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N-25-066 - NOTES - Classeur N - Fonds d'archives Baulin

N-25-066

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  • Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.

  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.
















Y avait-il un paramètre politique dans l’attitude de M. Henri Konan Bedié ?
Celui-ci faisait-il barrage aux projets et aux investisseurs étrangers pour plaire à Paris et prouver que l’étiquette de pro-américain qu’on lui collait était imméritée ?
Diawara et un autre ministre ivoirien le croyaient. Moi aussi. Et l’affaire du don de blé canadien (1) qui tournera à l’épreuve de force devait apporter la preuve que Konan Bédié était pleinement conscient de la nécessité de ménager les intérêts économiques et politiques de la France, s’il voulait accéder au pouvoir suprême. Il est regrettable qu’il s’y soit pris de façon maladroite, qu’il ait cherché à faire coup double,c’est-à-dire ménager Paris et sauver sa mise. A mon détriment.


De quoi s’agit-il ?


En 1967-68, le Canada est en pleine mutation. Le moule anglais se brise. Les francophones du Quebec se réveillent. Le général de Gaulle semble opter pour un Trudeau, accéde au pouvoir. Il est pleinement conscientque le maintien de l’unité du pays passe par l’octroi aux Québecois des droits égaux dans tous les domaines. Dernier élément essentiel d’analysé, le Canada, pays jeune, faisait preuve d’une grande générosité envers les pays sous-développés du Commonwealth.


Dans ce contexte, le problème se réduisait à un dilemme. Fallait-il passer outre aux réticences et objections de Paris et essayer d’exploiter ce filon ? Ou biense priver d’une source de financement pour ménager certains milieux français se réclament, de plus, dans ce cas particulier, du général de Gaulle ?


(1) - "Conseiller du Président Diori" , Eurafor Press - 1986 -P. 59


Hamani Diori n’hésitera pas et optera pour une collaboration des plus avantageuses pour son pays. Houphouët- Boigny, qui m’avait chargé pourtant de la "diversification des parteneires économiques de la Côte-d’Ivoire" , se contaonnera dans une réserve prudente : pour lui, l’enjeu au Nigeria (2) est autrement important, il a besoin du soutien entier du lobby biafrais de Paris pour atteindre son objectif. Konan Bédié, d’ordinaire si vigilant, fera fausse route avant de revenir dans le droit chemin.


Les échanges de lettres et de telex qui ont entouré le don de blé canadien illustrent bien les positions des protagonistes et surtout celle de M. Konan Bédié.


Par lettre recommandée datée du 24 septembre 1968, j’avertis le Président de la possibilité d’obtenir, à travers un lobby de Montréal, du blé panifiable pour le Niger et la C^ôte d’Ivoire et l’informe de l’ "accord du ministre Bédié lors de mon dernier passage à Abidjan ". Aucune réaction.


Le 1er novembre, dans une lettre recommandée adressée à Konan Bédié, je lui rappelle d’abord qu’il m’avait "demandé de poursuivre les contacts pour avoir une idée exacte des conditions." de l’ octroi du don et termine en précisant qu’ "il faudrait d’ailleurs que je transmette tout le dossier à vos services car mon rôle de mise en contact est près de s’achever".


Le 28 novembre, à la demande expresse de Bédié, je lui envoie un long telex dans lequel je relève que " le don de blé canadien (est) négocié depuis septembre dernier conformément à vos instructions ". Je précise ensuite qu’il y a deux conditions, à savoir


(2) - cf " La politique africaine d’Houphoët-Boigny" - Eurafor Press, 3° °dition - pp.87 - 126


la prise en charge par la Côte d’Ivoire du fret et des honoraires du lobby.


Ce même jour, je reçois à 19 heures, telex "très urgent" du ministre de l’économie et des finances dont voici le texte intégral :


TELEX NUMERO 209 DU 28 NOVEMBRE 1968


ATTENTION M. OUBET BAULIN


SUITE RELATIF A DON GOUVERNEMENT CANADIEN DE 15.000 TONNES DE BLÉ A RÉPUBLIQUE COTE D’IVOIRE, AVEC POSSIBILITÉ DOUBLER CETTE OPÉRATION SUR BUDGET 1968, HONNEUR VOUS PRIER DONNER A TITRE OFFICIEUX MON ACCORD SUR CONDITIONS REALISATION - STOP - MON ACCORD DEFINITIF SERA DONNE SITOT QUE LE GOUVERNEMENT CANADIEN M’AURA NOTIFIE SA DECISION PAR TOUTE VOIE OFFICIELLE APPROPRIE.


CONSIDERATION DISTINGUEE


KONAN BEDIE


TERMINER BIEN RECU ?? OK BIEN RECU M OUBET N EST PAS LA POUR LE MOMENT MAIS JEVVAIS LE LUI REMETTRE DES QU IL VIENDRA


TERMINER ?


OUI c est tres urgent SVP MERCI ET BIBIOK MERCI BIBI
MNIFIN ABIDJAN
CDI PARIS


Jen déduis , sans grand mérite, que le ministre est d’accord sur les conditions du don et que l’affaure des "très urgent ". A ce stade, je pense que le don est matérialisé, que mes alarmes étaient infondées et qu’à Abidjan, comme à Niamey, l’affaire est considérée sous son angle économique et non politique.


Le 2 décembre, j’écris au président Houphouët-Boigny pour l’informer que le don de 15.000 tonnes de blé "s’est matérialisé et que le chargement du bateau est sur le point de commencer" . Toujours pas de réactions.


Le 3,tout est remis en question par Konan Bédié qui semble prendre conscience du contenu politique du don de blé. Il regrette sans doute son telex du 28 novembre. Il cherche à renverser la vapeur. Bédié insiste pour obtenir une notification officielle du don par le gouvernement canadien, alors qu’un navire canadien, chargé en hâte pour échapper aux glaces de Saint-Laurant, de 18.705 tonnes de blé canadien vogue vers Abidjan.


Le 4 décembre, " la notification officielle" du gouvernement canadien arrive sous la forme d’un communiqué repris par une dépêche de l’Agence France Presse le lendemain. C’est l’annonce, par M. Mitchell Sharp, secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, que "le Canada a consenti, dans le cadre de son aide alimentaire un don de 20.000 tonnes de blé au Niger, et de 15.000 tonnes à la Côte d’Ivoire".


Le problème lancinant n’est donc toujours pas résolu.


Comment refuser un cadeau ?


ce même jour, M. Paul Martin, celui-là même qui accompagnait le général de Gaulle lors de sa visite du Québec, est à Abidjan. Il a déjà confirmé le don de blé. M.Bédié lui annonce qu’il refuse le don, à moins qu’il ne soit totalement gratuit, sans couverture de fret et des honoraires. L’enjeu est de type politique et le représentant duCanadan’allait pas abondonner un objectif politique pour quelques dizaines de milliers de dollars. Hélas. M. Martin a accepté le marché qu’on lui proposait.


Le 4 décembre, M. Mai Mai Gana, proche collaborateur du pésident Diori, me téléphone à Paris pour m’informer du départ, le lendemain , du président nigérien pour Abidjan, et de son désir que le rejoigne là-bas. Je refuse en disant que je n’irai pas à Abidjan sans invitation d’Houphouët. Il insiste. Je refuse. Le lendemain, le président Diori me téléphone pour me dire que son ivoirien me convoque à Abidjan.


Le 6 décembre, en présence des deux chefs d’Etat réunis à la villa du Palais à Abidjan, j’expose les données du problème, et exhibe en particulier, à l’appui de mes dires, l’original de mon telex spécifiant les deux conditions attachées à l’octroi du blé et l’original du telex du Bédié donnant son accord. Le président Houphouët-Boigny est - je l’affirme - sidéré. Bédié, de peur sans doute de déplaire et au Président et à Paris , ne l’avait certainement pas averti de l’existance de son telex. Celui-ci, par son existence même, politise toute l’affaire. Car comment expliquer le refus d’un don de blé port et tous frais payés, après l’avoir demandé et avoir même accepter d’en payer et le fret et les honoraires.


Le soir mëme, le Président Diori m’informe que son collègue ivoirien me recevra le lendemain matin à sa villa de Cocody, à 8h 30.


Le soir même après-midi, le Président Houphouët-Boigny nous réunit, Bédié et moi, à sa villa Cocody : c’est la confrontation. Bédié nie et affirme : "Je n’ai rien signé". Je lui fais remarquer qu’un telex original vaut largement une signature. Le Président garde le silence puis se retire.


Pendant deux heures, en tête à tête d’abord, puis en présence de Bédié, on tourne autour du pot. Bédié dit : " Je n’ai rien signé". Je lui fais remarquer qu’un original de telex vaut largement une signature. Le Président Houphouët est gêné.


Le 7 au soir, nouvelle entrevue. Mais l’impasse subsiste car il ne s’agit ni de fret, ni de frais ou honoraires, mais de politique. Je pars pour Paris dans la soirée.


Le 8 décembre, pour la seconde fois en moins de trois semaines, je pars pour Ottawa à la demande expresse du président Diori. Il me demande de recevoir les dirigeants canadiens, de leur expliquer ce qui s’est passé pour le blé, car, me précise t-il, "il ne faut pas que les belles perspectives qui s’offraient à nous s’assombrissent"


Si le président Houphouët agissait dans le contexte biafrais, le président Diori, heureusement, était la puissance invitante pour la Conférence de la Francophonie. D’où la flexibilité des autorités d’Ottawa prêtes à beaucoup de concessions pour amadouer le Président de la République du Niger. En tout cas, le 9 décembre, au soir, les Canadiens connaissent à peu près les données du problème, même si j’ai essayé d’arrondir les angles en ce quiconcerne la Côte d’Ivoire.


Le 10 décembre, Abidjan en est réduit à prétendre que les silos des Grands Moulins d’Abidjan sont pleins à ras bord. Quarante huit heures plus tard, je reçois un telex de Konan Bédié me demandant de ne "plus intervenir dans les opération concernant un don de blé canadien à la Côte d’Ivoire que le gouvernement ivoirien règlera directement".



Le même jour, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire publie un communiqué certifiant que la Côte d’Ivoire " n’a aucun moment, demandé du blé à qui que ce soit... (et) ne peut (donc) l’accepter ".


Le 14, une dépêche AFP annonce d’Abidjan que " la Côte d’Ivoire ne prendra pas livraison du don de 15.000 tonnes de blé au Canada". La dépêche relève encore que "la bonne foi du gouvernement canadien a sans doute été surprise par des personnes - dont on ne précise pas l’ identité - qui n’ étaient absolument pas mandatées pour prendre contact avec lui à ce sujet". Donc, delon " les milieux autorisés " d’Abidjan, le gouvernement ivorien me désavoue.


Ce même 14 décembre, à 10.000 Km de là, M. Trudeau prend ma défende à la Chambre des Communes d’ Ottawa et affirme que " l’envoi de blé avait été sollicité par un représentant dûment accrédité de la Côte d’Ivoire et du Niger ". Et il ajoute : " si la Côte d’Ivoire maintient son refus, d’autres pays africains seront certainement très heureux de recevoir ce blé " (1).


Le 20 décembre, je serai obligé de repartir pour le Canada . . .


A l’ issue de mes discussions avec Houphouët, puis avec celui-ci et Bédié, je déjeune avec Mai Mai Gana. Son diagnostic est clair : " il veut Diawara ". Je lui lis les deux textes présentés aux deux chefs d’ Etat la veille et lui fais le récit des événements.


(1) - Un député canadien présent durant cette séance me dire que le Premier Ministre avait fait preuve d’une sérénité absolue durant sa déclaration et que le sourire n’ avait jamais quitté ses lèvres.


Au plan financier, me dit-il, la position de Bédié est incompréhensible, car sa trésorerie est à sec et il n’ a pas d’ argent pour deux semaines d’ avance. Il a emprunté des Eurodollars à 9 %, ajoute t-il, pour construire son Palais des Finances qui va lui coûter plus d’ un milliard de francs CFA. Il en déduit implicitement, sans en dire davantage, qu’ il doit y avoir d’autres données.


Usher Assouan, le ministre des Affaires Etrangères, lui, me demande de lui transmettre l’ ensemble du dossier. Ce sera fait avec une lettre récapitulative daté du 17 janvier 1969. Il me dira ; bien plus tard, qu’ il regrettait " l’attitude de son collègue " .


Ce don sera bénéfique au Niger au double plan financier au politique, puisqu’ il rapportera quelque 300 millions de FCFA et relèvera le prestige du président Diori en Afrique comme en Europe et en Amérique du Nord. Il aura prouvé que les intérêts de son pays primaient toute autre considération.

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