Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
LE MONDE - 4 janvier 1977 - page 15
L’ INDUSTRIE pétrolière, ce n’ est pas une mais quatre activités distinctes : l’ extraction, le transport par tanker ou pipe-line, le raffinage et la distribution aux consommateurs des sous-produits qui résultent des raisons pour lesquelles le pétrole est devenu une arme politique aussi puissante réside dans le fait que les pays qui le produisent ne sont généralement pas ceux qui le consomment.
Le tableau n° 1 montre les statistiques de chaque pays. Les découvertes en mer du Nord risquent de changer les perspectives. Le premier baril de pétrole britannique n’ a toutefois pas été exploité avant octobre-novembre 1975 et la production des pays européens n’ a pas dépassé, l’ année dernière, 2% de leurs besoins.
Pour l’ homme de la rue, pétrole signifie essence. Dans les pays d’ Europe occidentale, pourtant, un cinquième seulement de tout le pétrole est consommé sous forme d’ essence. Un tiers est utilisé comme mazout ; un autre tiers comme gaz ou carburant pour les moteurs diesel, et le reste de multiples autres manières.
Depuis la guerre, les pays européens, qui s’ attendaient à une augmentation de la demande de produits chimiques, ont construit des raffineries. Entre 1973 et 1975, la consommation est tombée de 11%, ce qui n’ a pas empêché de continuer à s’ équiper en raffineries. Celle-ci ont, du même coup, vu leur activité baisser, passant de 85% de leur capacité en 1973 à 60%. La consommation est aujourd’hui remontée. Mais le désir qu’ ont les pays de l’ OPEP de raffiner leur propre production pourrait créer un autre problème. Le Royaume-Uni, bien que producteur potentiel, a ralenti le rythme de construction de ses raffineries ; sa capacité a même légèrement baissé l’ an dernier. Elle semble aujourd’hui cependant capable à la fois de répondre à un accroissement immédiat de la demande intérieure et de faire de la Grande-Bretagne un exportateur net de produits pétroliers. L’ Italie et la France pourraient, si tel est l’ avenir, rester suréquipées. Toutes les grandes compagnies pétrolières sont présentes dans chacune des industries de base (production, raffinage, distribution), mais il n’ y a pas d’ équilibre entre ces trois activités.
B.P. dispose de plus de pétrole qu’ elle ne peut en raffiner et en distribuer. L’ année dernière, la moitié de ses ventes s’ est opérée en brut. Si l’ on ajoute au gisement des Forties, en mer du Nord, actuellement en exploitation, ceux qui ne le sont pas encore, et surtout la future production de l’ Alaska, les surplus de la compagnie sont encore plus considérables. Mais ce pétrole de l’ Alaska servira en fait à prendre le contrôle de la Standard Oil Company de l’ Ohio (Sohio).
Comme celle-ci utilise 17,5 millions de tonnes par an, et que l’ on estime à 30 millions la future production de l’ Alaska, B.P. continuera ainsi à vendre la moitié de son pétrole sous forme de brut, à moins que l’ exploitation des puits du Moyen-Orient ne soit réduite.
La groupe Royal Dutch Shell, à 60% hollandais et 40% britannique, est, quant à lui, plus spécialisé dans le raffinage et la distribution. En 1975 il a acheté environ 100 millions de tonnes de brut. Il disposait déjà, du fait de ses accords de production et de participation, de 140 millions de tonnes, et ses contrats de livraison de brut fixaient à 112 millions de tonnes ses achats nets.
Le groupe français Total (Compagnie française des pétroles) - dont l’ Etat détient 35% - est la seconde société pétrolière des pays d’ Europe. Mais il dispose de plus de ressources qu’ il n’ a de débouchés.
En France et en Italie, les sociétés nationalisées Elf Aquitaine et ENI (AGIP) se différencient des autres non seulement par leur taille, mais par leur activité de raffinage relativement importante. Elles sont aussi plutôt des acheteuses que des pourvoyeuses de pétrole brut.
En dépit de l’ encouragement du gouvernement allemand, qui a conduit Veba a acquérir Geisenberg, cette société conserve une place relativement modeste dans l’ industrie pétrolière. Deminex, filiale non consolidée, a cependant des intérêts dans le pétrole de la mer du Nord. Autre filiale non consolidée : la chaîne Aral.
Le tableau n° 3 établit des comparaisons entre les ventes des compagnies. Pris comme un tout, le groupe Royal Dutch Shell est le plus important, mais si l’ on ne prend en considération que les 40% détenus par la Shell Transport and Trading comme représentatifs de la part européenne de la société, alors B.P. prédomine.
Veba a, évidement, beaucoup d’ autres activités qui n’ ont rien à voir avec le pétrole et des plus grands producteurs d’ électricité, exploite des mines et fabrique du verre. Bien que la moins importante des sociétés pétrolières que nous étudions, l’ ensemble de son chiffre d’ affaires la place juste avant Total.
Les pressions qui s’ exercent sur l’ industrie pétrolière ont poussé les sociétés, qui savent que leurs réserves ne sont pas inépuisables, à diversifier leurs activités. On a d’ abord pensé à développer l’ industrie chimique. C’ est Shell qui, dans ce domaine, a le mieux réussi. Elle en tire aujourd’hui 10% de son chiffre d’ affaires et plus encore de ses bénéfices. De même a-t-elle utilisé ses connaissances géologiques pour l’ extraction de divers minerais et du charbon.
L’ ENI aussi a diversifié ses activités. En 1974, un huitième de ses ventes provenaient de la fabrication de produits chimiques et de ciment. Une augmentation de 5% a été enregistrée, due à d’ autres activités non pétrolières, dont le textile et l’ engineering.
A l’ exception de Veba, les trois autres groupes sont moins diversifiés, BP, qui s’ était déjà tourné vers la chimie, utilise ses connaissances en matière de production de protéines, sur le marché des aliments du bétail. En 1975, toutefois, 5% seulement de ses ventes provenaient de cette activité.
Elf Aquitaine s’ est davantage encore que Total éloigné du pétrole. A la pétrochimie, Elf ajoute les produits pharmaceutiques, les articles de toilette et les matériaux de construction. Mais le pétrole et le gaz naturel représentent encore 90% de ses activités.
La dernière colonne du tableau montre les ventes par employé. Les variations qu’ on peut y lire reflètent une plus grande diversification des activités, la part de la commercialisation du pétrole brut et la relative efficacité des compagnies.
Source ; Revue des statistiques de l’ industrie pétrolière mondiale de B.P. - 1975.
Pour la première fois depuis plus de 10 ans, les investissements directs des Américains en Europe ont été plus faibles que leurs investissements dans le reste du monde en 1975. Cette évolution s’ est confirmé en 1976. Elle est due en partie aux fluctuations de la conjoncture, mais pas en totalité.
Pendant la période de haute activité de 1972-1973, les entreprises américaines ont été plus fortement que jamais incitées à développer leurs implantations dans les pays européens ou à en acquérir de nouvelles. C’ est ainsi que, d’ après les statistiques du ministère américain du commerce, les investissements directs d’ Outre-Atlantique se sont accrus de 14,6% globalement en 1973 et de 20% pour la seule Europe. Le freinage consécutif à la récession de 1974-1975 n’ en a été que plus brutal. Les investissements américains en Europe n’ ont augmenté que de 11,2% en 1975 face à un taux de croissance global de 12,1% (ces taux tiennent compte de la hausse des prix).
Pour les Etats-Unis, l’ Europe de l’ Ouest demeure l’ un des secteurs-clés du monde, celui où s’ effectue plus du tiers de l’ ensemble de leurs investissements étrangers, à savoir, d’ après les statistiques les plus récentes, 37,3% des 133 milliards de dollars d’ investissements directs calculés en fonction du capital social des filiales étrangères et des crédits mis à leur disposition par les sociétés-mères. Par rapport à celle de l’ Europe, la part du Canada ressortit à 23,4%, celle de l’ Amérique latine à 16,7%, et celle de l’ ensemble des autres pays en voie de développement à 9,5%, le reste étant à mettre au compte du Japon.
Pour leur part, les Européens viennent en tête des étrangers qui investissent aux Etats-Unis. Sur les quelque 27 milliards de dollars d’ investissements directs effectués à fin 1975 par les pays étrangers outre-Atlantique, 61,8% provenaient d’ entreprises européennes.
Outre les effets de plus en plus marqués des fluctuations de la conjoncture, une divergence dans l’ évolution des entreprises américaines est apparue de plus en plus nettement au cours de ces dernières années ; plus particulièrement entre celles qui sont implantées en Europe depuis bien avant la deuxième guerre mondiale et celles qui ont franchi l’ Atlantique dans le courant des années 60, et même au commencement des années 70. Alors que les premières - y compris celles qui ont eu à souffrir des fluctuations de la conjoncture - poursuivaient avec constance leur développement, on a pu constater chez la plupart des secondes (nouvelles venues) un net freinage des investissements, voire une évolution régressive conduisant dans certains cas à la disparition de filiales européennes.
Un important changement s’ est produit - principalement en Europe - durant la seconde moitié des années 60, et il a atteint son plein effet à partir de 1972. Depuis cette date, les filiales et succursales d’ entreprises américaines financent, en effet, leurs investissements moins par des capitaux en provenance des Etats-Unis que par des capitaux dont elles peuvent disposer dans les pays où elles sont implantées. A l’ origine, elles ont utilisé des crédits empruntés sur place, auxquels se sont substitués peu à peu les bénéfices réalisés dans une mesure toujours croissante, et dont elles ont employé la plus grosse part au développement de leurs actifs immobilises.
locaux
Depuis 1972, les capitaux que les filiales de sociétés américaines prélèvent sur leurs propres bénéfices pour financer leurs investissements sont proportionnellement plus importants que ceux qu’ elles reçoivent de leurs sociétés mères dans le même but. Depuis 1973, ceci est également valable pour les filiales implantées en Europe.
Des 6,56 milliards de dollars auxquels se sont élevés en 1973 les investissements directs américains en Europe, 3,51 milliards ont émergé des bénéfices réalisés sur place. Pour 1975, le montant a été de 2,53 milliards pour un volume global d’ investissements nouveaux de 4,84 milliards.
Ce retournement de tendance n’ est pas uniquement dû à la croissance des résultats des installations implantées à l’ étranger. Il a également pour origine la diminution des transferts de capitaux américains à la suite de la dépréciation et du passage du dollar à un régime de taux de changes flottants.
Par ailleurs, la rapide croissance des salaires en Europe s’ est traduire par une moindre propension à investir dans cette partie du monde. Enfin, la détérioration après le boom de 1972-1973, ainsi que les difficultés économiques et politiques croissantes de plusieurs pays pays d’ Europe, ont joué un rôle décisif.
Ce renversement de tendance consistant à limiter, votre même à supprimer les transferts de capitaux originaires des Etats-Unis et à n’ entreprendre de nouveaux investissements qu’ à partir des résultats de filiales et succursales étrangères, n’ a pas été permis à l’ un des secteurs économiques les plus importants : celui de l’ industrie pétrolière d’ où proviennent 23% de l’ ensemble des investissements directs américains. D’ abord parce que les résultats d’ exploitation européens des filiales de groupes pétroliers américains se sont tellement détériorés par suite de la hausse des prix du pétrole brut que celles-ci ne sont plus en mesure d’ assurer elles-mêmes le financement de leurs nouveaux investissements. Ensuite, parce que le secteur tout entier se voit contraint de centrer dans une large mesure ses programmes d’ investissement sur l’ Europe. L’ exploitation des gisements de la mer du Nord constitue un composant si essentiel de sa stratégie pour les années à venir qu’ il ne peut se permettre de réduire ses investissements dans cette région.
Les firmes américaines seront d’ autant plus disposées à investir en Europe que la situation conjoncturelle du continent se consolidera. A cet égard, des signes sont déjà visibles en Allemagne fédérale. Dans ce pays, les investissements des sociétés américaines ont porté, au cours du premier semestre 1976, sur 426 millions de DM, soit les deux tiers des investissements totaux de 1975 qui avaient atteint 623 millions de DM.
Il est cependant à craindre que le renversement de tendance de ces dernières années ne se poursuive. Il faut s’ attendre à une diminution des créations de nouvelles entreprises en Europe, et à ce que les sociétés américaines établies sur le Vieux Continent y financent leurs investissements dans une mesure croissante à partir de leurs bénéfices locaux.
Source : Survey of Current Business, V. 56, n° S United States Departement of Commerce.
|
||
Plan du site |