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C-028-002 - NOTES - classeur C - Fonds d'archives Baulin

C-028-002

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  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.















LE REGROUPEMENTS DES GUINEENS EN FRANCE


c/o Diallo Siradiou
11, rue Remy de Gourmont
Paris 19°


Paris , le 10 juin 1969


Monsieur Daniel Mayer
Président de la Ligue des Droits
de l’Homme
27 , rue Jean Dolant
Paris 13°


Monsieur le Président,


Notre organisme a l’honneur de vous soumettre ce " Memorandum sur le prétendu complot de mars 1969 en République de Guinée".


En République de Guinée, le recours fréquent au " complot impérialiste " ou "dirige de l’étranger" , comme exutoire aux difficultés politiques et économiques du moment , porte gravement atteinte aux libertés fondamentales des citoyens , tout en représentant une menace sérieuse pour la paix sociale .


Depuis 1960 , il ne s’écoule pas deux ans de suite sans que le gouvernement "découvre" un "complat" . La plupart des grands payes étrangers : U.S.A. , Allemagne Fédérale , U.R.S.S. et France notamment , ont été successivement ou collectivement mis en cause , suivant les procédés classiiques de l’amalgame chère à certains régimes fascistes . Toutes les couches composant la société guinéenne ont été à tour de rôle identifiées avec ces prétendus "complots" . Jugez-en plutôt :


1. HISTORIQUE


En avril 1960, c’était le " complot des intellectuels tares " et des "forces décadentes" . Bilan : une centaine d’arrestations dont dix au moins mourront après avoir subi d’affreuses tortures . Les deux vistimes les plus connues de cette tragédie , furent l’avocat Diallo Ibrahima , et l’Imam de la Mosquée de Corontin , El Hadj Kaba Lamine .


En novembre-décembre 1961 , ce fut le " complot des Syndicalistes , des Enseignants considérés comme " éléments d’extraction féodale et anarchiste " , et par conséquent " appuyés par les ambassades impérialistes et soviétiques " (sic). . .


Un millier de personnes furent arrêtées dont principalement des étudiants et des enseignants . L’armées tire sur des manifestants sans défense ; on relève de nombreux morts et blessés . Parmi les accusés , certains resteront six ans au secret en prison et seront libérés sans avoir jamais été juges ; d’autres y mourront sans que le gouvernement ait eu un compte à rendre à leurs familles .


En septembre 1963 , ce fut le "complot des petits commerçants " . . .


En octobre 19650, le "complot des grands commerçants " . Ce dernier coûtera la vie à une dizaine de personnes , tandis que plusieurs dizaines d’autres demeurent jusqu’ici emprisonnées , sous le régime du secret , sans qu’un n’ait rien notifié à leurs familles angoissées . Parmi ces détenus , citons Kaba Sory , ancien représentant permanent de la Guinée à L’O.N.U. , ancien ambassadeur à Moscou ; Tounkara Jean Faragué , ancien membre ministre de la Jeunesse et ancien membre du Bureau Politique National du Parti Démocratique de Guinée ( Parti unique) ; les Docteurs en Médecine Rouaf et Lofory , les deux frères Touré , commerçants à Conarky , etc. . .


En décembre 1967 , une dizaine de personnes furent encore arrêtées parmi les-quelles Diallo Saikou , professeur de Mathématiques à l’Ecole Polytechnique de Conakry , et Traoré N’Ki , ingénieur des Travaux Publics , ainsi que sa femme mère de cinq enfants .


2. Le "complot" de mars 1969


Voilà qu’au mois de mars dernier , le Président Sékou Touré apprenait au monde entier la "découverte " d’un nouveau
"complot impérialiste".


Toile de fond du "complot"  :


En réalité , cet événement correspond à un mécontentement populaire sans précédent , consécutif à une conjoncture socio-économique des plus difficiles ; pénurie de biens de consommation de première nécessité , baisse insupportable du pouvoir d’achat des salariés , réduction excessive des activités scolaires et universitaires et leur remlacement par des cours dits de "surformation politique " , etc. . . Sur le plan politique , les Autorités , sérieusement préoccupées par les opérations dites de "mobilisation qui entretiennent une atmosphère d’agitation quasi permanente à travers le pays . Les polices parallèles sont partout sur les dents . Profitant dans ces conditions de déclarations que sous d’autres cieux on eut à peine jugées irrévérencieuses de la part de soldats en permission , à l’endroit du Chef de l’Etat , le Président Sékou Touré se livre à une vague d’arrestations sans précédent dans le pays.


S’agirait-il d’une provocation politico-policière destinée à permettre au Président de régler le compte à certaines personnes jugées dangereuses pour sa sécurité personnelle ? On ne saurait l’affirmer . . . Toujours est-il que la fameuse Milice de sinistre renom , recrutée parmi les jeunes sans travail et spécialement entraînée pour les opérations d’intimidations dans les villes et villages , reçoit l’ordre d’investir de nuit les concessions d’un certain de personnalités et de procéder à une série d’arrestations .


Une accusation fallacieuse  :


Ainsi des personnalités civiles et militaires aussi différentes par leur passé que par leur formation ou leurs convictions politiques et religieuses , se trouvent réunies dans un prétendu complot dont le gouvernements s’avérera incapable de donner les preuves . L’accusation formulée à la hâte suivant une argumentations contradictoire , aura beaucoup de mal à convaincre l’opinion tant intérieure qu’extérieure. En tout cas , l’unique pièce à conviction dont se prévaut le gouvernement demeure jusqu’ici une lettre adressée au Colonel Kaman Diaby en octobre 1958 par un de ses camarades de peloton dans l’armée française ; le félicitait tout en formulant les voeux qu’ils agisse de façon à ce que la France et la Guinée continuent à entretenir de bons rapports . . .


En dehors de cette lettre considérée comme la principale pièce à conviction , et écrite sur un ton parfaitement routinier , le Comité d’instruction du complot n’a rien découvert de compromettant à la suite des perquisitions effectuées chez les personnes arrêtées . Notons que ce Comité chargé des l’ensemble des investigations , des enquêtes aux interrogatoires des prévenus , n’est composé que de personnes entièrement dévouées au Président de la République . Ce sont : le Général Diané Lansana , ministre de la défense National et ami personnel du Président ; M. Ismaël Touré , frère du Président ; le Lieutenant Touré Siaka , neveu du Président , Keita Mamadi , beau-frère du Président , etc. . .


Un jugement en tâché d’irrégularités  :


Malgré le vide manifeste du dossier d’accusation , quelques unes des personnes arrêtées (par toutes) seront déférées devant un " Conseil National de la Révolution" réuni en session extraordinaire . Ce Conseil composé de dékégués du Parti unique au pouvoir , s’érige pour le besoin de la cause , en "Tribunal Révolutionnaire " en vertu d’une loi de circonstance promulguée le jour même par simple décret présidentiel voir "Horoya" , hebdomadaire officiel du Parti , en date des 17-23 mai 1969 . Trois chefs d’accusation sont soumis aux "Juges" :


"atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat" ;


"tentative d’assassinat du Président de la République " ;


et "provocation d’une guerre civile par la mise en état de sécession de différentes régions naturelles composant le territoire national en intelligence avec des puissances étrangères en vue de les engager à entreprendre des hostilités contre la République de Guinée ".


Sur la base de telles accusations et sans qu’il ait jamais vu les accusés , le "Tribunal" prononça des condamnations sans appel . D’ailleurs , à lui tout seul , le préambule de la sentence lui enlève tout caractère juridique véritable , puisque sa présentation ne diffère en rien des motions et résolutions ordinaires adoptées à la hâte sur simple demande du Secrétaire Général du Parti , le Président Sékou Touré . Jugez-en plutôt : "Le Conseil National de la Révolution , après avoir écouté avec une attention suivie le magistral discours du Secrétaire Général du P.D.G., Responsable suprême de la Révolution , décide . . . de la peine capitale pour" etc. . . voir le numéro de Horoya déjà cité


Les peines infligées :


C’est au milieu de cette atmosphère de terreur générale traversée de haine et d’ambitions de toutes sortes que :


"13 personnes furent condamnées à la peine de mort avec confiscation de leurs biens" .


Ce sont entre autre ;


Kaman Diaby  : né en 1929 ; Colonel, chef d’Etat major adjoint de l’Armée guinéenne ; marié et père de quatre enfants dont un handicapé physique .


Keita Fodeba  : né en 1921 à Siguiri . Secrétaire d’Etat à l’Economie Rurale ; ancien ministre de la Défense et de la Sécurité ; fondateur des "ballets africains " ; marié et père de trois enfants .


Barry Diawadou  : né en 1917 à Dabola . Inspecteur des Finances ; ancien ministre de l’Education Nationale et des Finances ; ancien député à l’Assemblée Nationale française ; père de 11 enfants dont trois en bas âge .


Fofana Karim  : né vers 1929 à Forecariah . Ingénieur diplôme de l’Ecole des Mines de Nancy ; Secrétaire d’Etat aux Travaux Publics ; mariés et père de quatre enfants .


Parmi les autres condamnés à mort , citons le Commandant Keita Cheick et les Capitaines Diallo Thierno Ibrahima et Kouyaté Sangbon , tous mariés et père de famille .


Notons également que deux personnes vivant à l’étranger ont été condamnées à mort par contumace ; ce sont M.  Nabi Youla , ancien Ministre de l’Information ; et M. Bah Mamadou haut fon fonctionnaire mis à la disposition de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement , par le gouvernement guinéen.


Neufs personnes furent condamnées aux travaux forcés à perpétuté avec confiscation des biens .


Parmi eux citons :


Bah Thierno  : 34 ans , Docteur vétérinaire diplômé de l’Ecole vétérinaire de Lion ; marié et père de deux enfants .


Marega Bocar  : 42 ans , Docteur diplômé de la Faculté de Médecine de Paris ; directeur de l’hôpital " Dramé Oumar" (ancien hôpital Ballay ) ; marié et père de quatre enfants .


Baldy Guèye  : 50 ans ; commerçant et entrepreneur ; ancien Président de la Chambre Economique de Guinée ; marié , père de 13 enfants et soutien d’une nombreuse famille .


Baldé Abdoulaye  : 35 ans ; capitaine de l’Armée guinéenne ; marié et père de quatre enfants .


Les autres condamnés à cette même peine sont : Bah Amadou , Kourouha Mamadi , Sow Mamadou Alpha , Dramé Mahamed et Diarra Mibemba .


Parmi les personnes condamnées à vingt ans de travaux forcés et à la confiscation des biens , citons M.  Jean Baptiste Deen ambassadeur à Monrovia et Diop Tidiane , 38 ans , Licencié et Lettres , secrétaire administratif de la Companie FRIA ; marié et père d’une fille .


Enfin , parmi les personnes condamnées à 10 ans , citons le capitaine Kolvogui Pierre , et l’Ingénieur Barry Aguibou .


Telles sont quelques unes des personnes condamnées par une Assemblée surexcitée et fanatisée à souhait ; les prévenus n’eurent à aucun moment la possibilité de se défendre puisque le jugement fut rendu en leur absence ; ils ne furent pas non plus défendus par des avocats , puisque comme chacun le sait , la fonction d’avocat considérée successivement comme "superflue" puis comme "incompatible avec l’esprit révolutionnaire" , fut supprimée par décret présidentiel des le lendemain de l’Indépendance . Mais chose plus grave : l’expérience de tels jugements prononcés en Guinée , montre que les condamnations à mort interviennent le plus souvent pour couvrir les assassinants déjà perpétrés à l’ombre des prisons ; seules quelques rares personnes parviennent en effet à résister longtemps aux atrocités des tortures infligées aux prisonniers politiques ; supplices de la bassine , à l’électricité , pendaisons par la clavicule , par les pieds ou les mains , supplices de la faim et de la soif, etc. . .


Ces méthodes auxquelles recourt de plus en plus fréquemment le régime du Président Sékou Touré pour éliminer physiquement tous ceux qu’il soupçonne (parfois à fort) d’être ses adversaires , nous paraissent être ses adversaires , nous paraissent être incompatibles avec les principes élémentaires de justice et de démocratie , dont le Président guinéen ne cesse de se réclamer verbalement .


C’est pour toutes ces raisons que les familles de ses condamnés , ainsi que les patriotes guinéens , indépendamment des convictions politiques des victimes de l’arbitraire politico-policier du régime du P.D.G. , croient de leur devoir de porter ces faits à la connaissance de l’opinion . Ils en appellent à tous les hommes et à tous les organismes épris de justice , afin qu’ils interviennent au plus tôt pour sauveur ces condamnés d’une mort autrement certaine .


Notre appel s’adresse en particulier au Secrétaire Général de L’O.N.U. , à la Ligue des Droits de l’Homme , ainsi qu’à tous les organismes humanitaires ayant coutume d’agir dans des cas analogues .


Veuillez agréer , Monsieur le Président , l’expression de notre haute considération .

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