7.8.69

L’échec de Kampala n’a pas découragé Paul VI . Le Vatican croit encore possible une rencontre nigéro - biafraise à Rome . Mais , en Afrique , on ne se fait pas d’illusions . Si quelque chose doit se décider , on pense que ce sera à Addis -Albéba , à la suite d’une nouvelle initiative de l’Empereur et des chefs d’Etats membres de la Commission des Sages de l’O.U.A. . . Une ultime tentative serait faite pour éviter l’inscription de l’affaire à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations Unies . Un débat sur l’affaire ne serait évidemment pas à l’honneur de l’Afrique . Et , cela , nombreux sont ceux qui le comprennent fort bien . Ensuite , il s’agit d’éviter que le fossé ne se creuse davantage entre pronigerians et probiafrais . Malgré la hauteur des discours du Pape , certains Africains doivent résoudre ce problème à . . . l’africaine , c’est -a - dire eux , sans intrusion de l’homme blanc , fut - il prestigieux et respecté .

Le festival culturel d’Alger fut , je vous l’ai dit , une manifestation politique . La Côte - d’Ivoire n’a pas été longue à protester contre le caractère politique de cette manifestation . Celle -ci n’a pas seulement permis à Boumédiene de distiller la bonne parole révolutionnaire , mais aussi de mettre au point un appareil de propagande — dont vous imaginez l’orientation — . Un institut panafricain de cinéma va être créé afin de mieux lutter contre les monopoles étrangers ; une maison d’édition et de distribution mettra à la disposition des populations les publications les conçues pour elles et orientées comme il se doit . Enfin , la récupération des oeuvres d’art africaines détenues par les musées étrangers sera entreprise , de même que l’assistante culturelle aux pays moins favorisés . Tout cela est suffisamment clair pour ne point insister sur la façon dont ces messieurs conçoivent " le rôle de la culture libératrice " . Les masses devront mieux connaître la valeur du combat culturel , et les conditions réels des guerres de libération . Inutile d’ajouter que l’action passée du colonisateurs a été sévèrement stigmatisée , d’autant que les puissances capitalistes se servent aujourd’hui de la culture africaine après l’avoir falsifiée pour entraver le développement du continent . Bref , cette coloration politique du Festival a fait dire à l’écrivain ivoirien , Bernard Dadié , qui ne saurait être suspect n que cette manifestation a failli à la tâche qui aurait dû être la sienne : "unir" . A Alger , dit l’auteur de " Un nègre à Paris " et de " Patron de New - York " , la culture ne l’a pas emporté , alors que l’on faisait le procès des Etats . Or , ces Etats , au sein de l’O.U. A. peuvent avoir des options différentes ; si nous participons à un autre festival , nous nous assurons de son authentique caractère culturel ; nous voulons voir l’Afrique dans sa totalité , même avec ses divergences et non à travers des hublots " .

Avec la célébration prochaine des anniversaires de l’indépendance , des mesures de clémence sont prises par différents Etats .
Au Niger , Diori pourrait , le calme étant revenu dans son pays , se montrer libéral envers certains militants du Sawaba de Djibo Bakary . L’ex - capitaine Diallo , qui avait cru son heure venue , et l’ancien ministre Zodi Ikia , tous deux condamnés à mort en 1965 , plus grâciés , bénéficieraient d’une remise de peine . En Haute - Volta , il en serait de même pour l’ancien président Maurice Yaméogo . Condamné , début mai , a cinq ans de travaux forcés , Yaméogo voit réduira sa peine de trois ans . Compte tenu des années de prévention , sa libération ne devrait pas tarder . En Côte -d’Ivoire , Houphouët déclare : "il n’existe plus de prison politique . Désormais , quiconque sera convaincu d’avoir attenté à la sécurité de l’Etat se verra obligé de se confesser devant la nation et sera renvoyé dans sa famille " . Pus de prison à "Fraterinterville " .

Au Kenya , sérieux avertissement à l’ambassade de Chine qui attaque dans la revue "Pekin Review " l’U.R.S.S. Nairobi n’apprécie pas le procédé . Mais ce n’est là qu’un russe , Georguiev , qui , dans un article de la revue " France - Eurafrique " met en garde les Africains contre les entreprises de Mao . "En Afrique , écrit le russe , Pékin ne peut pas utiliser le " facteur force " , ni recouvrir aux méthodes de pression et d’intimidation comme il le fait à l’égard de ses voisins , le Népal , la Birmanie , le Laos " etc . Et de souligner que l’aide chinoise n’est que de la poudre aux yeux , " les chinois aiment parler de leur aide , mais ne se hâtent pas de l’accorder . Ils marchandent les concessions de toute sorte . . . Sur 850 millions de dollars promis , 161 seulement ont été accordés . . . " Et de rappeler méchamment que Pékin promet des chemins de fer à l’Afrique " alors que la longueur totale du réseau ferroviaire de la Chine dépasse à peine 20.000 km et que , pour sa construction , il a fallu plus de 70 ans ! " Alors , camarades , on tire à boulets rouges . Sous la polémique ne perdons pas de vue que les deux compères cherchent à se placer . Au grand dam des Africains .