Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Refére Janvier 77
Lors du dernier Conseil central de l’O.L.P. à Damas, Yasser Arafat s’est donc efforcé de préparer son organisation à l’idée de la négociation et de la création d’un mini État palestinien, en échange d’une reconnaissance d’Israël. Déjà, des discussions difficiles sont menées au sein de la centrale des fedayin pour mettre sur pied un gouvernement provisoire, éventuel interlocuteur d’une négociation. Déjà aussi, des ballons d’essai sont lancés en direction d’Israël, suivant des voies plus ou moins directes. Au cours de l’été dernier, notamment, un émissaire du président de l’O.L.P., le docteur Issam Sertawi, a rencontré à plusieurs reprises, dans la capitale française, le général israélien Mattityahu Peled et plusieurs personnalités du comité pour la paix entre Israël et la Palestine. Ces échanges, très positifs aux dires mêmes des intéressés, ont été rapportés au Premier minstre, Itzhak Rabin. Le chef du gouvernement israélien, tout en refusant de les prendre en compte dans le moment présent, a souhaité que ces entrevue se poursuivent.
C’est qu’à Jérusalem, de nombreux dirigeants ont conscience de l’évolution de la politique américaine et craignent que les pressions se multiplient sur l’État israélien pour le contraindre à accepter un compromis. Par ailleurs, si de récents sondages témoignent qu’un tiers de la population est aujourd’hui favorable à des discussions avec les Palestiniens, l’opposition religieuse et extrémiste demeure encore très vigoureuse, qui se refuse à toute concession. La marge de manoeuvre du gouvernement israélien reste donc, elle aussi, très étroite d’autant qu’en Cisjordanie l’agitation va sans cesse grandissante. Des élections anticipées auront lieu au printemps prochain en Israël et le cabinet démissionnaire de M. Rabin, délivré à la suite de la crise gouvernementale de trois ministres "religieux", cherchera peut-être à développer des contacts préalables et indirects avec l’O.L.P.
Le risque est grand, en effet, tant pour Jérusalem que pour l’O.L.P., de se voir imposer finalement, au-delà des avatars qui peuvent encore surgir au cours des prochains mois ou des prochaines années, un compromis américain qui ne donnera satisfaction à aucune des parties et instaurera définitivement la présence américaine au Proche-Orient.
Une telle solution serait néfaste pour la région. Par-delà la Méditerranée, elle nuirait à toute entreprise de transition au socialisme dans nos propres pays, s’il est vrai que l’Europe, par son midi, est inscrite dans cet espace méditerranéen. Pour avoir, trop longtemps, ignoré la réalité palestinienne, pour avoir trop longtemps aussi, encouragé l’aveuglement du parti travailliste israélien, la gauche européenne, particulièrement les partis socialistes, auront alors leur part de responsabilité dans l’avènement de ce compromis américain.
Un compromis est nécessaire, certes. Indispensable. Mais jamais il n’a été plus urgent d’aider les principaux intéressés à gagner de vitesse ceux qui veulent leur imposer de l’extérieur les formes de l’entente et à trouver ensemble et par eux-mêmes les modalités d’un voisinage paisible qui garantisse leur commune indépendance et celle du Proche-Orient.
D’aucuns se sont demandés, après les décisions de Quatar
pas. Mais, si cette organisation n’est pas morte, elle n’existe plus en tant que centre de décision autonome. Son office accompli, elle s’éteindra doucement dans l’enlisement, vidée de tout contenu contestataire pour le plus grand profit de l’impérialisme américain. Cette évolution, inscrite dans l’ambiguïté des composantes qui avaient permis sa création, était perceptible avant Quatar. Il suffisait de suivre la résistible montée en puissance de l’Arabie Saoudite et de voir évoluer comme à la parade le Cheikh Yamani pour s’interroger. Quatar a fourni la réponse.
Mais pour suivre le déroulement de l’intrigue sur ce théâtre d’ombres peut-être n’est-il pas inutile de revenir en arrière. L’OPEP est en effet une construction contradictoire et par-là éphémère qui a fait brutalement irruption sur la scène mondiale au lendemain de la guerre israélo-arabe d’octobre 1973, moment de dramatisation qui a permis d’imposer le quadruplement du prix du brut. Mais si les pays arabes, auxquels se sont joints les principaux producteurs du Tiers monde, ont pu, dans le climat de crise aiguë de l’époque, forcer l’événement, c’est parce qu’ils s’appuyaient sur deux forces décisives : les revendications nationales des pays concernés et l’agrément tacite des "majors", c’est-à-dire des grands groupes pétroliers anglo-saxons
Ayant compris la force des aspirations nationales du Tiers monde l’impérialisme a choisi de composer et de canaliser le mouvement, plutôt que de s’y opposer sans nuances. D’où les concessions apparentes (nationalisations acceptées par exemple) qui lui permettent de dédouaner politiquement les éléments les plus modérés des bourgeoisies locales et de les inclure dans la logique du marché, c’est-à-dire aussi de les piéger. Certes le jeu présente des risques : il est patent que le relèvement de décembre 1973 était largement supérieur au niveau souhaité (à l’époque $7 le baril, chiffre qui permettait la rentabilisation du pétrole off shore et de l’énergie nucléaire). Mais la récession de 1974/1975 a clairement montré qu’ayant en fait réussi à conserver le monopole de la commercialisation, les "majors" avaient, déjà alors, regagné une partie du terrain perdu.
Composant ainsi avec l’inévitable, le pouvoir américain atteignait accessoirement trois objectifs politiques non négligeables : en premier lieu il faisait éclater le Tiers monde, en rejetant dans le "quart monde" les pays les plus déshérités. Ensuite, il rabaissait ces vassaux européens (ceux qui n’ont pas de matières premières) et japonais, en leur faisant mieux sentir son poids et la nécessité de son alliance. Enfin, transformant le Moyen-Orient en "nouvelle frontière" il parvenait à en exclure largement l’Union Soviétique, incapable de fournir la technologie industrielle nécessaire.
Mais le jeu américain n’est pas, à l’intérieur de l’OPEP, la seule source de crise. Cartel de producteurs particulièrement vulnérables (compte tenu de l’écart entre prix de revient et prix de vente - et de ses variations considérables - l’OPEP, qui recouvre les réalités politiques aussi hétérogènes que l’Algérie et l’Iran ne peut survivre politiquement qu’à travers une action commune. Le ciment unitaire de juin 1973 ne pouvait résister à la longue aux divergences d’intérêt apparemment irréconciliables que par la vertu d’un projet politique unifiant. A l’évidence, un tel projet n’existe pas et n’a pas existé. Si l’on laisse de côté les outrances verbales et les volte-face spectaculaires qui ont singulièrement affaibli l’influence extérieure du régime Kadafi, seule l’Algérie semble avoir fait une timide tentative d’élargissement des objectifs politiques de l’OPEP, tentative assez vite abandonnée devant les faits. D’une certaine façon, les pays progressistes, laissant le devant de la scène à l’Arabie Saoudite et à l’Iran, se sont fait piéger. Ils paraissent maintenant cautionner par leur présence une unité factice qui joue en fait un rôle modérateur.
Cette constatation ne minimise en aucune façon l’acquit : un bouleversement drastique des termes de l’échange et une accélération décisive des capacités de développement des pays pétroliers non industrialisés. En ce qui concerne plus particulièrement les pays arabes, la capacité des différents régimes à assumer un développement qui s’identifie actuellement aux revendications conjuguées des bourgeoisies et des classes populaires est probablement aujourd’hui l’élément politique décisif des équilibres internes. Fondant leur assise politique sur une orientation bourgeoise nationaliste il est difficile aux plus peuplés d’entre eux de refuser maintenant le jeu du marché mondial. D’autant qu’ayant longuement anticipé les rentrées futures, les finances d’Etats comme l’Iran, l’Irak ou l’Algérie sont lourdement obérées. Ceci les rend particulièrement vulnérables à la pression de l’Arabie Saoudite qui a les moyens d’augmenter sensiblement des expéditions à leur détriment, alors qu’il leur est pratiquement très difficile d’accepter un tel état de chose. D’une certaine façon, là aussi un piège s’est refermé.
Le Shah a essuyé à Quatar une défaite certaine. Aux yeux de tous, il vient d’être désavoué par ses protecteurs américains. La proximité de l’Union Soviétique lui interdit de penser à un renversement d’alliances qui d’ailleurs ne résoudrait pas ses problèmes économiques. Son régime repose sur un mélange de terreur policière et d’espérance de développement économique, comme cela en a été le cas pour celui de Franco. Pour durer, il doit convaincre sa propre bourgeoisie qu’il est capable de sortir l’Iran de son sous-développement tout en matant le peuple. Or la manne pétrolière ne donne pas les résultats escomptés : incompétence, gabegie, conception et infrastructure insuffisantes créent une énorme déperdition d’énergie. Si maintenant les pouvoirs américains lui signifient sans nuance qu’il convient qu’il reste à sa place, sa situation devient pour le moins problématique. En tout cas la reprise en main américaine est nette. Elle l’est d’autant plus que l’Union Soviétique est curieusement absente du débat. Faut-il en conclure qu’absorbée par ses problèmes internes, obsédée par la Chine, inquiète pour l’Europe Orientale, l’Union Soviétique a renoncé volontairement à jouer un rôle au Moyen-Orient ? Après son mutisme dans l’affaire du Liban, l’impression se confirme que, privilégiant avant toute chose le péril chinois, l’Union Soviétique a accepté, en échange de ce retrait volontaire, un renforcement de ses positions en Inde. Ce serait Yalta revu et corrigé.
La redistribution du jeu politique que Quatar manifeste ne manquera pas de marquer la future conférence de Genève sur le Moyen-Orient. Là encore les Etats-Unis risquent d’apparaître comme l’arbitre supérieur, faisant alternativement pression sur le camp arabe (notamment les Palestiniens et l’Arabie Saoudite) et sur Israël, selon des techniques maintenant éprouvées.
Dans ce panorama international la conférence Nord-Sud
Mesurer la courbe infléchie d’une action de type "nationaliste", celle qui privilégie les intérêts des bourgeoisies ou des appareils d’Etat conformément à un modèle étroitement "occidental" et "industrialiste" ne conduit pas forcément au désespoir. Mais, cela mérite, à notre avis, une réflexion sur son dépassement.
Sans renoncer aux conférences planétaires sur le désarmement, la sécurité ou les matières premières, force est de constater que le mouvement progressiste ne peut y jouer qu’un rôle défensif.
Il faut donc accomplir, établir entre pays progressistes avec le réalisme et la prudence nécessaires, des relations qui échappent à la loi du marché, voilà le sens dans lequel il faut travailler.
Mais, alors que se sont organisées une internationale des consommateurs et une internationale des producteurs de pétrole, comment ne pas s’interroger sur la carence de toute action socialiste internationale ? Son absence m^me justifie probablement l’existence des premières. Là encore, l’initiative ne serait pas inutile.
L’accomplissement du Traité de Rome, la poursuite, ou plus exactement la relance de la construction européenne - est-il vraiment le seul objet, ou même le principal objectif de ceux qui, à droite ou à gauche, se font dans les circonstances actuelles les protagonistes ou les zélateurs de l’élection de l’Assemblée des communautés européennes au suffrage universel ? Ne s’attachent-ils pas justement à minimiser la portée de cette réforme, qui ne serait pas de nature à augmenter, selon eux, le rôle et les compétences des institutions européennes ?
Mais de deux choses l’une : ou bien l’argument, manifestement tactique, est aussi fallacieux, et ne saurait désarmer l’opposition de ceux qui, socialistes, communistes ou gaullistes, n’acceptent pas le risque d’un transfert subreptice de souveraineté qui compromettrait encore davantage et à leur insu la liberté des Français (doit-on rappeler que cette liberté sera sans doute celle de mettre en oeuvre le programme commun de gouvernement) ou bien l’argument étant avéré, l’élection de l’Assemblée des communautés resterait sans conséquences sérieuse pour l’Europe.
Nous savons pourtant que sa simple évocation suffit à diviser les Français, sinon la France. Et c’est le président de la République française qui en a pris, il y a plus d’un an, l’initiative. En d’autres termes, lancée à un moment où la crise de l’énergie et la crise du système monétaire international venaient de démontrer la double et conjointe incapacité des pays d’Europe à rapprocher leur politique en l’éloignant de celle des Etats-Unis, et lancée au nom de la France, c’est-à-dire du pays d’Europe le plus divisé par elle, cette proposition peut-elle être prise pour autre chose qu’une manoeuvre de politique intérieure de M. Giscard d’Estaing ? Il est vrai que les vicissitudes de la vie politique ont contraint le président de la République à restreindre son champ de manoeuvre. L’instinct de la conservation le plus élémentaire l’amène à réduire la grande randonnée d’un référendum, qu’il avait sans doute envisagée, à un tour de manège parlementaire. Mais il s’agit toujours du même cheval : diviser la gauche en émondant au passage sa propre majorité des gaullistes les plus incommodes (disons plus simplement des vestiges du gaullisme qui lui restait encore).
Dans un congrès extraordinaire réuni à Bagnolet en décembre 1973, le Parti Socialiste a rappelé qu’il ne saurait être question, pour le peuple français, de sus-
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