Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
1° . Sa carrière
Je suppose qu’il a commencé celle-ci comme minotier au Maroc, puis une idée des colons français du Maroc fut, pour vendre leur blé, de créer, vers 1936, un moulin à Dakar. Il avait obtenu l’autorisation de créer ce moulin, ainsi qu’une concession portuaire, dans l’enceinte du port de Dakar à la veille de la guerre. C’est en 1952 seulement qu’a démarré l’installation des Grands Moulins de Dakar. Malheureusement, à cette époque, le Maroc devenait déficitaire en blé, et les grands Moulins de Dakar durent utiliser des blés importés d’Amérique du Sud. Les mêmes navires utilisés pour amener du blé d’Amérique du Sud exportaient ensuite des arachides sur la France. Actuellement les Grands Moulins de Dakar tournent avec du blé français, et sont largement producteurs et exportateurs. Monsieur Mimran possède un moulin à Agadir, possédait un moulin à Rabat qu’il avait vendu au gouvernement du Maroc. En 1959, il lançait les Grands Moulins d’Abidjan, qui produisaient à cette époque 30.000 tonnes de farine par an, qui en produisent actuellement 60.000, et dont la capacité va être portée incessamment à 80.000 tonnes. Puis ont été crées successivement les Grands Moulins du Tchad, à Fort-Lamy, et toute une chaîne de boulangeries industrielles, depuis le port de Pointe-Noire jusqu’à Bobodioulasso en Haute-Volta, en passant par Brazzaville, Bangui, Fort-Lamy, Port-Gentil. Monsieur Mimran projète actuellement de créer des Grands Moulins à Tamatave. Simultanément, il est devenu forestier en Côte d’Ivoire, pour donner un fret de retour aux batiments apportant du blé aux Grands Moulins d’Abidjan. Armateur, propriétaire de la société Méditerranéenne de Transports, animateur de la Compagnie Forestière de l’Indiéné, qui va investir 2.210.000.000 de CFA en Côte d’Ivoire pour des scieries, usines de déroulage, tranchage, fabrication de panneaux en laine de bois, il lance actuellement un gigantesque projet de mise en valeur de la forêt malgache pour lequel ont déjà été investis 1.122.000.000 de Francs malgaches, depuis mars 1964, dont 369.000.000 de francs malgaches de salaires pour le personnel forestier. Il s’agit d’une entreprise employant 1200 malgaches plus une quarantaine d’européens autour de la baie d’Antongilles, destinée à exporter sur l’Europe, l’Afrique du Sud et la RFA ; plus une importante quantité de boissiers sur les usines Mimran de Valence, et sur un autre ensemble industriel, qui doit par M Mimran dans l’enceinte de l’ancien camp américain de la Rochelle racheté par ses soins, en somme qui fera toutes les fabrications intéressant le bois, jusqu’aux maisons individuelles.
En échange de l’exploitation de la forêt malgache jugée extrêmement coûteuse sur le plan investissement par lui, Mr Mimran a obtenu, en contre-partie, notamment pour équilibrer le fret retour d’Europe sur Madagascar, la création d’un moulin
à Tamatave qui tournera avec du blé français ; l’installation d’une usine de clinkers à Tamatave aussi a eu la contribution de fonds de la Communauté Economique Européenne et celle toujours dans l’enceinte du port de Tamatave, qui lui donnerait un monopole de fait de la distribution des vins à l’intérieur de la république malgache. Aucune exploitation forestière n’est possible sans cet équilibre de fret, selon Mr Mimran, mais en contre-partie de ces installations, les cimenteries existant déjà à Port-Berger dans la région de Majunga, doivent cesser prochainement leur exploitation. C’est du moins ce que Mr Mimran exige du gouvernement malgache. Ce projet se heurte non seulement à l’hostilité des milieux d’opposition qui craignent des répercussions sur l’ensemble des circuits de vente et de distribution, mais aussi au sein même du parti social démocrate, parti gouvernemental, et à celles des milieux capitalistes locaux implantés depuis de longues années, notamment les 4 grandes compagnies, la Rochefortaise, la Lyonnaise, la Marseillaise et l’Emirne. Ces 4 grandes compagnies ne toucheront en effet plus rien pour les farines, ciments et vins, alors qu’elles contrôlent actuellement totalement la distribution de ces produits.
En ce qui concerne la livraison de blé canadien à la Côte d’Ivoire, je cite :
"Félix Houphouet-Boigny a refusé le bateau de blé canadien et c’est fort heureux. Il a simplement accepté le bateau du Niger."
question : Mais n’est-ce pas au détriment des populations sous-développées des deux Etats d’Afrique Occidentale ?
réponse : non, seuls les échanges orientés vers la France garantissent notre stabilité à nous, investisseurs français.
question : mais il ne s’agit pas d’échanges
réponse : c’est du blé gratuit, d’accord. Mais on lèse l’agriculteur français. Nous sommes, nous, Grands Moulins d’Abidjan, contraints de moudre ce grain, de le vendre en Côte d’Ivoire et de donner l’argent au Niger. C’est absolument abusif. Il s’agit au surplus de blé Manitoba 4, exclusivement destiné à l’alimentation du bétail et impropre à la consommation humaine. D’autre part, les tonnages octroyés au Niger, 19.000 tonnes, représentent en fait 10 ans de la consommation actuelle du Niger. C’est une affaire sordide dans laquelle un français a touché 110.000 dollars.
question : Ne risquait-on pas de mécontenter les autorités canadiennes ?
réponse : absolument pas. Il s’agit d’un subterfuge. C’est un don gratuit, théoriquement, mais en fait un billet pour s’introduire et s’implanter définitivement sur le marché des farines en Côte d’Ivoire.
question : mais encore une fois, les intérêts des populations ivoirienne et nigérienne ?
réponse : il n’en n’est pas question. Tous ces pays sont soutenus à bout de bras par la CEE et la France et le minimum que l’on puisse exiger d’eux, c’est tout de même d’acheter les produits français en surproduction.
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