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PARIS 1er
DEUX "SAGES" AFRICAINS LANCENT UN APPEL POUR LA SAUVEGARDE DES TRADITIONS ORALES
N.A.P. - Sur les antennes de la Télévision Française, le Président Boubou-Hama du Niger et l’ambassadeur Hampaté-Ba du Mali ont lancé un appel pour la sauvegarde de la culture africaine.
"Il ne faut pas que demain nous tue" ont-ils dit en plaidant pour le maintien des traditions orales et en soulignant le rôle important qu’elles jouent dans les sociétés africaines.
- Chaque vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle" aime à dire M. Hampaté-Ba.
"Il faut préserver, cerner ce qui existe et qui est en train de disparaître" a dit M. Boubou-Hama tandis que M. Hampaté-Ba mettait l’accent sur l’urgence du problème : "actuellement avec quelques millions on peut faire ce sauvetage, dans vingt-cinq ans, avec tout l’or de la terre, ce sera impossible."
L’émission animée par M. E. Fulchignoni de l’UNESCO, faisait écho en quelque sorte, au colloque réuni à Dakar, à la fin du mois de Juillet, par l’Organisation des Nations-Unies pour l’Education, les Sciences et la Culture, sur la préservation et la diffusion des traditions orales et le rôle que peuvent jouer à cet égard les moyens audio-visuels.
Conflit entre deux cultures
Précisément, l’utilisation de ces moyens pour recueillir, enregistrer le précieux legs culturel du passé est nécessaire, indispensable mais en même temps, les deux "sages" de l’Afrique font une sérieuse mise en garde et crient casse-cou :
- Il ne faut pas, ont-ils répété, que la technologie domestique la tradition".
On connaît l’autorité morale et la notoriété de "lettrés" dont jouissent M. M. Boubou-Hama et Hampaté-Ba dans leurs pays et à l’étranger. Cette position donne toute leur valeur à leur argumentation.
Ils ne cachent pas leur hostilité contre "l’oeil mécanique", la caméra de l’Européen qui - en toute bonne foi - croit se pencher sur le monde africain pour l’étudier, le filmer et n’en retient souvent que l’aspect extérieur, un "folklore de pacotille".
M. M. Boubou Hama et Hampaté-Ba ont aussi exprimé leur méfiance à l’égard des jeunes Africains qui ont découvert leur univers à travers la tradition orale mais après leur passage à l’école occidentale - et qu’on le veuille ou non, on est toujours l’élève de son école - se trouvent soumis à un conflit entre deux cultures.
Retour aux sources
Pour sortir de ce dilemme, un retour aux sources s’impose et pour M. M. Boubou-Hama et Hampaté-Ba c’est cette réafricanisation" qui doit engendrer la reconnaissance de la culture africaine.
Ainsi se pose le problème de la formation de ceux qui sont appelés à maintenir et à diffuser les traditions orales. Les seules bonnes volontés ne sauraient suffire et comme il s’agit en quelque sorte d’engager une course de vitesse - "les porteurs de la culture africaine vont disparaître" - l’importance des moyens mis en oeuvre comptera énormément. Des aides multilatérales et bilatérales sont nécessaires. Sous une forme moins prosaïque, c’est le sens de l’appel lancé sur la première chaîne de l’ORTF, par M. Boubou-Hama, Président de l’Assemblée nationale du Niger et M. Hampaté-Ba, ancien ambassadeur du Mali en France. (N. A. P.)