Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
La visite officielle du Président Diori Hamani en Grande Bretagne a eu certains aspects inusités. Tout d’ abord le programme n’ a pas été respecté. Ainsi, dès le lendemain de son arrivée à Londres, le secrétaire du Foreigh Office, M. Michael Stewart, demandait à être reçu par le Chef d’État nigérien et avait avec lui un long entretien que rien ne laissait prévoir. Ensuite le déjeuner offert par la Reine et le Duc d’Edimbourg se prolongeait bien au-delà du minutage préétabli et les discussions portaient sur des sujets eux aussi non prévus. Enfin, le dîner offert par le Premier Ministre Harold Wilson se prolongeait par un tête à tête de plus d’ une heure. Last but not least, la presse réservait au Président Diori Hamani un accueil exceptionnellement chaleureux, du moins suivant les normes anglaises.
C’ est cet ensemble de faits qui amenait certains observateurs non-officiels et journalistes de Londres à parler de " succès sans précédents ". Pourquoi ? Parce qu’à Londres, comme le relevait le " Financial Times ", on voulait connaître l’ homme " dont le rôle en Afrique durant ces dernières années a été sans commune mesure avec la richesse et l’ influence de son pays".
Le grand quotidien londonien indiquait encore deux autres raisons de l’ intérêt particulier soulevé par cette visite, en relevant :
" Diori Hamani est probablement l’ homme qui a été le plus proche du succès dans ses efforts de médiation dans la crise nigériane. Et peut-être plus significatif encore est son rôle de porte-parole, en Europe et dans le monde des 18 États Africains et Malgache Associés à la Communauté Européenne. En septembre dernier, il a visité les six capitales européennes, exposant, sans se lasser, la situation des Associés..."
Le " Times ", de son côté, le présentait comme un " partisan résolu de la politique nigériane de M. Wilson" et rapportait l’ opinion du Président Diori sur la responsabilité de la presse dans la complication du problème biafrais.
Quant à l’ organe conservateur " Daily Telegraph ", violemment hostile au gouvernement de M. Harold Wilson, il consacrait au Président de la République du Niger un article fort élogieux sous le titre : " La sagesse politique, richesse du Niger ". Son auteur, M. Llewellyn Chanter, écrivait :
" Selon toutes les normes connues, le Niger est l’ un des pays les plus pauvres du continent africain et, selon toutes les normes connues, il a la plus grande richesse politique en la personnalité et la clairvoyance de son Président...
" En politique africaine, il a toujours été considéré comme l’ un des plus modérés et aussi des plus résolus... Personne dans tout le continent, ne parle avec tant d ’ autorité au nom de tant d’ Africains... Il fut le seul leader africain a pouvoir organiser, à Niamey, une rencontre entre le Général Gowon et le Colonel Ojukwu, quoiqu’elle ait, hélas ! avorté...
" De tous les Chefs d’ État africains, avec l’ exception peut-être de l’ Empereur Haîlé Sélassié, le Président Diori Hamani pourrait fort bien être le seul leader capable de mettre sur pied une entente anglo-française en Afrique."
Dans la revue spécialisée " West Africa ", M. Whiteman rapporte son entrevue avec le Président, "homme aimable, accessible et franc ". Il écrit :
" Le Président Diori Hamani déplore les rivalités entre les puissances ex-coloniales et désire que les divergences entre la France et la Grande- Bretagne ne se répercutent pas en Afrique. Lui-même s’ est déclaré ouvertement partisan de l’ entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun, parce que cela aurait un effet favorable sur la coopération en Afrique."
Le journaliste, passant ensuite au problème du Nigéria, écrit, à propos du séjour à Niamey de Gowon et d’ Ojukwu, en juillet de l’ année dernière :
" Le Président a tenu à préciser que ce séjour avait pu être mis sur pied avec l’ aide de mes amis les présidents Houphouêt- Boigny et Bongo, avec lesquels ses relations ont toujours été cordiales, en dépit du fait qu’ils ont reconnu le Biafra. Selon lui, leur reconnaissance avait été " un acte de conscience" destiné à alerter l’ opinion mondiale sur cette lutte fratricide et apte a amener une solution de se problème."
Enfin, M me Diori Hamani, interviewée à plusieurs reprises par différents journaux et radios, était décrite par le " Daily Telegraph " comme " unique parmi les épouses des dirigeants des nouveaux États d’ Afrique ". Pourquoi cet éloge de la journaliste Violet Johnstone ? Parce que " Mme Diori apparaît comme une très jeune mère de six enfants âges de 23 à 7 ans, et parce qu’ elle est le chef de file des jardiniers de son pays. " Je cultive, dit-elle, des fraises de toutes tailles et... cette saison, nous en récoltions 50 kilos par jour. " Croyant ardemment à l’ émancipation des femmes, elle tient à accompagner son mari durant ses tournées fatigantes à l’ intérieur aride du Niger pour encourager les progrès des jeunes sur les plans éducationnel et social.
Du 16 au 23 mars, le président de la République, accompagné de M
Partout accueilli par une foule en liesse, il écoutait le responsable politique lui brosser un tableau de la situation et lui faire part des besoins du village dont les plus pressants sont toujours la pénurie d’ eau et l’ inexistence de dispensaire médical. C’ est à Hamdara, l’ un de ces 17 villages, que le Président a eu l’ extrême plaisir d’ entendre ---- signe des temps ou plutôt véritable révolution ---- l’ exposé politique de la bouche de Mme Alzouma, institutrice et première femme secrétaire générale d’ un comité du parti.
Mais, et c’ était là le but de la tournée, le Président cherchait à établir le contact avec les paysans de base, à écouter leurs doléances, à se livrer à un dialogue franc avec eux et à les inviter enfin à prendre leurs responsabilités dans la lutte contre le sous-développement.
Dans chacun des villages, dans ses interventions publiques ou privées, le Président a tenu à développer un certain nombre d’ idées, telles que la nécessité de l’ enseignement pour les enfants, les rôles séparés mais complémentaires des responsables du Parti et de l’ administration, l’ obligation de payer l’ impôt. A ce propos, dans deux des villages visités ---- Gouna et Dojo --- le Président en a félicité les habitants qui ont fini de payer intégralement leurs impôts.
La pénurie d’ eau ? Le Président a montré la difficulté de satisfaire tout le monde en même temps, en relevant que quelque 700 puits avaient été forés durant les cinq dernières années. Il a informé ses auditeurs que sur les 514 nouveaux puits prévus , 35 seraient forés dans la région visitée.
L ’ inexistence des dispensaires ? Le Président ne pouvait que conseiller aux paysans de se contenter des secouristes, en entendant que les possibilités budgétaires et humaines permettent l’ installation de dispensaires ou même de simples infirmeries.
A l’ issue de sa tournée, et à la veille de rentrer à Niamey, le Chef de l’ État a présidé, à Zinder, une conférence des cadres du Parti Progressiste du Niger. Dés l’ abord, il a demandé aux responsables locaux d’ accepter d’ engager le dialogue entre eux, de collaborer, d’ éviter la dispersion des efforts. Le Président de la République a ensuite demandé, avec insistance, l’ instauration d’ un dialogue franc entre responsables du Parti et des chefs de services administratifs. Ces derniers doivent exposer, au comité de leur ville, les objectifs des services qu’ ils dirigent et, par là même, saisir l’ occasion pour demander une aide sur le plan politique au cas où cela s’ avère nécessaire ; car c’ est avec des contacts humains de ce genre qu’ on peut arriver à aplanir toutes les difficultés qui pourrait surgir du jour au lendemain.
Le Président Diori Hamani a déclaré ensuite que le Niger demande à ses fonctionnaires de faire correctement le travail pour lequel ils sont payés tous les mois. Et tant que la situation n’ aura pas changée, nous continuerons, a-t-il poursuivi, de prendre des sanctions contre les inconscients et les malhonnêtes. Les brebis galeuses seront alors éliminées du troupeau. Car nous ne pouvons pas laisser des fonctionnaires peu consciencieux alors que des jeunes ayant leur certificat d’ études ou leur brevet trouvent difficilement du travail.
Le Chef de l’ État a mis aussi en garde les fonctionnaires qui refusent, par exemple, d’ aller en tournée rendre visite à leur concitoyens pour les soigner ou leur prodiguer des conseils. " Il faut qu’ on en revienne, a-t-il dit, au cheval et au chameau, car nous n’ avons pas les moyens de mettre des voitures à la disposition des agents pour leurs déplacements."
Enfin, à propos des détournements de deniers publics pour lesquels on a souvent accusé le gouvernement de faire preuve de parti pris selon qu’ il s’ agit d’ un haut fonctionnaire ou d’ un cadre subalterne. Le Président Diori Hamani a fait comprendre que, dans ce domaine, " nous sommes un des pays d’ Afrique où les choses vont le moins mal. Mais il faut que les gens comprennent que nous n’ avons pas l’ intention de couvrir qui que ce soit dans ce cadre précis. Nous demandons simplement à chacun de voir les réalités en face, de faire preuve de justice et de ne pas confondre dépassement de crédit et détournement ".
Le 17 mars, M. Philippe Decraene, de retour du Niger, consacrait, dans " Le Monde ", un article aux répercutions de la guerre fratricide qui sévit au Nigéria, sur l ’ économie au Niger. En voici quelques extraits :
"... La République du Niger ressent sérieusement les incidences de ce conflit, qui se prolonge depuis bientôt vingt mois. Ceci n’ a rien de surprenant, puisque l’ ancienne colonie française possède plus de 2 000 kilomètres de frontières communes avec la Fédération du Nigéria...
" Deuxième client et deuxième fournisseur du Nigéria , le Niger entretient traditionnellement un commerce actif avec son riche et puissant voisin... L’ aggravation de la pression fiscale dans toute la fédération a entraîné un ralentissement général de la circulation monétaire, une baisse sensible du niveau de vie, et un certain marasme dans les affaires. Les Nigérians achètent désormais très peu de bétail... Cette évolution représente pour les Nigériens un manque à gagner de plusieurs milliards d’ anciens francs, chiffre important pour un pays dont le budget n’ excède pas vingt milliards. En territoire Nigérien, les rentrées d’ impôts risquent d’ en être d’ autant plus affectées que, localement, les cours du bétail ont baissé de plus de 50%.
" Par suite de la dévaluation de la livre nigériane, non seulement le Niger ne réexporte plus d’ imprimés et de sucre à destination du Nigéria, mais les commerçants nigérians, à la recherche de francs CFA dont la valeur est actuellement plus stable, écoulent à leur tour ces mêmes marchandises sur le marché nigérien.
" Dans le domaine des transports, la guerre civile crée des difficultés au Niger... Les arachides du Niger oriental, autrefois exportées par Kano et les chemins de fer nigérians jusqu’à Lagos, ont dû reprendre, comme à l’ époque de la colonisation française, la route du port dahoméen de Cotonou, long circuit dont le coût est beaucoup plus élevé.
" Enfin, la circulation des personnes étant libre dans les deux pays, les dispensaires et les maternités du Niger connaissent un afflux considérable de ressortissants nigérians. La demande importante de médicaments dans la zone des combats et la présence sur le front biafrais de la plus grande partie du personnel médical disponible au Nigéria incitent les civils nigérians à venir de plus en plus fréquemment se faire soigner dans les hôpitaux de Niamey, Zinder et Maradi."
" Le Temps du Niger " est l’ unique quotidien du pays. Il est modeste à l’ extrême, puisqu’il paraît d’ ordinaire sur quatre pages format 28 X 42, et que son tirage oscille autour de 2 000 exemplaires. C’ est pourtant l’ organe officiel du gouvernement. Ce qui ne l’ empêche pas d’ être sans doute le journal le plus indépendant d’ Afrique francophone.
Il ne se passe en effet pas de jour qu’ on n’ y trouve une critique plus ou moins virulente, de telle ou telle administration gouvernementale, d’ un organisme ou d’ un aspect de la vie du pays. En voici quelques exemples.
Dosso est l’ une des principale villes du pays." Le groupe électrogène, aux dires de la population, travaille trois jours seulement dans la semaine. Quand au château d’ eau, les habitants ont perdu tout espoir et sont revenus à la puisette habituelle... Avez vous besoin d’ une carte d’ identité ? On y attend longtemps face à quelques commis débonnaires... Au poste de police, il y a une loi sur la suppression du banditisme ; elle sévit contre les infractions et non contre la corruption..."
La corruption est bien entendu, au Niger comme ailleurs, un leit-motiv. Et en décembre dernier, le Président de la République avait même décerné le premier prix à une pièce de théâtre intitulée " Mariama " et axée autour de ce problème. La situation ne semble guère redressée puisque l’ on lit dans le journal du 10 mars dernier, un article à ce sujet dont voici l’ introduction :
" Nous avions pensé il y à un plus de deux mois, lorsque fut jouée sur scène pour la première fois à Niamey la pièce théâtrale intitulée " Mariama ", qui dénonçait tout haut et sans ambages le mal crucial de notre administration ( l’ inconscience professionnelle et le favoritisme outrageant ) que l’ État allait réagir, et immédiatement, par des mesures énergiques pour mettre de l’ ordre dans les services.
" Hélas, nous sommes obligés de constater aujourd’hui que les choses tardent à venir, ou du moins à se concrétiser. Car, chefs de service et fonctionnaires subalternes continuent à affaiblir l’ appareil administratif..."
Il y a aussi les plaintes contre les chauffeurs des cars de la Société Nationale des Transports du Niger ---- contrôlée par l’ État ---- qui " n’ attendent plus pour rémunération leur salaire mensuel, mais des ressources malhonnêtement acquises et provenant de la surcharge de leurs véhicules en cours de route " par des voyageurs qui " s’ arrangent " avec les chauffeurs.
Il y a quatre semaines, un reporter de " le Temps du Niger " avait que les Nigériens pouvaient acheter le mil ---- céréale de base de la population ---- à bon marché. Le lendemain, le quotidien publiait une lettre de M. Daouda Moumouni, un fonctionnaire disant " qu’ à mon avis et à celui de beaucoup de mes camarades, ce mil n’ est pas à bon compte comme
vous nous le faites entendre ". Et le lecteur relevait encore que le prix de vente cité par le journal n’ était pas celui pratiqué d’ ordinaire au marché.
Niamey, la capitale, est la ville la plus sale du territoire ". Pour y remédier, un journaliste avait cru bon de suggérer une surveillance plus vigilante sur les cours des habitations par les " agents d’ hygiène ". Quelques jours plus tard, le quotidien publiait une lettre de lectrice disant :
" Je ne suis pas du tout de votre avis quand vous demandez à ces messieurs de pénétrer chez autrui car ceci constitue pour moi une violation de domicile et, de ce fait, vous vous faites leur complice. Figurez vous que nous venons d’ avoir dix ans de liberté effective, d’ indépendance."
Pour comprendre ce qu’ une telle réaction signifie de progrès, il faut se remémorer ce que furent les temps coloniaux tout proches et l’ autorité sans partage de tout agent investi d’ une quelconque autorité. Mais il y a d’ autres reproches à adresser au Conseil Municipal.
" La nuit, écrit un journaliste, il y a un laisser aller manifeste quant à la surveillance de la ville. L’ expérience nous a montré qu’ à partir de 0 heure, tout est pratiquement permis. On peut remonter un sens interdit, griller un feu rouge lorsque les feux optiques continuent à marcher, hurler comme on veut dans la rue. Pourquoi ? Parce qu’ il n’ y a personne pour vous en empêcher...
" Quant à l’ hôpital de Niamey, le pavillon " B ", c’ est-à-dire celui de la chirurgie et de la pédiatrie, il est pratiquement impossible de se déplacer dans les couloirs sans piétiner un patient, ou un de ces nombreux accompagnateurs qui contribuent grandement à rendre infectes les salles d’ hospitalisation. "
Son Directeur, M. Oumarou Ali, a été obligé d’ expliquer dans le journal du 13 mars dernier que :
" cet hôpital n’ a été conçu que pour 430 lits. Or, aujourd’hui, nous avons 790 malades. Dans ces conditions, comment voulez vous qu’ il n’ y ait pas de surcharge dans les chambres et que les couloirs ne soient pas également servis, que chaque malade est accompagné d’ au moins une ou deux personnes. j’ ai essayé de pallier cette situation, mais le problème reste entier..."
Sur le plan de la santé, " Le Temps du Niger " ne critique pas seulement l’ hôpital mais les malades, lettrés ou paysans, les infirmières et aussi les traditions du pays. En voici quelques échantillons :
Même au niveau des lettrés, il y a des gens qui n’ aiment pas se faire soigner selon la médecine moderne. En campagne, les choses sont encore pires : le dispensaire a presque toujours été la solution de détresse, le lieu où l’ on vient parce qu’ on a tout essayé. On y amène le malade lorsqu’ il est dans un état critique. Et lorsque l’ inévitable se produit, on taxe l’ infirmier d’ incapable. Cet exemple est fréquent pendant les épidémies de méningite. dés que les symptômes apparaissent, on pense à une quelconque intervention maléfique, au lieu d’ aller au dispensaire.
" ... Il y a l’ état d’ esprit de certains infirmiers qui n’ ont pas encore compris le sens de leur responsabilité. Ils vont jusqu’à demander que le malade revienne le lendemain sans avoir pris la peine de savoir ce dont souffre le malade.
" Il y a encore le problème de la vaccination. Peu de mères de famille, en effet, font vacciner leurs enfants malgré les appels réitérés de la presse."
Le quotidien, faisant allusion à l’ épidémie de rougeole qui sévit depuis peu au Niger, relevait, le 24 mars 1969, les nombreux obstacles sur la voie de la recherche d’ une solution.
" actuellement, c’ est surtout des cas de rougeole qui sont à déplorer : la croyance populaire veut que l’ enfant atteint de rougeole dorme le moins possible, s’ abstienne de boire de l’ eau, de manger des aliments salés ou sucrés. Si bien qu’ en fin de compte, l’ enfant déjà malade s’ épuise davantage par manque de sommeil et de nourriture. A ce stage, on voit quelle peut être la portée des soins dans un centre comme celui de Niamey. Car le centre manque de personnel et de médicaments. De plus, il reçoit des enfants aussi bien de Niamey que de Gamkallé, Saga, Kolo ou ailleurs. Notons aussi que ces femmes de la banlieue ( cela se comprend fort bien) sont celles pour qui une ordonnance est un véritable problème..."
Dans un autre article, un journaliste attaquait les auteurs de chansons qui, pour être primés, ne trouvaient rien de mieux que " de se contenter essentiellement de reprendre les noms de tous nos responsables politiques et administratifs ". pour un autre rédacteur encore, ce sont les " griots " qui sont sur la sellette, ou plutôt ceux qui leur "donnent bêtement de l’ argent pour qu’ on chante leurs louanges ".
Ces faits peuvent paraître puérils à un Occidental habitué à la liberté de la presse. C’ est pourtant un phénomène digne d’ être relevé, quand ces critiques sont en quelque sorte officialisées dans un pays d’ Afrique aux structures encore fragiles comme le sont tous les pays sous-développés.
Niamey est l’ une des très rares villes d’ Afrique où une rumeur qui circule en ville est certaine d’ être imprimée noir sur blanc dans les deux semaines, si elle a, bien entendu, un fondement quelconque.
La dot constitue une des plaies sociales de l’ Afrique. Elle a été abolie officiellement un peu partout, mais fleurit plus que jamais dans tous les pays.
On sait que, contrairement à ce qui se passe en Europe, c’ est le fiancé qui, en Afrique, doit verser une certaine somme d’ argent, d’ ordinaire relativement élevée, aux parents de la jeune fille pour qu’ ils acceptent de la lui donner, comme épouse. Bien entendu, cela ne fait pas l’ affaire des jeunes. Le problème a une importance telle que quand un père nigérien accepte de donner sa fille pour une dot symbolique de 1 000 francs CFA, toute la ville en parle et on consacre un ou plusieurs articles à cet événement, " incroyable mais vrai ".
Là aussi, les autorités savent qu’ édicter une loi ne résoudrait pas le problème. C’ est pourquoi c’ est une
vaste campagne qui a été lancée en mobilisant les jeunes.
Ainsi, le 1er mars, en présence de M. Boubou Hama, président de l’ Assemblée Nationale et de plusieurs ministres, l’ Amicale de Niamey présentait à la Maison des Jeunes et de la Culture " Miroir ", pièce de théâtre en trois tableaux et stigmatisant les méfaits de la dot.
La presse elle aussi participe, bien entendu, à la campagne. Ainsi on pouvait lire, il y a quelques semaines, la lettre d’ un lecteur de Tilabéry, M. Moussa Abdoulaye, qui écrivait :
" L’ année dernière, les jeunes avaient manifesté leur mécontentement général contre le coût élevé de la dot... Les parents, eux, ne pèsent pas les conséquences de ces mariages. Combien d’ années faut-il à un commis dont le gain mensuel est de 13 000 F pour réaliser une économie de 100 000 F ? Combien d’ affaires plus ou moins légales ce commis doit-il monter pour avoir la fille de ses rêves ? S’ il ne réussit pas, il va s’ endetter par-ci et par-là ou traiter des affaires louches. Dans ces conditions, où finira cette jolie alliance ? Ou il y a divorce, ou le garçon finit par se retrouver en prison... "
Mais M. Moussa Abdoulaye va plus loin en relevant dans un premier temps que les filles elles-mêmes ne font rien pour mettre fin à cette pratique, pour en arriver à leur proposer la révolte contre l’ autorité paternelle. Il exprime sa conception de la chose de la façon que voici :
" Nous voyons qu’ il n’ y a aucun effort du côté de la fille pour dissuader ses parents. Il faut que nos soeurs prennent conscience de notre situation financière. Il faut qu’ elles fassent comprendre aux parents qu’ un beau mariage ne commence pas par une dot très élevée. Certes, pour " tenir " la langue des voisines, il faut réaliser un mariage pompeux. Mais ne dépassons pas les limites du raisonnable.
" Je me souviens avoir lu quelque part ces mots d’ une jeune fille africaine : " Je n’ ai pas de mari parce que mes parents demandent trop à mes prétendants. "
" L’ échec d’ une telle fille devant le mariage provient-il de ses parents ou d’ elle même ? Pour ma part , je pense qu’ elle est l’ architecte même de son malheur. Nous ne sommes plus au temps de " je te maudirai si tu n’ épouse pas un tel ".
Une telle attitude, dans un pays musulman aux traditions patriarcales très solides, laisse augurer d’ une évolution sociale accélérée.
Le 8 mars dernier, deux importantes conventions de financement étaient signées à Niamey par les représentants de la France et du Niger et portant sur un montant global de 1 201 700 000 francs CFA.
La première couvre le financement de treize projets dont la réalisation coûtera quelque 1 129 000 000 de CFA, répartis comme suit :
371 000 000 pour six projets concernant des aménagements hydro-agricoles, la formation de cadres ruraux, une retenue d’ eau.
336 000 000 pour deux projets routiers.
311 000 000 pour trois projets d’ équipements scolaire (et en particulier la TV scolaire) et universitaire.
105 000 000 pour l’Institut Pratique de Développement Rural.
6 000 000 pour l’ action culturelle.
La seconde convention concerne un accord de prêt de 72 500 000 CFA destinés à la réalisation d’ équipements de télécommunications.
Au cours des discours prononcés à cette occasion, M. Counuo Barcougue, Ministre nigérien des Finances, a exprimé " toute la gratitude du gouvernement et de la population du Niger envers le gouvernement français ". De son côté, M. de Chateauvieux, Chargé d’ Affaires de France, a rendu hommage à la " politique financière rigoureuse et courageuse du Niger " et s’ est félicité du climat de confiance qui caractérise la coopération franco-nigérienne.
M. Paul Florenson, chef de la mission du Fond d’ Aide et de Coopération (FAC) française, remettait le 15 mars dernier un important lot de matériels divers à l’ Office des Eaux du Sous-sol, en félicitant le Niger d’ être le seul État africain doté d’ un tel organisme spécialisé et de faire preuve de la plus grande détermination pour entretenir son capital eau.
Dans sa réponse, M. Maîdah Mamoudou, ministre de l’ Économie Rurale a remercié le gouvernement français pour l’ aide qu’ il a accordé à son pays et a relevé que l’ une des préoccupations majeures de l’ État nigérien est de fournir de l’ eau aux populations aussi bien qu’ au cheptel.
Le matériel remis est évalué à une centaine de millions de CFA et comprend : 16 camions Berliert tous terrains, 14 derricks G.B.S. dont 10 entièrement équipés, 12 bennes auto, 2 compresseurs, 7 moteurs, une pompe, 6 postes émetteurs-récepteurs, 2 groupes électrogènes de soudure et un lot de pièces détachées.
On ne peut pas prétendre développer un pays sans que les forces vives de ce pays, c’ est- à -dire la masse du peuple, y participent. Or la chose est loin d’ être aisée.
En effet, s’ il est relativement facile de déterminer les conditions techniques de l’ amélioration de la productivité, il est beaucoup plus difficile de faire admettre la nécessité de cette amélioration technique à des groupements humains attachés aux formes traditionnelles de production.
C’ est pourquoi, du 11 au 15 mars, des délégués des États membres de l’ OCAM se sont réunis à Niamey, pour se concerter, pour confronter leurs expériences dans ce domaine de " la participation populaire au développement ", et, abandonnant la méthode libérale trop onéreuse, et la méthode autoritaire de type soviétique, chercher une voie africaine d’ approche.
On sait que dans ce domaine, le Niger se trouve en avance sur la plupart des autres États africains. En effet, le pays compte déjà 3 000 animateurs qui touchent 500 000 paysans dans 1 500 villages. Le rôle de ces animateurs est précisément d’ éveiller les paysans aux nécessités de développement.
Quand aux problème du crédit qui est aussi fort important puisqu’ il faut un minimum de moyens financiers pour acheter par exemple des semences sélectionnées, les participants de la Conférence de Niamey ont fait état des " échecs multiples dus à l’ absence quasi-totale de structures populaires prenant en charge les garanties de crédit ". Là aussi, le Niger est en avance dans la mesure où un tel organisme, l’ Union Nationale de Crédit et de Coopération, existe depuis de longues années et s’ occupe de l’ octroi de prêts mineurs aux paysans.
D’ une façon plus générale, le président Diori a exprimé son point de vue sur la participation d’ une manière on ne peut plus claire, lors sa récente tournée dans le département de Zinder. Il a déclaré en effet à ses auditeurs qu’ ils doivent abandonner l’ habitude de se croiser les bras et de dire : " c’ est la faute du gouvernement. " Le développement, c’ est votre affaire autant que celle du gouvernement, leur a-t-il dit. S’ il y a une réussite, ce sera notre succès à tous, s’ il y a un échec, ce sera notre échec à tous.
Édité par le CENTRE D’ INFORMATION DU NIGER
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Directeur de la Publication : M. Maraval.
Rédacteur en Chef : J. Baulin.
Abonnement annuel : 30 francs
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