différentes pour les deux isotopes. des chercheurs ont préconisé l’emploi de résines échangeuses d’ions.
Pour autant qu’on le sache, tous ces procédés sont au stade du labotatoire. Il ne suffit pas qu’une méthode permette effectivement de séparer les isotopes, il faut qu’elle le fasse dans des conditions satisfaisantes, c’est-à-dire économiques. Seul un prototype industriel à gande échelle permet de s’en assurer.
Le procédé annoncé par la France aurait l’avantage non seulement d’être cmpétitif par rapport aux autres, mais de ne l’être que pour de faibles enrichissements. Ce qui limite les risques de prolifération. -
J-L L
l’ensemble des projets français
Au nom de la fédération française des sociétés de protection de la nature, Me Christian Huglo avocat à Paris a engagé depuis le 8 mars dernier, vingt-six recours devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’ État contre les centrales nucléaires en construction ou en projet dans l’ hexagone, c’est-à-dire l’ensemble du programme nucléaire national.
Devant le Conseil d’ État, la F.F.S.P.N. demande la suspension des travaux sur treize sites : Bugey, Creys-Malville, Cruss, Tricasti, Dampierre-en-Burly, Saint-Laurent-des-Eaux, Chinon, Le Pellerin, Flamanville, Paluel, Gravelines, Fessenheim et Braud-et-Saint-Louis. Motif : la non parution du décret d’application de l’article 2 de la loi de protection de la nature.
Cet article prévoit que l’enquète publique ouverte à l’occasion de tout grand projet d’aménagement doit comporter une étude d’inpact sur l’environnement. La non-parution du décret organisant cette étude dix mois après le vote unanime du parlement équivaut, selon la F.F.S.P.N., à un refus du gouvernement d’appliquer la loi. La F.F.S.P.N. demande donc que l’on arrête les travaux jusqu’à ce que l’ E.D.F. ait fait les études demandées.
Devant les tribunaux administratifs de Lyon, Orléans, nantes, Caen, Rouen, Lille, Strasbourg et Bordeaux, la F.F.S.P.N. a introduit treize autres recours concernant les mêmes sites. La F.F.S.P.N., qu’in situ, la loi de protection de la nature (et en particulier l’étude d’inpact), peur et doit recevoir un début d’application même en l’absence de décret d’application.
D’autre part, dans un communiqué, le Mouvement écologique et Paris-Écologie répondent aux déclaration de M. Georges Séguy qui, lor de sa visite au chantier, de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly, avait parlé des "campagnes utopiques des écologistes" (Le Monde du 2 mai).
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" les utopistes, décalrent les écologistes, sont ceux qui crient pouvoir, au nom de l’économie, outrepasser les lois vitales de la physique, de la chimie et de la biologie, ceux qui sacrifient la vie au profit ou à des concepts matérialistes, l’avenir au court terme, l’homme à l’argent." Selon les écologistes, " la déclaraton de M. Séguy montre à l’évidence l’incapacité des formations traditionnelles de gauche comme de droite à résoudre les problèmes vitaux de notre époque et cela parce qu’elles refusent d’intégrer les données les plus récentes de la biologie et sacrifient le plus élémentaire bon sens à de théories héritées du dix-neuvième siècle."
La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) est arrêtée pour au moins quatre semaines - la partie nucléaire n’est pas en cause ; un incident survenu à une turbine electrique est responsable de la cessation de la production d’électricité. Ce réacteur avait divergé le 7 mars dernier.
...LEMONDE - 7 mai 1977
aux pays en voie de développement
devrait être l’une de nos principales tâches
nous déclare M. Sigvard Eklund
De notre envoyé spécial
Salzbourg. - Il ne faut pas réduire le traité de non prolifération (T.N.P.) à son seul aspect de contrôle, c’est ce qu’indique M. Sigvard Eklund (Suède), directeur général de l’ Agence international de l’énergie atomique (agence de Vienne) dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder à l’occasion de la conférence internationale sur l’énergie nucléaire et son cycle du combustible réunie à Salzbourg jusqu’au 13 mai. M. Sigvard Eklund estime en outre que si les membres du club des fournisseurs de technologie nucléaire ( Club de Londres) ont agi, jusqu’à présent, dans l’esprit du T.N.P., il convient qu’ils n’aillent pas "trop loin" dans la définition de règles destinées à lutter contre la prolifération des armes nucléaires.
" L’ Agence internationale de l’énergie atomique a été mise en place pour remplir une double mission, nous rappelle d’abord M. Sigvard Eklund, qui est depuis 1961, directeur général de l’ A.I.E.A. ; d’une part, prévenir par des mesures de contrôle appropriées l’utilisation à des fins militaires des techniques nucléaires civiles : d’autre part, promouvoir l’utilisation de cette énergie.
" le système de garanties de l’ Agence, s’est considérablement développé depuis cingt ans : il s’est tout d’abord apliqué aux réacteurs de recherches et a vu progressivement son champ d’action s’élargir aux centrales électro-nucléaires comme aux instalations d’enrichissement et de retraitement."
- Pensez-vous que l’ Agence ait réellement les moyens - humains et finaciers notamment d’exercer un contrôle approprié ?
L’ Agence n’a jamais souffert de quelque limitation que ce soit dans ce domaine. Et je voudrais rappeler que notre rôle ne peut pas être d’empêcher le détournement à des fins militaires des techniques ou de matériaux néxessaire au développement de l’activité nucléaire pacifique. Le système de contrôle joue avant tout un rôle de détection.
- On vient de rendre public la disparition, en 1968, de 200 tonnes d’uranium. Le contrôlr de l’ Agence ne devrait-il pas s’étendre, par exemple, au transport de l’uranium lui-même ?
C’est un sujet sue lequel l’ Agence a déjà beaucoup travaillé : nous avons publié deux recommendations dans ce domaine et en préparons un trosième. Cela dit, de telles questions relèvent avant tout de la compétence des États.
Certains pays n’ont pas ratifié le traité de non-prolifération et ont néanmoins des activités nucléaires. Le Club de Londres a réalisé un travail très positif en définissant les circonstances pour lesquelles les contrôles de l’ Agence devraient s’appliquer.
" Jusqu’à présent les règles définies par le Club de Londres sont tout à fait en accord evec l’esprit du T.N.P. Et je n’ai jamais considéré qu’il nous faisait concurence. Mais il ne faudrait pas que les membres de cette organisation aillent trop loin. Il ne faut pas disperser les efforts. La situation pourrait être différente si, par exmple, les membres du Club s’avisaient de vouloir interdire le retraitement.
- Que pensez-vous de la proposition américaine d’un programme international d’évaluation des différentes solutions envisageables dans le domaine du cycle du combustible ? L’ Agence n’aurait-elle pas un rôle à jouer ?
Nous avons déjà, à la demande de États, conduit des études sur des sujets tels que la mise en place de centres régionaux de retraitement. Il s’agit maintenant de passer à des décisions politiques.
" Il a fallu trente-cinq ans de recherches attentives et des dizaine de milliards de dollars pour arriver à la situation actuelle où la contribution de l’énergie nucléaire dans le monde ne dépasse pas celle de l’hydro-électricité. L’utilisation de thorium pourrait demander un travail encore considérable avant qu’elle ne puisse atteidre un stade industriel et commercial."
" Si nous n’avons jamais eu de problème financier pour l’application des contrôles, nous n’avons cessé, au contraire, de souffrir d’une isuffisance de moyens pour remplir notre rôle d’assistance technique, particulièrement auprès des pays en voie de développement, alors que ce devrait être, aux termes de l’article 4 du T.N.P., l’une de nos principales tâches
" Je pense que le T.N.P. comme le système de contrôle de l’ Agence ont été des succés remarquables : c’est la première fois que des pays acceptaient de se défaire d’une partie de leur souveraineté nationale au profit d’une autorité internationale. Le T.N.P., n’est pas idéal : il crée une certaine discrimination entre les États ; c’est néanmoins ce que qu’on pouvait réaliser de mieux à l’époque."
" Mais il ne faut pas réduire le T.N.P. à son seul aspect de contrôle : il convient maintenant de mettre en oeuvre le T.N.P. tel qu’il est écrit, notamment dans ses articles 4 (assistance au développement de l’énergie nucléaure civile), 5 (explosions nucléaires à des fins civiles) 6 (limitation des armements stratégiques) : bien peu de progrès ont été réalisés jusqu’à présent dans ce domaine."
propos recueillis par
Nous avon reçu la lettre suivante de M. Pierre Wyart, administrateur délégué de l’ OPEN (Organisation des producteurs d’énergie nucléaires) :
L’article du Monde du 27 avril 1977 " Super-Phénix : un Concorde nucléaire ? ", de M. Jean-Louis Lavallard, me parait exagérément pessimiste et ne pas refléter exactemet la situation en Europe et en France de l’énergie nucléaire.
Cette situation n’est pas du tout celle du transport aérien où un constructeur américain bénéficie d’une superiorité écrasante dans un marché constitué d’un grand nombre de clients d’importance relativement modeste.
En effet :
1) La puissance nucléaire installée en Europe dépassera celle de États-Unis dés 1980. Elle représentera alors 40 % de la puissance nucléaire mondiale.
2) L’ Europe dispose sur son propre sol des techniques, des usines et des matières premières nécessaire pour réaliser ce programme, à l’exception de l’uranium naturel.
3) Elle tient une place honorable dans la production mondiale de cet uranium, et la perspective du développement des surrégénérateurs tels que Super-Phénix devrait permettre d’éviter une hausse exagérée du prix de cette matière première en en réduisant les besoins dans la proportion de 50 à 1.
4) Le prix de l’énergie nucléaire est constitué presque uniquement par du travail européen et compte tenu des progrès techniques et de la disparition des craintes irrationnelles qui l’entourent, cette énergie ne pourra qu’améliorer sa compétitivité dés maintenant assurée.
5) L’ effort entrepris dans la construction des centrales nucléaires va commencer à porter ses fruits dans la prochaine décennie et, s’appuyant sur une expérience prudement acquise sur le terrain depuis une quinzaine d’années, les services publics d’électricité vont accroitre leur puissance nucléaire, installée à l’allure d’un doublement tous les trois ans.
Cet effort gigantesque s’est étendu au cycle du combustible :
Dans le domaine de l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse (Eurodif, Coredif) ou par centrifugation (Urenco), où les États-Unis, pratiquement seuls fournisseurs actuellement encore, se montrent hésitants pour leur développement, tandis que l’ Europe produira l’équivalent de ses besoins en 1983.
Dans le domaine du retraitement des combustibles usés des réacteurs à eau légère , où la France est entrée en 1976 dans le stade industriel, tandis que les États-Unis envisagent de s’installer dans le formidable gaspillage que sera le stockage des combustibles non retraités.
6) L’ Europe représente ainsi un marché d’une importance duffisante pour justifier la construction des installations industrielles du cycle de combustible, et elle a pris conscience à temps de la nécessité de laes réaliser en commun. Cela est dû d’abord à la claivoyance de certaines personalités et également au fait que les clients du cycle du combustible sont des sociétés d’électricité puissantes, habituées aux programmes d’investissements à long terme at aux aléas économiques qu’ils comportent, ayant pris conscience depuis longtemps de l’intérêt qu’elles ont à travailler en commun sur un réseau de transport d’énergie à haute tension entièrement interconnecté.
Cela a favorisé en particulier la naissance, dés 1973 et avant la crise du pétrole, de l’ Organisation des producteurs d’énergie nucléaire, qui regroupe les électriciens de L’ Allemagne fédérale, de l’ Autriche, de la Belgique, de l’ Esoagne, de la France, de l’ Italie et de la Suisse, pays d’ Europe - et ce n’est pas un hazard - qui dépendent le plus de l’énergie fossile importée. Le total de leur production nucléaire va passer de 55 % de celle de l’ Europe entière en 1975, à 75 % en 1980 et 85 % en 1985.
Aussi peut-on espérer que la politique européenne, dont la naissance parait si difficile dans le domaine de l’énergie fossile, où elle se heurte à des intérets puissants divergents, pourra aisément s’instaurer, pour autant que les mêmes intérets ne rencontrent pas assez de complaisances pour empêcher la croissance de leur jeune concurrente.
En conclusion, avec M. Jean-Louis Lavallard, je dirai que " les surrégénérateurs s’imposeront donc un jour " et j’ajouterai... aux États-Unis. Et il n’y a aucune raison que l’ Europe, qui n’a pas comme eux les moyens (et peut-être la necessité ?) d’attendre, ne tire pasparti au plus tôt de l’avance qu’elle a prise dans ce domaine.
LE MONDE - 7 mai 1977 ...
" LE MARCHÉ DU SIÈCLE "
De notre correspondante.
Copenhague. - Le ninistère danois de la défense a signé, mercredi 4 mai, le contrat définitif portant sur l’achat des cinquante-huit avions F-16 commandés par le Danemark à la firme américaine Général Dynamics. Il n’y a donc pas eu, comme on le croyait généralement, de cérémonie commune aux quatre pays européens pour couronner ce " marché du siècle ", puisque le Norvégiens ont signé de leur côté lundi 2, et les Néerlandais mardi 3 mai. La signature de la Belgique est intervenue le jeudi 5 mai.
Que le gouvernement de Copenhague se soit décider à sauter aussi rapidement ce pas, presque en catimini, après avoir laissé entendre tout récemment encore qu’il tréférait attendre quelques semaines de plus, n’aura pas manqué de surprendre l’opinion danoise, qui a eu nettement, ces temps-ci, l’impression que les principaux éléments de cette affaire lui étaient cachés. cette impression s’est dégagés, en particulier, du fameux débat parlementaire exigé in extremis à ce propos par certains députés. Vite expédié en moins d’une heure et demie, le débat a évité la discusson de fond et les députés se sont contentés de prendre bonne note des explications du ministre de la défense", M. Orla Moeller.
Ces explications, pourtant, paraissaien faittes pour parer à quelques critiques :
L’augmentation des prix initialement fixés ? Il fallait tenir compte de l’inflation et des modifications nécessaires pour adapter les appareils aux besoins. Le coût du programme F-16 a, en effet, considérablement augmenté en moins de deux ans.
Les compensations ? Oui, actuellement, elles ne dépassent pas 36 %. Mais le Danemark ne désespère pas d’obtenir davantage à la fin de l’année. Les Américains, d’ailleurs, avaient promis 58 % aux quatre acheteurs réunis. Si les belges et le Néerlandais ont dépassé ce chiffre, il est donc normal que le Danemark ait moins, selon M. Moeller.
La presse de Copenhague a révélé que, déjà, une première traite de 60 millions de couronnes à payer (environ 50 millions de francs) aurait été envoyée au gouvernement danois par General Dynamics, qui n’entend sans doute pas ajourner cet encaissement.
Nombre de députés semblent ignorer les termes exacts des contrats et , s’il faut en croire le journal indépendant Information (issu de la Résistance), plusieurs parlementaires se seraient plaints, en 1975, d’avoir presque été mis en l’occurence devant un fait accompli : " Nous avons eu, auraient-ils dit, un temps minimum pour étudier le dossier. L’ Eurogroupe avait fait son choix. Nous n’avions qu’à l’entériner "
Bruxelles (A.F.P.). - Les services de l’ OTAN, à Bruxelles, ont publié mercredi 4 mai, pour la première fois, des tableaux comparatifs des forces de l’ Est et de l’ Ouest. Leur conclusion confirme une déclaration faite le 6 décembre par l’amiral Hill-Norton, à l’époque le plus haut responsable militaire atlantique, selon laquelle " la tendance actuelle va indiscutablement contre les intérêts de l’ OTAN "
Un officier de l’organisation allié a déclaré : " il y a entre l’ Est et l’ Oues une parité nucléaire au sens trè large. les pays du pacte de Varsovie consacrent des sommes énormes à l’amélioration de leurs forces. (...) Ils ont également un potentiel de guerre chimique d’une supériorité alarmante. Le déséquilibre militaire général, au désavantage de l’ OTAN, est dû essentiellement au fait que leurs capacités classiques croissent plus rapidement que les capacités occidentales.
Dans le domaine nucléaire, les pays de l’ Europe de l’ Est sont arrivés à une parité stratégique alors que, dix ans plus tôt, les États-Unis bénéficiaient d’une supériorité écrasante. Les pays du pacte de Varsovie possèdent 1 500 missiles intercontinentaux (contre 1 050 à l’ Ouest), 880 missiles balistiques basés sur sous-marins (contre 720 pour l’ OTAN), soit un total de 2 360 contre 1 774. Les pays de l’ OTAN compensent cet écart par un nombre supérieur de bombardiers à long rayon d’action (plus de 10 000 kilomètres) : 387 contre 140. mais ces chiffres a précisé l’officier, ne tiennent compte ni du vieillissement des B-52 américains, qui constituent le gros de la flotte aèrienne des États-Unis, ni du système de défense aérienne soviétique, ni, enfin, du bombardier soviétique Backfire, que le pacte de Varsovie ne range pas dans la catégorie des intercontinentaux, mais qui peut être ravitaillé en vol et intervenir dans toute la zone de l’ OTAN, États-Unis compris. Ces chiffres ne font pas non plus de distinction entre missiles à charge simple ou à charges multiples (MIRV).
En ce qui concerne les armes nucléaires tactiques, l’officier n’a pas donné de chiffres, estimant que toute précision dévoilerait des secrets trop appréciés des services de renseignements adverses. Il a affirmé que l’OTAN était apte à faire face à une escalade et que les Soviétiques sont en mesure de lancer une offensive nucléaire massive s’ils le désirent.
Dans le domaine classique, l’ OTAN entretient en Europe un nombre de soldats inférieur d’un tiers environ à celui du pacte de varsovie ; en nombre de divisions telles que chaque camp les conçoit, 67 contre 90, abstraction faites de degrés divers de préparation. ( Aux négociations de Vienne sur une réduction des forces, l’ OTAN a déclaré entretenir 770 000 hommes et estimé à 925 000 hommes les effectifs opposés.)
Ici non plus, a indiqué le porte-parole, il n’est pas tenu compte des capacités de rendorcés massivement les troupes du front dans un délai raisonable (4 semaines). En cas de conflit, l’ OTAN ne pourrait adjoindre aux effectifs actuels en Europe que 4 divisions (troupes américaines, canadiennes et Britaniques) alors que l’ Union soviétique pourrait, en mobilisant les troupes les plus éloignés, doubler les effectifs en place.
Le nombre des chars est de 23 000 pour le pacte de Varsovie contre 11 000 pour l’ OTAN, mais cette supériorité du simple au double passe parfois, selon les emplacements, de un à trois. Le nombre des avions de combat ets de 6 800 pour l’ OTAN contre 11 000 pour le pacte de Varsovie. L’OTAN mise beaucoup sur la qualité de ses appareils Tornado et F-16 qui entreront prochainement en service, mais redoute la capacité du pacte de Varsovie de lancer des attaques aériennes à très basse altitude. C’est la raison pour laquelle l’ Organisation souhaite se doter d’un système de radars volants.
L’ OTAN aligne 430 bateaux de guerre contre 220 pour le pacte de Varsovie, mais l’armada de sous-marins adverses impressionne particulièrement les militaires alliés. Le pacte de Varsovie dispose de 320 sous-marins (dont 142 nucléaires) contre 238 pour l’ OTAN (dont 122 nucléaires). On peur s’attendre, estime-t-on à Bruxelles, que la flotte soviétique décroitra en nombre ces prochaines années, au fur et à mesure du vieillissement des bâtiments. " Le programme naval soviétique - a déclaré le représentant de l’ OTAN - montre que la situation tend à se stabiliser".
L’officier a également rappelé que l’ Union soviétique consacre 13 % de son produit national brut à la défense contre 3,8 % pour l’ Europe de l’ Ouest.
Le ministre français de la défense, M. Yvon Bourges, a le jeudi 5 et 6 mai, passé deux jours, en République fédérale d’ Allemegne, où il a eu des entretiens evec son homologue oues-allemand. M. Georg Leber, sur la coopération des deux pays en matière de fabrication d’armements - (A.F.P.)
La compagnie américaine Branif International a annoncé l’achat de quatre moyen-courriers triréacteurs Boeing-727, ce qui porte à quatre-vingt-quatre le nombre de ces avions commandés depuis le début de l’année. En trois jours (le Monde du 6 mai), la société américaine Boeing a vendu trente et un Boeing-727 à trois compagnies differentes.
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