Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Dans la présente étude, et afin de faciliter la recherche des références nous avons donné à chacun des cinq documents, les numéros d’ ordre que voici :
Doc.A.= Note N° 221/MAECI/PH
Doc.B.= Note sur le coût de la sacherie 1965-1966
Doc.C.= Note de présentation de l’ enquête faite sur la gestion de
la SONORA
Doc.D.= Note sur l’ évolution des frais de personnel.
I. Les mystères de la sacherie
1. Des calculs beaucoup trop "larges"
Les différents rapports font bon marché des deniers de l’ Etat. Ainsi :
a) A la page 5, para 2 du Doc.A. , on lit :
"En considérant que les embarquements sur la France sont effectués en vrac avec des bardis de 10%... en admettant une perte de 50% de la valeur des sacs par suite de la première utilisation et des frais de retour..."
Or, :
- En 1965-1966, sur les 100.000 tonnes d’ arachides exportées vers la France, moins de la moitié l’ ont été par des navires non spécialisés, c’est à dire nécessitant des bardis ou si l’ on préfère des arachides ensachées. Il faut donc pousser l’ enquête dans ce domaine pour savoir quelles sont, au juste, les quantités exportées avec bardis. A mon avis, il y a là, une différence de 5 à 10.000.000 de CFA.
- Admettre, en passant, qu’ il y a "une perte de 50% de la valeur des sacs"..., c’ est un peu trop cavalier dans la mesure où ces 50% sur 114.000 tonnes, signifient près de 100.000.000 de CFA en plus ou en moins. Il convient donc de traiter ce problème avec beaucoup plus de minutie, beaucoup plus d’ attention dans la recherche des précisions.
b) A la page 5, para 1 du même Doc.A. , le prix d’ un sac est calculé à 135 CFA, alors qu’ en page 8 du Doc.B., le prix moyen d’ achat en 1965 (dont pour la campagne 1965-66) est de 126 CFA.
2. Des prix troublants
A la page 8 du Doc.B. on trouve les prix d’ achat des sacs en 1965 et en 1966.
les auteurs de ce rapport ne semblent pas avoir été frappés par les faits ahurissants que voici :
a- dans la même année 1965, le prix d’ achat du sac a varité de 107 à 162 CFA, c’est à dire a augmenté de quelque 60%
b- dans la même année 1966, le prix d’ achat du sac a varié de 135 à 162 CFA, c’ est à dire a augmenté de 20%
c- mieux encore, on a acheté 900.000 sacs seulement quand le prix moyen du sac était de 126 CFA et on en a acheté 1.850.000 quand le prix moyen a haussé à 146 CFA. Cette différence de 20 CFA pièce sur 1.850.000 sacs, cela fait 37.000.000 de CFA.
Dans n’ importe quelle firme privée, le directeur responsable d’ une telle "bévue" serait remercié sur le champ pour incapacité notoire. Dans le cas qui nous occupe, il faut chercher qui a empoché des commissions royales.
3. Les sacs usagés
A la page 4, para 3, du Doc.B. il est écrit :
"De fait, il est admis qu’ un sac de jute peut faire trois voyages au maximum... ; s’ il ne fait que deux voyages il est revendu au tiers de son prix d’ achat..."
Là se posent un certain nombre de questions :
a- Pourquoi trois voyages au maximum et pas quatre ou cinq ? Les sacs de blé au Maroc résistent cinq ans et font plusieurs rotations par an.
b- Qui a intérêt à mettre en relief qu’ il est avantageux de vendre les sacs après deux voyages, puisque de cette façon on récupère le tiers du prix d’ achat donc, qu’ on un bon amortissement et qu’ il est avantageux, à ce moment, d’ acheter des sacs neufs ?
c- Quand un sac est-il usagé au point d’ être impropre au transport des marchandises ?
d- Comment se fait-il que d’ autres utilisateurs - dont la CFDT - puissent servir des sacs considérés impropres par la SONARA ?
e- A quoi les acheteurs de ces sacs les utilisent-ils ?
f- Sur les 927 .621 sacs vendus par la SONARA (voir p.6 du Doc.B.) le nom d’ un seul acheteur, la CFDT, est précisé.
Quels sont donc les acheteurs des 834.621 sacs restants ?
g- Quelles garantie a-t-on que certains sacs vendus comme usagés et impropres, ne sont pas des sacs neufs, revendus et refacturés à la SONARA au prix fort ?
Deux suggestions : - les sacs coûtant tellement cher, pourquoi ne pas créer un grand atelier de rapiéçage qui tout en permettant des économies notables, pourrait donner un travail à 150 ou 200 jeunes filles et garçons.
- le prix de sac pakistanais est inférieur de 50 CFA par unité au prix des sacs français, on pourrait donc se ravitailler à Karachi.
II. Frais généraux exagérés
De tous temps, les firmes de type " colonial" ont joué à fond sur les frais généraux, en tablant sur le fait que la vérification de la gestion à l’ étranger est difficile, sinon impossible.
Ceci dit, voici les remarques qui s’ imposent dans ce domaine (voir Doc.A.) :
1. Les dépenses effectives ("la donnée finale") sont partout inférieures aux "prévisions" - à l’ exception du poste "charges financières" - sauf pour les frais généraux où celui qui a fait les prévisions s’ est "trompé" de plus de 100%.
2. Sur 133.000 tonnes d’ arachides exportées, la différence entre ce qui était prévu (900 CFA) et qui aurait été dépensé (1.910 CFA), atteint les 150.000.000 de CFA (1). Aucun dirigeant d’ aucune firme privée ne pourrait survivre à de telles "erreurs d’ appréciation"
3. En ce qui concerne le Doc.E. :
a- il est inadmissible que les frais de personnel soient passés en valeur absolue de 5 à 79.000.000 de CFA en 4 ans donc aient été multipliés par 14.46 alors que la production n’ augmenté que de 60%. Il en découle qu’ il inadmissible que les frais de personnel par tonne d’ arachides aient été multipliés par 8.45, alors qu’ il est universellement admis que l’ augmentation de la production a pour conséquence inéluctable de faire baisser les frais généraux et de personnel par tonne de produits ;
b- il faudrait étudier de très près la contexture de ce poste "salaires" pour voir si ce ne sont pas les trop gros salaires qui ont augmenté et pour voir aussi s’ il n’ y a pas de "salaires honoraires" ;
c- expliquer cet accroissement invraisemblable des frais de personnel par la générosité excessive du directeur de la SONARA - comme le fait l’ auteur de ce Doc.E. dans sa conclusion - c’ est trop facile. Nous sommes des partisans de la liberté d’ entreprise précisément pour éviter ces abus de la "copinerie". Aucune entreprise privée ne permettrait à son directeur, une générosité, ou plutôt une désinvolture de ce genre.
(1). A noter que dans le Doc.A, on donne à la page 7 les chiffres de 800 CFA comme prévu et 1970, comme "donnée finale", alors qu’ à la page 4 du Doc. D, on donne le chiffre de 900 CFA comme prévu et 2.227 comme "donnée finale". Il faudrait rechercher l’ origine de cette contradiction, car dans cette seconde hypothèse, la différence serait non pas de 150.000.000 de CFA, mais de 176.000.000.
III. Conclusion
Si l’ on ajoute à ces données fondamentales certains faits à savoir que :
1°. les arachides du Niger semblent avoir cette particularité contre-nature de perdre du poids - au lieu d’ en gagner - allant d’ un climat sec à un climat humide (voir "Doc." p.2.) ;
2°. un faux volontaire a été commis et reconnu par le Directeur de la SONOARA en ce qui concerne les sacs ;
3°. l’ irrégularité de la comptabilisation a été reconnue aussi par le Directeur
4°. la constitution d’ une "caisse noire" de 100 à 150.000.000 PAN AN, sans la connaissance du Chef de l’ Etat ni du Conseil d’ Administration de la SONARA, sans que l’ on sache même le but d’ une telle réserve occulte, est inadmissible,
"De toutes les manières le détournement d’ une somme de plus de 100 millions à des fines personnelles est à exclure".
Je pense, pour ma part, en tenant compte de l’ analyse sommaire exposée ci-dessus que :
1°. les sommes détournées directement ou indirectement s’ élèvent à près de 300.000.000 de CFA, PAN AN,
2°. non seulement il a été porté préjudice aux intérêts matériels de l’ Etat nigérien mais aussi à son intérêt moral et à celui de tous les EAMA ; en effet si la CEE était au courant de ces faits, elle aurait beau jeu pour expliquer la dureté de sa position.
Il en découle, -sauf contre-indication d’ ordre politique- que la responsabilité personnelle du Directeur est engagée au-delà de la simple "mauvaise-gestion".
C’ est regrettable d’ en arriver à cette conclusion, mais il faut avoir le courage de regarder les choses en face. Car, si un enquêteur peut se permettre de ménager telle ou telle personnalité de ses connaissances de la haute société de Niamey et de Paris, un dirigeant, à mon avis, et en principe, se doit de réagir.
Il doit le faire pour montrer aux autres directeurs de société qu’ en cas de malversations, ils ne pourront s’ en aller fortune faite, avec un blâme non public pour toute sanction.
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