Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
13,Boul. Haussmann
PARIS IX
S.E. Monsieur Hamani Diori
Président de la République du Niger
Niamey
50-40
LE DIRECTEUR
jb/19
Monsieur le Président,
Cette lettre aurait dû être datée du 7 juillet. Elle devait contenir des suggestions sur certaines mesures, que je considère nécessaire de prendre immédiatement après l’accord d’Ottawa pour la Route de l’Unité.
Mais comme la décision canadienne a tardé, qu’elle ne peut dorénavant intervenir, au mieux, que le 30 courant, c’est-à-dire trois jours seulement avant le dixième anniversaire, je prend mon courage à deux mains et vous fais parvenir ces suggestions en considérant l’accord pour la route acquis : j’accepte, ce faisant, le risque d’être accusé de vendre la peau de l’ours avant de le tuer, au cas ou par malheur, Ottawa nous décevrait. Je considère ce risque, minimum, car je reste convaincu "et votre scepticisme désabusé au téléphone a été un choc pour moi" que le fédéral nous donnera, qu’il ne peut pas ne pas nous donner son accord.
Cette prémisse posée et acceptée, que faudra-t-il faire des la décision acquise ? Je permets de vous suggérer ci-dessous quelques idées qui ne sont certainement pas toutes bonnes. Les voici :
1°. Le Président devrait envoyer une lettre chaleureuse de remerciements à Trudeau. En effet, vous vous rappelez sans doute que l’on m’avait dit, à quel point vos lettres personnelles, cordiales, non alambiquées par l’intrusion du Jargon diplomatique, faisaient plaisir à Ottawa. Cette lettre devrait partir dans les 24 heures , après réception du télégramme officiel d’acception pour en accentuer le caractère spontané.
2°. Moi-même, en me réclamant de vous, j’enverrai des lettres de remerciements à tous ceux "Lalonde, Goyer, Gervais, Quellet, Hudon, etc." que j’ai harcelés de lettres et de coups de téléphone durant ces dernières semaines. On leur doit au moins cela.
3° . Je suppose que vous allez annoncer la bonne nouvelle à votre peuple à l’occasion des festivités du 3 août. Je prends la liberté de vous proposer, à toutes fins utiles, d’inclure les points suivantes dans votre adresse :
a. Hommage au Canada et peut-être "pourquoi pas ?" la décision solennelle du gouvernement nigérien de donner le nom de "Route canadienne de l’Unité" ou "Route de l’amitié canadienne" ou toute autre formule de ce genre à ce lien routier. Cette suggestion est basée sur la psychologie d’un peuple et de dirigeants jeunes, sentimentalistes, non atteints encore par le scepticisme, ayant le coeur sur la main. Ce sera aussi la première fois qu’un peuple recevant une aide du Canada, lui aura monté sa reconnaissance par un tel geste. Le résultat escompté est d’ancrer encore plus solidement le Canada au Niger.
b. Souhait de voir le Premier Ministre venir inaugurer lui-même les travaux de la Route au début de l’année prochaine. Comme vous le savez, d’après Michel Roy, cela est dans les plans de Trudeau, mais en l’annonçant le premier publiquement, l’initiative viendra de vous. Ainsi, on fera coup triple : prendre l’initiative, faire une fleur à Ottawa et surtout nous donner un tremplin nous permettant ultérieurement de faire hâter la mise en route des travaux de construction.
a. Annonce que cette Route sera construite par des volontaires venant de tous les coins du pays, afin d’en accentuer le caractère national vis-à-vis du Canada, et préparer psychologiquement le terrain, au Niger même, pour le recours aux "investissements humains" auxquels, je pense, nous devons avoir étrangers. (Je compte vous entretenir de cette question lors de notre prochaine rencontre à Paris).
4°. Vous vous en souvenez certainement, pour hâter la décision du gouvernement fédéral, Mai, l’ambassadeur Sidibé et moi-même avions rendu publics un certain nombre d’arguments que voici :
a. l’accord canadien pour la Route de l’Unité sera l’illustration de la justesse de la politique de diversification des partenaires du Niger, prônée par le Président de la République ;
b. la matérialisation de cette illustration est d’autant plus urgente que le Président compte organiser un Congrès du Parti pour mobiliser les cadres du pays et la masse du peuple autour de ce mot d’ordre ;
c. ce congrès lui-même doit, dans l’esprit du Président, servir d’ouverture à la compagne électorale pour les élections législatives et présidentielles.
Je ne sait toutefois si vous pouvez ou voulez inclure ces éléments dans votre discours. Je regrette seulement que le Congrès du PDCI ait déjà annoncé officiellement.
Il faut absolument que pour ce discours, l’AFP soit exploitée à fond : idée Oumarou devrait donner à Fiorito ou à son intérimaire un résumé comportant les extraits les plus importants, surtout pour la consommation étrangère, de votre discours.
Enfin, je pense qu’il faut réfléchir, dès maintenant, à la nomination d’un responsable suprême pour la Route, comme Houphouët a homme l’ambassadeur Aoussou Koffi pour le barrage de Kossou. Je crois en effet que pour coordonner l’indispensable coopération entre plusieurs administrations, éviter les lenteurs administratives, insuffler enthousiasme et dynamisme, pouvoir faire preuve d’initiative et d’efficacité, il faut un responsable qui, sous l’autorité personnelle du Président de la République,
1° sera totalement libéré de toutes autres fonctions,
2° sera doté des pouvoirs nécessaires ;
3° sera d’un rang assez élevé dans l’administration pour être capable d’exploiter ces pouvoirs.
Avec l’espoir que je serai le premier à vous annoncer la bonne nouvelle tard dans la soirée du jeudi 30 courant,
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments dévoués et déférents.
Baulin
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