Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Le mercredi 4.12.68, Mat me téléphone pour me dire, entre autres :
Je lui réponds :
Mat insiste, je refuse.
Le lendemain , 5.12.68 , Diori arrive à Abidjan à 8 heures. A 11 heures il me téléphone personnellement pour m’informer que FHB me convoque. Mat , par un deuxième coup de fil, me confirme.
Je me mets immédiatement à préparer un long rapport de quelque dix pages, exposant dans la première partie l’affaire du blé,
et décrivant dans la seconde ce qu’a été mon action au Canada. Notre Rank Xerox brûle, je vais faire les photocopies de mon rapport chez Beyrard à 20 h 30. Je prends le soir même l’avion pour Abidjan à 21 h 45 ( avec deux heures de retard, il ne partira qu’à 23 h 45 ).
Arrivé à Abidjan à 7 h 30 le 6.12.68 , je téléphone à Mat à l’hôtel Ivoire. On se retrouve à 8 h 15 à la résidence du Palais. A 8 h 30 , Diori me reçoit et me dit :
Je remercie Diori de ce qu’il fait pour moi, et je lui demande d’être présent à mon entrevue avec FHB.
A 11 heures, après la lecture du communiqué du Conseil de l’Entente, FHB et Diori me reçoivent ensemble dans le salon de la villa FHB au Palais.
Je lis la première partie de mon rapport montrant que j’ai agi sur les instructions de Diori au Niger, et de Bédié en Côte d’Ivoire. Quand j’en ai terminé, FHB, abasourdi, déclare :
Diori intervient pour protéger Bédié et dit à FHB :
J’entame la seconde partie de mon rapport, où je décris mon action au Canada, action qui nous a permis d’arriver aux dons en blé .
FHB est énervé : il sait qu’une erreur a été commise, qu’elle est irréparable car il a DEJA parlé à Paul Martin de commissions et de fret.
Il prétexte la nécessité de voir les autres Chefs d’Etat qui doivent partir dans quelques heures pour s’en aller. Diori le retient, lui demande d’écouter jusqu’à la fin.
FHB, en dépit des efforts de Diori, ne veut rien entendre. Il ne veut du blé canadien que sans commission et sans fret.
Sans commission parce que, dit-il, Tubman est accusé de recevoir une partie des commissions versées aux sociétés étrangères, ce qui l’a discrédité. Nous sommes pauvres, notre pays est petit, nous devons au moins préserver notre honorabilité. Modibo vient d’être renversé, et on l’accuse, lui aussi, d’avoir touché des prébendes. Je ne veux pas qu’un jour, on puisse m’accuser de même.
Quand au fret, je ne veux pas créer de précédent, dit FHB. Car les Américains, quand ils nous donnent du blé, le font fret payé.
Nous nous séparons à midi. Je demande à FHB une confrontation avec Bédié.
Diori me demande les textes pour faire nommer par FHB
Deschênes :
Je revois Diori à 16 heures. Il est très ennuyé car il craint, à juste titre que le groupe canadien, restant avec le blé sur les bras et accusé d’escroquerie, ne se détourne de nous.
Je donne à Diori le texte remis par le Niger pour la nomination de Pierre Thomas comme consul. Il veut en faire signer de semblables à FHB pour la nomination de Deschênes comme consul de Côte d’Ivoire.
A 20 h 30 , je vais avec Mat rencontrer Diori. Il fait sa prière. On l’attend . Diori nous reçoit, son dîner refroidit . Il rapporte qu’il n’a pu convaincre FHB de nommer immédiatement Deschênes. FHB veut attendre le retour d’Usher en traitement à Paris.
Diori m’informe que FHB me convoque à sa ville de Cocody, le lendemain samedi 7.12, à 8h30.
A 8h30, le samedi 7.12.68, je suis chez FHB. Il me rejoint au salon à 8h45. Il me parlera pendant deux heures pour me dire :
Même que celui que je croyais être le plus grand ami il y a quelques mois encore (Roger) avait essayé de me descendre ;
Qu’en C.I., ce stade était dépassé, que lui, FHB, était obligé de gouverner par l’intermédiaire de ses ministres. Que ceux-ci étaient jaloux de leurs prérogatives et tenaient absolument à leur "souveraineté" dans leur aire de responsabilité ;
A 10h45, arrive Bédié. Il expose sa thèse, essaie d’embrouiller les dates, prétent que s’il avait été responsable, il aurait endossé ses responsabilités.
Je lui mets sous le nez son telex du 28.11.68, acceptant en principe
"les conditions de réalisations" sous la seule réserve de l’annonce officielle du don par le gouvernement canadien.
Sa réponse :
En d’autres termes, il voulait "rouler" ses partenaires canadiens ,
et cela, sans m’avertir :
Je réponds que dans mon telex du même jour et qui a provoqué sa réponse-telex, je lui signalais DEUX CONDITIONS (la commission et le fret) et que dans sa réponse, il écrivait "conditions" au pluriel, donc il acceptait les DEUX conditions.
FHB dit, en regardant Bédié dans les yeux :
Bédié s’y oppose, en relevant que FHB ne pouvait se contredire, car il avait dit à Paul Martin qu’il ne voulait le blé que sans commission
et sans fret. FHB répète que "puisqu’une erreur a été commise", on peut payer le fret.
Il est 12h30, FHB se retire. Je dis à Bédié :
Je déjeune avec Mat. Je lui fais le récit de ce qui s’est passé . Son opinion est la suivante :
A 18 heures, je vais voir Dia. Je lui lis mes deux rapports et lui fais aussi le récit des événements. Il est sincèrement affligé que Bédié ait tenté de me faire passer pour un escroc. Il s’étonne de son attitude, car sa trésorerie est à sec et il n’a pas d’argent pour deux semaines d’avance.
Et il me conseille :
A 19h, Bédié me joint au téléphone et me dit que nous sommes convoqués à la villa du Président à 19h15. Là il y a, en plus de FHB, Bédié et moi, l’ambassadeur Ahoua.
Bédié est rayonnant. Les GMA ne donnent que 16,50 CFA par kilo de Manitoba qui est , dit-il , inférieur en qualité au blé français, alors que Diori s’attendait à en recevoir 23. Je rétorque que les statistiques
ivoiriennes de 1967 donnent un prix moyen de 21 CFA par kg, Bédié dit que le blé a baissé en 1968. Je m’étonne qu’il ait baissé de 20-25 %
en un an.
Au moment de quitter la villa, je demande à Bédié si on prend le blé. Il répond :
A 21h45, je prends l’avion pour Paris où j’arrive le dimanche matin 8.12 à 8h15. Ce même dimanche, à 14h30, je m’embarque pour Montréal où j’arrive à 17 heures heure de MTL. René, André, Joe
et Pierre m’attendent à l’aéroport.
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